VIDÉO. Elle descend dans le « bunker » oublié de la gare et découvre un abri antiaérien intact 80 ans après
Elle a retrouvé un abri antiaérien, dissimulé sous la gare de Besançon (Doubs). Une centaine de mètres de galeries en béton qui ont résisté au temps et au bombardement de 1943. Orianne Vatin partage sa découverte dans une vidéo sur les réseaux sociaux.
Elle ne révélera pas l’endroit exact par lequel elle est entrée. « Il faut se faufiler et c’est dangereux de descendre », explique-t-elle. Mais ce qu’elle a trouvé sous les Glacis, près de la gare Viotte à Besançon (Doubs), dépasse tous ses espoirs.
Historienne locale et autrice d’un livre sur l’occupation de la capitale comtoise, publié en 2024 aux éditions Cêtre, Orianne Vatin a diffusé ce vendredi 9 mai 2025 sur les réseaux sociaux une vidéo incroyable d’un abri antiaérien oublié et dont une grande partie est encore intacte 80 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Une découverte étonnante après des mois d’enquête aux archives municipales. « Aux archives, il y a une liste des abris, j’ai pu trouver des plans, raconte-t-elle à France 3 Franche-Comté. Je suis aussi tombé sur des gens qui font de l’urbex et qui avaient déjà exploré le site, mais qui ne savaient pas ce que c’était vraiment. »
Car si l’existence de cet abri antiaérien était connue, on en avait depuis longtemps perdu la mémoire. Et personne jusque-là n’avait entrepris de retrouver trace de ces vestiges de l’occupation allemande. « La sortie au niveau du monument aux morts a été soufflée pendant le bombardement de 1943 et une partie s’est écroulée », détaille Orianne Vatin.
Ces abris, elle en fait presque collection. En région parisienne où elle a vécu près de 20 ans, elle en a étudié beaucoup. Elle en a même redécouvert certains. Comme à Besançon d’ailleurs, depuis son retour dans sa ville natale. « Il faut parfois travailler avec des photos aériennes pour en retrouver l’emplacement exact », explique-t-elle.
C’est un travail de fourmis, on cherche, on cherche et neuf fois sur dix quand on a localisé un abri, on ne trouve plus rien. Ces abris sont détruits, murés ou tout simplement oubliés.
Orianne Vatin, historienne.
Un deuxième abri se trouvait d’ailleurs dans le même quartier de la gare. « Mais aujourd’hui, il y a un immeuble et un jardin, c’est tout, regrette la passionnée. J’ai réussi à en localiser un autre sous la Préfecture, mais il faudrait y avoir accès pour vérifier ce qu’il y a sur place. »
Les images filmées par l’historienne montrent en revanche une solide architecture en béton, presque intacte. « Parmi tous ceux que j’ai pu voir, il y en a seulement deux ou trois qui sont en aussi bon état, reconnaît-elle. Je n’avais jamais trouvé les bancs, comme ça. »
Il y a une centaine de mètres de galerie. Mais c’est frustrant qu’une partie ne soit plus accessible. J’aime bien explorer les bureaux des chefs d’abri, où il reste parfois une affiche ou une petite plaque. Là, on ne les retrouvera pas.
Orianne Vatin, historienne.
Sa trouvaille, Orianne Vatin adorerait évidemment la partager. Et emmener avec elle les curieux dans ces souterrains historiques. « Dans la ville où j’habitais en région parisienne, je trouvais des abris et je faisais des visites guidées à l’occasion des journées du patrimoine, confie-t-elle. Là, il faudrait aménager une ouverture et sécuriser les lieux Mais si la ville de Besançon était intéressée, je pourrais le faire ici aussi. »
Cette découverte est d’autant plus surprenante que la gare Viotte a essuyé un terrible orage de bombes le 16 juillet 1943. Cette nuit-là, 165 bombardiers de la Royal Air Force Britannique, partie de Londres, ont pilonné la gare. Un raid tragique qui a fait 51 morts et 134 blessés, causé d’importants dégâts dans le quartier et laissé de douloureux souvenirs dans la Boucle.
Une erreur ? Sans doute, disent les historiens de la période, car, à l’origine, Besançon n’était pas la cible visée par les pilotes de la RAF. Les Alliés avaient surtout en point de mire les usines Peugeot de Sochaux (Doubs), où étaient assemblés depuis avril de la même année, les moteurs des appareils de la Luftwaffe, la flotte aérienne allemande. Aujourd’hui encore, on ignore pourquoi les avions anglais ont dévié de leur trajectoire avec leur arsenal, des milliers de bombes pesant de 100 à 500 kilos. Au total, 108 ont été finalement larguées sur Besançon et 85 ont explosé au sol.
Peu, désormais, s’en souviennent, mais le déluge de feu s’est abattu jusqu’à l’avenue Carnot, la rue de Belfort, l’avenue Denfert-Rochereau, le dépôt de tram et dans une partie des quartiers Battant, Montrapon et Saint-Claude. Ce qui n’empêchera pas les trains de repartir dès le lendemain matin, six heures, quelques rails ayant échappé aux bombes. Le bâtiment, lui, sera entièrement détruit, deux avions s’étant même écrasés entre ses murs.
Auteur : Emmanuel Deshayes
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