Une attaque jihadiste a fait au moins 54 tués dans les rangs des forces armées béninoises – Zone Militaire
Aux prises avec l’État islamique au grand Sahara [EIGS] et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM, lié à al-Qaïda] au nord ainsi qu’avec la Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique [ISWAP] et Boko Haram au sud, le Niger est régulièrement visé par des attaques terroristes visant non seulement ses forces armées mais aussi sa population civile. Depuis le départ contraint des forces françaises, après le coup d’État de juillet 2023, la situation ne s’est guère arrangée, bien au contraire.
Ainsi, l’an passé, selon l’Indice mondial du terrorisme, dont la dernière édition a été publiée par le groupe de réflexion « Institute for Economics and Peace » en mars, le Niger est le pays qui a enregistré la plus forte hausse mondiale des décès liés à des attaques terroristes.
« Le pays a connu un revirement au cours des deux dernières années, enregistrant une augmentation de 94 % des décès dus au terrorisme, soit 930 morts en 2024 », avance en effet ce document.
Plus généralement, sur les 7 555 décès dus à des actes terroristes commis dans le monde 3 885 ont été constatés au sahel. Soit 51 % du total. Considéré comme étant le maillon faible de la lutte contre les groupes armés terroristes [GAT], le Burkina Faso reste le pays plus touché, avec 1 532 morts en 2024 [et 1 935 en 2023]. Et cela alors que, comme le Mali et le Niger, il a aussi exigé le retrait des troupes françaises de son territoire tout en privilégiant un rapprochement avec la Russie.
Dans son dernier rapport, le groupe d’experts des Nations unis sur la mouvance jihadiste a souligné que la situation continuait de se détériorer au Sahel. Ainsi, le GSIM [ou JNIM] a renforcé ses positions dans le nord et à l’ouest du Mali, notamment dans « les zones rurales non contrôlées » par les forces armées locales [FAMa], se rapproche à moins de 50 kilomètres de Ouagadougou et « fait peser une menace sur Niamey ».
En 2021, la Direction générale de la sécurité extérieure [DGSE] avait une nouvelle fois prévenu que les groupes terroristes, en particulier ceux affiliés au GSIM, cherchaient à étendre leur influence vers le golfe de Guinée. Et que, partant, ils risquaient de s’en prendre à la Côte d’Ivoire, au Bénin et au Togo.
Pour cela, les jihadistes tentent de s’implanter dans les communautés locales en noyautant les écoles coraniques et en instrumentalisant les conflits sociaux et / ou ethniques. Dans le même temps, ils lancent des attaques ponctuelles contre les forces des États visés, notamment dans les grands parcs naturels.
Toujours d’après le rapport du groupe d’experts des Nations unies, le GSIM aurait regroupé des combattants dans le sud du Burkina Faso, pays qui, désormais, sert de « point de départ » à ses opérations menées dans les pays du golfe de Guinée où il dispose de cellules dormantes. Le Togo et le Bénin sont particulièrement visés, comme en attestent de récentes attaques terroristes commises contre leurs forces de sécurité.
« Au Bénin, le GSIM a accru la pression dans le nord pour avancer vers le Nigéria et ainsi dynamiser [le groupe] Ansarul Muslimina Fi Biladis Sudan. Cette collaboration pourrait faciliter son expansion vers le Nigéria, où il pourrait tenter de tirer parti des conflits communautaires comme il le fait dans les pays du golfe de Guinée », note le rapport.
Au passage, Ansarul Muslimina Fi Biladis Sudan [Avant-garde pour la protection des musulmans en Afrique noire, ou Ansaru] est un groupe armé nigérian qui, apparu en 2012 après s’être démarqué de Boko Haram, a fait allégeance à al-Qaïda au Maghreb islamique [donc au GSIM] en 2020.
Quoi qu’il en soit, depuis le début de cette année, le GSIM a encore accentué sa pression sur le Bénin, pays dont, ironie du sort, le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies avait salué son « approche holistique » en matière de lutte contre le terrorisme en novembre dernier.
Le 8 janvier, 28 militaires béninois ont été tués lors d’une attaque menée par le GSIM au niveau du « triple point », c’est-à-dire la région située aux confins du Niger, du Burkina Faso et du Bénin.
À l’époque, une source diplomatique avait rappelé que 121 membres des forces béninoises avaient été tués entre 2021 et décembre 2024 lors d’attaques terroristes. « Actuellement, il est clair que la menace s’intensifie, plus la situation au Niger et au Burkina Faso se dégrade, plus c’est dur pour le Bénin », avait-elle souligné auprès de l’AFP.
Ce bilan vient de s’alourdir significativement. Le 17 avril, deux positions tenues dans le parc W par des unités béninoises engagées dans l’opération Mirador ont été attaquées par le GSIM. Dans sa revendication, le groupe terroriste a affirmé avoir tué 70 militaires. Ce que Cotonou a réfuté, avançant un bilan de 8 tués.
Seulement, une semaine plus tard, les autorités béninoises ont dû admettre des pertes bien plus lourdes. Le 23 avril, le gouvernement a annoncé que ces attaques avaient fait au moins 54 tués dans les rangs de l’armée. Il s’agit du plus lourd bilan officiel depuis que le Bénin est visé par les groupes jihadistes.
« Même si ça ne fait pas les 70 et plus que les gens ont annoncé, c’est beaucoup… Les soldats qui sont tombés, ce sont nos enfants, ce sont nos parents, ce sont nos amis », a commenté Wilfried Léandre Houngbédji, le porte-parole du gouvernement béninois.
« Les points où ces attaques du 17 avril sont intervenues sont sur la ligne frontière, vous pouvez comprendre que si, de l’autre côté de la frontière, il y avait un dispositif au moins comme le nôtre, ces attaques ne se dérouleraient pas de cette façon ou ne se produiraient même pas », a-t-il poursuivi, suggérant ainsi que la coopération avec le Niger et le Burkina Faso avait été, une fois de plus, défaillante.
Seulement, étant donné que Niamey et Ouagadougou ont des relations tendues avec Cotonou, cette coopération n’a que très peu de chances de s’améliorer à court terme. Ce qui ne peut que profiter au GSIM.
Photo : Archive
Auteur : Laurent Lagneau
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