U212 NFS : l’alliance germano-italienne de Fincantieri et tKMS pour contrer le Scorpene Evo de Naval Group
Alors que le marché des sous-marins conventionnels semblent devoir se cristalliser autour d’une confrontation entre le U212 NFS germano-italien et le Scorpene Evo français, la domination technologique, dans ce domaine, n’est plus suffisante pour s’imposer sur la scène internationale.
L’époque où un chantier national, fort de ses seules références, pouvait aligner ses plateformes sur le marché mondial est révolue. Désormais, la compétition se joue à plusieurs niveaux : performance des coques, modularité des systèmes, interopérabilité OTAN… mais aussi et surtout, agilité industrielle et stratégie de partenariat.
Dans ce contexte, l’offensive menée depuis quelques mois par le binôme tKMS–Fincantieri, autour du U212 NFS et CD, redistribue les équilibres. L’un fournit la technologie et l’héritage d’un savoir-faire reconnu dans le monde entier ; l’autre assure la présence commerciale, la capacité à adapter les offres aux marchés locaux, et l’excellence d’exécution, y compris sur des programmes complexes comme les FREMM américaines.
En face, Naval Group affiche une offre solide, structurée autour du Scorpène Evo et du Blacksword Barracuda, intégrant des briques technologiques issues de l’univers des SNA et des choix industriels audacieux comme le passage précoce aux batteries lithium-ion. Mais l’absence de partenaire européen stable, depuis l’échec du rapprochement avec Navantia en 2008, puis de Fincantieri, dix ans plus tard, pose aujourd’hui la question de la résilience commerciale à long terme du groupe français.
Car à mesure que les appels d’offres se complexifient, que les attentes des marines clientes se raffinent, et que les financements se concentrent sur les acteurs les plus intégrés, la capacité à fédérer, à partager et à projeter devient un levier décisif. Et si Naval Group ne construit pas cette alliance industrielle stratégique que le contexte impose, un autre le fera à sa place.
Le Type 209 de tKMS, et la renaissance de l’industrie sous-marine allemande
Durant la guerre froide, le marché mondial des sous-marins militaires ne comptait qu’un nombre limité d’acteurs. Outre l’Union soviétique, qui alimentait en priorité les marines communistes dotées d’une composante sous-marine, ce marché se répartissait entre les Britanniques, avec les classes Porpoise, Oberon et Upholder ; la France, avec les Daphné et les Agosta ; les Néerlandais, avec les Dolfijn, Zwaardvis et les deux versions du Walrus ; et enfin les Suédois, avec les classes côtières Hajen, Draken, Sjöormen, Näcken et Södermanland.
Si les Britanniques et les Néerlandais obtinrent certains succès sporadiques à l’exportation, c’est la France, avec la classe Daphné — construite à 26 exemplaires dont 15 exportés vers quatre marines étrangères (Espagne, Portugal, Afrique du Sud et Pakistan) — qui parvint le mieux à s’imposer sur la scène internationale, en dépit de la domination exercée alors par les États-Unis avec leur programme Greater Underwater Propulsion Power Program (GUPPY).
Les sous-marins GUPPY, très imposants, mesuraient près de 95 mètres de long pour un déplacement en plongée de 2 400 tonnes. Ils donnèrent naissance aux classes Balao et Tench, produites de 1948 à 1960, et furent ensuite massivement reconditionnés et réexportés vers les marines alliées des États-Unis comme au sein de l’OTAN, alors que l’US Navy abandonnait progressivement les sous-marins conventionnels au profit exclusif de la propulsion nucléaire.
Comme de nombreux sous-marins conçus entre la fin des années 1940 et le milieu des années 1950, qu’ils soient occidentaux ou soviétiques, les GUPPY américains s’inspiraient fortement de la classe Type XXI allemande. Ce sous-marin révolutionnaire, conçu par la Kriegsmarine, mesurait 76 mètres pour 1 800 tonnes en plongée, et fut produit à 118 exemplaires entre 1943 et 1945. Le Type XXI était alors considéré, à juste titre, comme le sous-marin le plus avancé de la Seconde Guerre mondiale, notamment grâce à une vitesse en plongée exceptionnelle de 17 nœuds — bien supérieure à celle des modèles britanniques et américains contemporains.
À la fin de la guerre, les quatre principaux vainqueurs — les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et l’Union soviétique — récupérèrent chacun un ou plusieurs exemplaires du Type XXI, ainsi que plusieurs ingénieurs allemands, qu’ils étudièrent de manière intensive. Ce transfert technologique indirect influencera fortement la génération de sous-marins développée dans les années 1950, tant en Occident que dans le bloc de l’Est.
La République fédérale d’Allemagne, quant à elle, ne fut autorisée à remettre en œuvre ses deux Type XXI restants qu’à partir de son réarmement en 1952, et de son intégration à l’OTAN en 1955. Toutefois, elle ne put véritablement redéployer une force sous-marine qu’à compter de 1960, sous des restrictions sévères en matière de tonnage et de rayon d’action.
Cela donna naissance au Type 201 (42 m / 400 t) en 1960, rapidement remplacé par le Type 205 (45 m / 400 t) en 1962, puis au Type 206 (48 m / 500 t) à partir de 1970. Ces sous-marins très compacts, conçus pour la défense côtière en mer Baltique, répondaient à la fois aux contraintes opérationnelles du théâtre local et aux restrictions imposées par les Alliés.
Il reste 75 % de cet article à lire, Abonnez-vous pour y accéder !
Les abonnements Classiques donnent accès aux
articles dans leur version intégrale, et sans publicité,
à partir de 1,99 €. Les abonnements Premium permettent d’accéder également aux archives (articles de plus de deux ans)
ABONNÉS : Si vous voyez ce panneau, malgré votre abonnement, videz le cache de votre navigateur pour régler le problème.
Auteur : Fabrice Wolf
Aller à la source