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« Tout le monde parle de guerre » : à la frontière finlandaise, l’inquiétude face au renforcement de l’armée russe

À un jet de pierre de la Russie, les habitants de la petite ville frontalière finlandaise de Kuhmo s’inquiètent du renforcement militaire du grand voisin, ravivant les préoccupations pour la sécurité du pays nordique.

Elles relancent les craintes d’une préparation de la Russie à une action militaire contre la Finlande, une fois la guerre en Ukraine terminée. Moscou a mis en garde, à plusieurs reprises, Helsinki contre les répercussions de son adhésion à l’Otan après l’invasion de l’Ukraine en 2022.

« De nouvelles divisions près de la frontière »

« Nous avons noté de nouveaux changements organisationnels, comme de nouvelles divisions qui commencent à apparaître près de la frontière finlandaise », indique l’expert militaire Emil Kastehelmi, du groupe finlandais Black Bird, qui analyse l’invasion de l’Ukraine par la Russie. « La Russie continue de construire, de se préparer et de s’entraîner à proximité de la frontière orientale de la Finlande et de l’Otan », a-t-il ajouté.

Selon l’expert, ce renforcement est une réponse à l’adhésion à l’Otan mais aussi une tentative d’accélérer le recrutement de soldats, et une conséquence du rétablissement du district militaire de Leningrad, l’année dernière.

« La Russie construit davantage d’infrastructures pour pouvoir faire venir plus de troupes après la fin de la guerre » en Ukraine, ont estimé les forces de défense finlandaises, en mai.

Le ministre finlandais de la Défense, Antti Hakkanen, a déclaré qu’Helsinki « surveillait et évaluait de près les activités et les intentions de la Russie », avec ses alliés.

« On s’inquiète pour les enfants et petits-enfants »

À Kuhmo, à 600 kilomètres au nord d’Helsinki, Samuli Pulkkinen, 49 ans, vend des baies et des légumes devant une épicerie. Les habitants sont, selon lui, de plus en plus inquiets à l’idée d’une nouvelle guerre avec la Russie – la dernière, en 1939-1940, a vu la Finlande céder 11 % de son territoire. « Après une longue période de paix, tout le monde parle maintenant de guerre et de menace de guerre. On fait comme si cette période de paix semblait déjà finie et que quelque chose de mauvais menaçait en permanence de se produire, c’est vraiment triste », souffle-t-il, sinistre.

La ville de Kuhmo, qui compte moins de 10 000 habitants, est située à une soixantaine de kilomètres du poste-frontière fermé de Vartius. De nombreux habitants ont de la famille des deux côtés de la frontière, et le tourisme et le commerce transfrontaliers étaient d’importantes sources de revenus avant 2022.

« Je ne m’inquiète pas trop, car vivre avec la peur est un défi au quotidien, dit un homme de 67 ans qui requiert l’anonymat. Mais en pensant aux générations futures, aux enfants et aux petits-enfants, je m’inquiète pour leur avenir. »

« Aucune raison d’avoir peur »

La Finlande construit une clôture frontalière de 200 kilomètres afin d’empêcher la Russie d’« instrumentaliser les migrants ». Helsinki a fermé sa frontière avec la Russie, en décembre 2023 et jusqu’à nouvel ordre, après l’arrivée d’un millier de migrants sans visa. Moscou a démenti avoir orchestré cet afflux.

Les gardes-frontières surveillent quotidiennement les activités le long de la frontière orientale et sont « très bien informés de la situation du côté russe », explique Tomi Tirkkonen, commandant adjoint du district des gardes-frontières de Kainuu, qui inclut Kuhmo.

« Il n’y a aucune raison d’avoir peur, la situation est entièrement sous contrôle », a-t-il déclaré, lors d’une visite au poste-frontière de Vartius, entouré de forêt. « Nous sommes prêts à faire face à toutes sortes de scénarios », a-t-il ajouté, sans pouvoir divulguer des détails « opérationnels et confidentiels ».

Depuis son adhésion à l’Otan, la Finlande a renforcé ses investissements militaires et la préparation de sa population.

Le pays, qui soutient l’objectif fixé par l’Otan d’un investissement de 5 % du PIB des pays membres en faveur de la défense et la sécurité en 2035, a lancé une réforme de sa défense.

Pirjo Rasinkangas, qui rend visite à des parents à Kuhmo, soutient la décision de fermer la frontière et de construire cette clôture, affirmant que cela donne un « sentiment de sécurité ». « J’essaie encore d’être un peu positive et de penser que la situation ne va pas empirer », dit-elle.

Selon l’analyste Kastehelmi, le renforcement russe ne constitue pas une menace immédiate pour la sécurité de la Finlande et ne présage pas non plus de préparatifs imminents d’offensive.

Le président finlandais, Alexander Stubb, a assuré, lors d’une interview à CNN en mai, que les bases militaires russes situées le long de la frontière n’avaient rien de nouveau et qu’il s’agissait d’une « montée en puissance normale ».

« La question la plus importante est de savoir ce qui se passera lorsque la guerre en Ukraine prendra fin, précise Emil Kastehelmi. Ce serait un signe très inquiétant si, par exemple, la Russie ne démobilisait pas ses soldats après la fin des opérations militaires en Ukraine. »

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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