Tandis que Villers-Bretonneux rend hommage, comme chaque année, aux corps armés australiens et néo-zélandais engagés lors de la Première Guerre mondiale, France 3 Hauts-de-France vous emmène célébrer cet Anzac Day 2025 en Nouvelle-Zélande, où même les plus petites villes comme Renwick organisent une cérémonie afin de maintenir vivante la mémoire de ces soldats morts à 20 000 km de chez eux.
Plus de 200 personnes se sont réunies devant le monument aux morts de Renwick en ce vendredi 25 avril 2025. Parmi eux, de nombreuses familles accompagnées de leurs jeunes enfants, venues rendre hommage aux soldats néo-zélandais morts au combat. Chaque année, pour l’Anzac Day, une cérémonie est organisée ici afin de ne jamais oublier les 26 hommes de Renwick tombés lors de la Première Guerre mondiale, les 12 morts de la Seconde et tous ceux qui ont participé aux autres guerres qui ont suivi.
Située dans la région viticole de Marlborough, au nord de l’Île du Sud de la Nouvelle-Zélande, Renwick ne compte que 2 400 habitants. Mais ici, comme dans d’autres villes plus importantes du pays, cette fête nationale est célébrée en grande pompe. Hymne national chanté en langue Maori et en anglais, défilé des anciens combattants, orchestre local, discours, lecture de psaumes, levée de drapeaux, dépôts de gerbes… La cérémonie, qui a débuté à 9h tapantes, a duré 40 minutes.
Un moment solennel mais aussi émouvant grâce à l’intervention de trois élèves de l’école de la ville. Parmi eux, Ash MacGibbon, 11 ans, a tenu à raconter l’histoire de deux de ses arrière-grands-pères qui ont combattu pendant la Seconde Guerre mondiale. L’un était ambulancier, l’autre, qui faisait partie de l’armée britannique, a été capturé par les nazis, et s’est échappé avec un camarade néo-zélandais. Après la guerre, il a immigré en Nouvelle-Zélande où il est mort en 2007.
Ash MacGibbon, 11 ans, a rendu hommage à ses arrières grands-parents qui ont combattu pendant la Seconde Guerre mondiale.
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© Céline Brégand / FTV
Ash n’a jamais connu ses deux ancêtres. Pour ce projet très personnel, il s’est donc renseigné auprès de ses grands-mères et d’une tante qui lui ont permis de recoller les morceaux et lui ont fourni quelques photographies. « Je ne connaissais pas grand-chose de leur histoire. Je suis fier de découvrir ce que mes arrière-grands-pères ont fait et je leur en suis aussi très reconnaissant« , confie Ash après la cérémonie.
Un devoir de mémoire qui parle à Brent Carmody. Ce vigneron de 44 ans s’est rendu à la cérémonie avec ses deux filles, Payton, 11 ans, et Lily, 7 ans. « Mon père a défilé aujourd’hui, mon grand-père a fait la guerre du Vietnam, trois de mes arrière-grands-pères ont participé à la Seconde Guerre mondiale, énumère-t-il. Je suis venu avec mes filles afin qu’elles comprennent que leurs ancêtres se sont battus pour la liberté. C’est important de ne pas oublier« .
Son père, Roy Carmody a servi comme ingénieur de maintenance d’aéronefs dans la Royal NZ Air Force (la force aérienne de la New Zealand Defence Force). Depuis dix ans, il défile chaque année lors de la cérémonie de l’Anzac Day à Renwick. « C’est très enthousiasmant, j’éprouve un sentiment de profonde satisfaction d’avoir fait quelque chose reconnu par les gens, et de voir que ça en valait la peine« , explique-t-il. Pour cet ancien militaire de 74 ans, Anzac Day rime avec « camaraderie« . « Cela représente notre lien avec l’Australie, notre sacrifice commun« .
Une cérémonie de l’Anzac Day s’est tenue sur la place du monument aux morts de Renwick, une petite ville néo-zélandaise de 2400 habitants, ce 25 avril 2025.
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© Céline Brégand / FTV
Une camaraderie que représente en ce jour Allissa Auld, lieutenant commandant dans la Marine australienne, invitée d’honneur de la cérémonie de Renwick. Dans son discours, Allissa Auld a souligné l’importance pour les Néo-Zélandais et les Australiens de faire face aux défis contemporains ensemble, comme cela s’est illustré lors du séisme de 2011 à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, et des feux de forêts dévastateurs auxquels l’Australie a dû faire face en 2024.
Pour la lieutenante, célébrer Anzac Day en 2025, c’est aussi un moyen de montrer qu’il y a « toujours un lien solide développé entre les deux pays depuis plus de cent ans et qui permet de renforcer cette relation aujourd’hui« . Pour Allissa Auld, dont un arrière-grand-père fût fait prisonnier durant la Seconde Guerre mondiale, l’Anzac représente « la résilience, le courage et l’innovation dans la façon dont les soldats se sont adaptés aux circonstances de la guerre et l’ingéniosité dont ils ont fait preuve« .
Au mémorial de Renwick, collé à l’école, deux petites vitrines permettent de retracer l’histoire de l’implication des soldats néo-zélandais dans les différentes guerres. Au milieu des différents objets ayant appartenu à des militaires, trône un vieil appareil photo argentique. Il appartenait à un opérateur radio du nom de Cyril Wadsworth, qui a servi au Moyen-Orient entre 1941 et 1945. Une pellicule se trouve toujours à l’intérieur de l’appareil photo.
Un appareil photo ayant appartenu à Cyril Wadsworth, opérateur radio, durant la Seconde Guerre mondiale.
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« Mon oncle est revenu avec son appareil photo mais on n’a jamais développé le film« , expose Graham Wadsworth, le neveu de Cyril, qui a défilé parmi les anciens combattants à Renwick ce vendredi. À 73 ans, dont trente passés dans l’armée, Graham Wadsworth estime ainsi « rendre hommage à ceux qui ont souffert, y compris ceux qui ont survécu à la guerre et qui sont revenus avec des traumatismes« .
Graham Wadsworth a défilé lors de la cérémonie de l’Anzac Day le 25 avril 2025 à Renwick, en Nouvelle-Zélande.
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À ses côtés, sa cousine Serena, porte autour du cou la cravate de son père, qui a participé à la bataille de Monte Cassino, en Italie (janvier-mai 1944). « Écouter ces histoires de soldats pendant la cérémonie, ça m’a beaucoup émue…« , souffle la femme de 60 ans, en essuyant ses larmes.
La cérémonie de Renwick a été organisée par la Royal New Zealand Returned and Services Association (RNZRSA) locale, une des plus anciennes associations caritatives de soutien militaire du monde, créée après la Première Guerre mondiale. Tony Katting, le président de la RSA de Renwick, a lui-même servi pendant quarante ans dans l’armée. « L’engagement de ces soldats est partout, l’Anzac Day, ce n’est pas seulement Gallipoli. J’ai personnellement été envoyé à Singapour, en Malaisie et au Timor oriental. Quand vous êtes engagé dans l’armée, c’est dans votre sang, c’est pourquoi nous continuons à perpétuer cette mémoire« , explique-t-il.
Les croix plantées devant le mémorial rendent hommage aux soldats originaires de Renwick, tombés durant la Première et la Seconde Guerres mondiales.
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Jamie Arbuckle, conseiller du district de Marlborough depuis 2010 et parlementaire au sein du First Party (un parti conservateur) depuis 2023, se réjouit de l’engouement populaire pour Anzac Day. « Durant la dernière décennie, j’ai remarqué que de plus en plus de monde se rendait aux cérémonies. L’intérêt grandit, y compris parmi les jeunes générations. Peut-être que cela est influencé par les différents conflits qui ont lieu à travers le monde aujourd’hui« , avance l’homme politique. « Cela permet aussi de réaliser à quel point nous vivons en paix ici.«
Anzac Day célèbre-t-il la mémoire de tous ses soldats ? Ce n’est pas l’avis de Kereama Tahurimaikiterangi, un Maori rencontré une semaine plus tôt à Motueka, dans la région de Tasman, dans l’Île du Sud. Vêtu d’un sweat-shirt du 28e bataillon maori et d’une veste en cuir, cet homme de 50 ans joue de la guitare au bord de la plage afin de l’aider « à gérer [s]a colère« .
Il se dit « extrêmement fier » de son grand-père qui a combattu en France durant la Seconde Guerre mondiale. Mais « la Nouvelle-Zélande ne reconnaît pas nos soldats morts au combat, estime-t-il. Il n’y a jamais un mot pour eux, même pas pour Anzac Day ! L’année dernière, je suis allé voir la cérémonie ici, et ils n’ont pas eu un seul mot pour le peuple maori« , relate Kereama.
Tony Katting, de la RSA Renwick, explique de son côté que lors des cérémonies de l’Anzac Day, aucune distinction n’est faite, que ce soit au niveau des soldats ou au niveau des différentes guerres. Notons aussi que plus de 85 % des Maoris vivent actuellement dans l’Île du Nord.
Kereama Tahurimaikiterangi porte fièrement un sweat-shirt à l’effigie du 28e bataillon Maori, à Motueka, en Nouvelle-Zélande, le 16 avril 2025.
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Au total, 2 227 Maoris et 458 habitants des îles du Pacifique du Maori Pioneer Battalion ont combattu lors de la Première Guerre mondiale. Parmi eux, 336 sont morts et 734 ont été blessés. D’autres Maoris se sont également enrôlés et sont morts dans d’autres unités. Le 28e bataillon Maori faisait partie de la 2e division néo-zélandaise pendant la Seconde Guerre mondiale. Près de 3 600 hommes ont servi à l’étranger avec le régiment Maori entre 1940 et 1945. Parmi eux, 649 ont été tués au combat ou sont morts en service actif.
« Ils nous ont volé notre terre et ils ne nous reconnaissent pas ! Alors qu’on s’est battus pendant la Première Guerre mondiale, la Seconde et dans d’autres guerres par la suite« , ajoute, entre deux chants maoris, ce cuisinier sans emploi. Alors ce père de famille porte avec fierté son sweat-shirt du 28e bataillon. Dans son dos, on peut lire : « Ake Ake Ake » (que l’on peut traduire par « Pour toujours et à jamais »), des paroles que l’on peut entendre dans les chansons de ce régiment. En ce 25 avril, il se dit néanmoins « honoré » que son fils de 18 ans défile pour la cérémonie de l’Anzac de Picton, au nord de l’Île du Sud.
Auteur : Céline Brégand
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