TÉMOIGNAGE. « Je suis tellement chanceux d’être encore là » : un vétéran américain de 102 ans, dernier témoin vivant, raconte la reddition allemande à Reims
Il y a 80 ans, la fin de la Seconde Guerre mondiale était actée le 8 mai 1945. Une reddition signée la veille, le 7 mai, par l’Allemagne nazie à Reims (Marne). L’Américain Louis Graziano, 22 ans à l’époque, est le dernier témoin vivant de cet instant d’Histoire. Âgé de 102 ans, il revient sur cet événement et sa vie rémoise d’alors.
Le 7 mai 1945, à 2h41 du matin, la capitulation totale de l’Allemagne nazie est signée dans la salle des cartes du quartier général des forces alliées, à Reims (Marne). C’est la fin à la Seconde Guerre mondiale.
Aux côtés de deux officiers allemands et du président des États-Unis Dwight D. Eisenhower, se trouve, en retrait au fond de la pièce, Louis Graziano. Ce jeune américain de 22 ans est alors chargé de la surveillance des bâtiments militaires, notamment du bureau de son président dans ce qui est aujourd’hui le lycée Franklin Roosevelt. Aujourd’hui âgé de 102 ans, il est le dernier témoin oculaire vivant de la reddition allemande.
Louis Graziano dans la salle du Quartier général où a été signé la capitulation de l’Allemagne nazie le 7 mai 1945.
•
© Archives
“Vous êtes ici, c’est cela ?”, questionne notre journaliste Thibault Malandrin, qui a pu échanger avec le vétéran américain par visioconférence, en montrant une photo de la capitulation. “Oui, c’est bien moi, juste là”, répond-il, une pointe de fierté dans la voix.
Malgré des souvenirs vieux de 80 ans, il se souvient de cet événement comme un “moment heureux” : “Pour nous, pas pour les Allemands. Eux, ils avaient le visage fermé”, précise-t-il. Le 7 mai 1945, il savait la fin de la guerre proche, sans trop le réaliser. “Il a fallu quelques jours, raconte Louis Graziano. Mais j’espérais rentrer chez moi et on y est arrivés, on est rentrés !”
Louis Graziano était chargé de la surveillance du bureau de Dwight D. Eisenhower.
•
© Archives
Après être entré dans l’armée américaine en janvier 1943 et avoir participé au Débarquement de Normandie, le 6 juin 1944, Louis Graziano est arrivé à Reims au début de l’année 1945. Avant cela, il avait été blessé lors de la bataille des Ardennes.
Sur son temps libre, il renouait parfois avec son premier métier, coiffeur. L’occasion également de découvrir les charmes de la cité des Sacres, notamment ce jour où un mur étrange a attisé sa curiosité. Il se souvient avoir demandé à ses hommes d’y faire un trou, ce qu’ils ont fait : « Ils ont vu qu’il y avait du champagne derrière. Je leur ai dit : prenez la bouteille la plus poussiéreuse, plus c’est vieux, meilleur c’est.”
Ils m’ont dit qu’il y avait du champagne derrière. Je leur ai dit ‘prenez la bouteille la plus poussiéreuse, plus c’est vieux, meilleur c’est.
Louis GrazianoVétéran américain
La découverte de Louis Graziano n’était pas passée inaperçue. Le propriétaire de la cave s’était plaint auprès d’un général américain, qui avait décidé de retirer de la solde du jeune homme le montant du champagne dérobé. “J’ai dit au général qu’on s’en fichait, parce qu’on s’était bien amusés”, dit-il en rigolant.
Louis Graziano est le dernier témoin vivant de la reddition.
•
© Archives
À Reims, il est surtout tombé sous le charme d’une militaire américaine, Bobbie, qu’il voit un jour jouer au ballon lors d’un match. “Je l’ai rencontrée et lui ai proposé un rendez-vous qu’elle a accepté, mais quand je suis venue la chercher une fille de son bureau m’a dit qu’elle était déjà partie avec un autre. Ni une, ni deux, quinze jours plus tard, je lui ai demandé un autre rendez-vous. Cette fois, elle était bien là et on est sortis ensemble.”
Louis Graziano et sa femme Bobbie se sont mariés à Reims, dans la Marne, durant la guerre.
•
© Archives
Un rendez-vous qui marque le début d’une longue histoire puisque le couple, marié à Reims et ayant passé une semaine de lune de miel à Paris, a eu cinq enfants. Kim, à ses côtés lors de l’échange avec notre journaliste, réagit : “Tout ce qu’on savait, c’est qu’ils s’étaient rencontrés et mariés à Reims. Ils ne parlaient jamais de la guerre”, explique-t-elle.
Tout ce qu’on savait c’est qu’ils s’étaient rencontrés et mariés à Reims. Ils ne parlaient jamais de la guerre.
Auteur d’un livre de mémoires sur la Seconde Guerre mondiale, l’histoire de Louis Graziano est étroitement liée à celle du monde entier, encore aujourd’hui. “Si on va dîner ensemble, ça nous prend une éternité de sortir. Tout le monde veut le voir et lui serrer la main”, indique sa fille avant d’ajouter : “Je me sens honorée de l’avoir pour père.”
Louis Graziano a reçu la Légion d’Honneur française en 2021.
•
© Louis Graziano
En 2021, le vétéran a reçu la Légion d’Honneur américaine pour ses années de guerre passées en France. Il se dit conscient de son statut désormais inédit dans le monde : “Je suis tellement chanceux d’être encore là”, glisse-t-il.
Auteur : Leslie Larcher
Aller à la source