TÉMOIGNAGE. « Ils ont pris ma mère, elle a été déportée à Ravensbrück » : à 96 ans, Monique livre l’histoire de ses parents résistants
Ce jeudi 8 mai 2025, la ville de Montrichard dans le Loir-et-Cher a rendu hommage à une famille de résistants, Georges, Henriette et Monique Fermé. A 96 ans, Monique Fermé a accepté de nous confier ses souvenirs de la seconde guerre mondiale.
Pour le 80e anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale, la ville de Montrichard, dans le Loir-et-Cher, a dévoilé une plaque commémorative en hommage à une famille de résistants, Georges, Henriette et Monique Fermé.
« Leur bravoure, leur engagement et leur détermination resteront à jamais dans la mémoire dans la mémoire des Montrichardais, 1939-1945. »
Aujourd’hui âgée de 96 ans, Monique était adolescente pendant la guerre. Elle a accepté de nous confier ses souvenirs de cette sombre période. À commencer par le bombardement de Montrichard, dès 1940, le 14 juin, précisément. Elle avait 11 ans.
« La place qui est devenue place du général de Gaulle était couverte de voitures et de cars de réfugiés qui arrivaient du nord, paniqués par l’avance allemande. Ma mère leur a dit d’éteindre leurs phares parce qu’un avion tournait. Elle venait juste de traverser la place quand les bombes ont commencé à tomber. Elle doit sa vie aux gros arbres qui ont dispatché les éclats. »
Montrichard, après le bombardement du 14 juin 1940.
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© Capture France3 CVDL
La fillette qu’était alors Monique en sortira durablement traumatisée :
« Le lendemain nous devions retraverser cette place pour aller à l’entrepôt et ça a été une vision d’horreur. Des lambeaux d’individus dans les arbres, des morceaux de vêtements déchiquetés, et l’odeur des voitures calcinées, c’était vraiment abominable. C’est quelque chose qui m’a poursuivie longtemps, je ne pouvais plus entendre un avion après ça, je ne le supportais plus. »
Au bord du Cher, Montrichard se retrouve dans une position stratégique entre zone occupée et zone libre. Georges Fermé, le père de Monique, va faire passer la ligne de démarcation à des centaines de personnes.
Georges Fermé a fait traverser la ligne de démarcation à des centaines de personnes avant d’être recherché par la gestapo.
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© Capture France3 CVDL
« La carte de résistant de mon père date de 1940. C’est le futur maire de Blois, Monsieur Drussy, qui l’a embauché très vite. Comme nous pouvions ravitailler de l’autre côté de la ligne, cela nous donnait aussi la possibilité de passer pas mal de gens, soit en les cachant dans des caisses dans nos camions, soit en les déguisant en chauffeur quand on les sentait suffisamment culottés. »
Mais la Gestapo va très vite s’intéresser aux activités de ce réseau et Monique prévient son père juste à temps :
« Quand on a vu que notre réseau était bringuebalant, que les amis de Blois et de la périphérie se faisaient tous arrêter, on s’est dit que cela allait mal se terminer pour papa. J’ai été doublée par une voiture de la Gestapo, je l’ai vue s’arrêter devant le magasin de ma grand-mère. Je suis tout de suite retournée à la maison et je lui ai dit de s’en aller, que c’était pour lui. Il est parti dans la clandestinité. »
Après la fuite de son mari et son entrée dans la clandestinité, Henriette sera arrêtée et déportée à Ravensbrück.
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© Capture France3 CVDL
Georges est parti dans l’Indre, où il a obtenu des faux papiers et très vite rejoint le maquis Nord/Indre. Mais à défaut de trouver l’homme, la Gestapo s’en prend à son épouse :
« Ma mère avait énormément de sang-froid. Ils l’ont prise pour l’interroger, lui ont dit qu’ils avaient arrêté son mari. Mais elle savait que c’était faux, elle a été emprisonnée à Blois, puis est partie pour Orléans et Compiègne. Elle a finalement été déportée à Ravensbrück, où elle est restée 22 mois. Elle a eu beaucoup de chance de s’en sortir, c’était abominable. »
Accueillie chez des grands-tantes à Chisseaux, puis chez une amie de la famille à Loches, Monique ignore ce que sont devenus ses parents. De retour à Montrichard, un homme lui apprend que son père est en vie, dans l’Indre, où elle parviendra à le rejoindre. Enfin, en mai 1945, le camp de Ravensbrück est libéré par le maquis tchèque et par les Américains. Henriette rentre à Montrichard, encore vêtue de sa tenue rayée de déportée.
Monique devant la tenue de déportée avec laquelle sa mère, Henriette, est revenue de Ravensbrück.
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© Lodoïs Gravel / France3 CVDL
Une fin heureuse et quasi miraculeuse pour la petite famille, après tant d’épreuves traversées. Après la guerre, les parents de Monique refuseront toujours les honneurs et les médailles. La vie a repris, tout simplement :
« On a voulu vivre normalement, explique Monique. Le fait qu’on se soit retrouvés était un immense soulagement. Et c’était loin d’être donné, ça aurait pu être bien plus catastrophique. De sorte qu’après, on avait envie de reconstruire, et c’est ce qu’on a fait. Notre trio s’est serré les coudes et on est repartis de l’avant, voilà… »
Auteur : Patrick Ferret
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