Mémoire, Histoire & Culture Militaire

TÉMOIGNAGE. « Elle a été sauvée à quelques minutes près » : un couple lyonnais reconnu « Justes parmi les nations » à titre posthume

Publié le

Écrit par Blandine Lavignon

Ils ont caché « Madame Jeanne » pendant la guerre, la sauvant de la barbarie nazie. Joseph et Marie Remillieux, un couple lyonnais, ont reçu le titre de « Justes parmi les nations » à titre posthume. Une reconnaissance permise par le long travail mémoriel accompli par leur fils Joseph.

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Dans le salon familial, la médaille gravée trône fièrement. Le 26 mai dernier, Joseph et Marie Remillieux ont reçu le titre de « Justes parmi les nations », accordé par le mémorial Yad Vashem à titre posthume.  

De décembre 1943 jusqu’à la Libération, ce couple de Lyonnais catholiques et leurs neuf enfants ont caché « Madame Jeanne » dans leur appartement, une femme de confession juive traquée par la Gestapo.

Une histoire de courage de citoyens ordinaires exhumée par l’un des enfants du couple, Joseph, qui a tenu à ce que la plus haute distinction civile d’Israël puisse leur être accordé. Du haut de ses quatre ans à l’époque, il n’a jamais oublié « Madame Jeanne« . « Poursuivie par la Gestapo, « Madame Jeanne » s’était réfugiée dans la boulangerie au pied de notre immeuble. La boulangère a eu l’idée d’appeler ma mère. Tout de suite, ma mère a décidé de la cacher chez nous sans poser de question » narre Joseph.

Elle a été sauvée à quelques minutes près. Pour ma mère ça a été une évidence : il y avait quelqu’un en danger, il fallait s’en occuper

Joseph Remillieux, fils du couple reconnu « Justes parmi les nations »

La présence de « Madame Jeanne » au sein du 15 place Carnot doit être tenue secrète. La famille Remillieux risque gros. « Le but c’était qu’elle se fonde complètement dans la vie familiale. À une époque où c’était très dur, il y avait de grosses difficultés d’alimentation » témoigne Joseph Remillieux.

Les enfants ne savent pas que « Madame Jeanne » est juive. Mais ils comprennent qu’il faut à tout prix ne jamais en parler hors des murs de l’appartement familial. « On savait ce qu’était le danger. On vivait sous les bombes, avec les alarmes et des soldats allemands qui étaient dans les rues. Mais juif pour moi ça ne voulait rien dire. Nos parents avaient expliqué qu’il fallait un secret absolu, même vis-à-vis du reste de notre famille » relate Joseph.  

La grande fratrie Rémillieux.

© Laure Crozat/ France 3

Joseph a même un rôle très particulier : « lorsque quelqu’un sonnait à la porte, je devais courir avertir « Madame Jeanne ». Elle avait un sac toujours prêt, afin de fuir par l’escalier de service de l’autre côté de l’appartement ».  

Pourtant après la guerre, Joseph et ses frères et sœurs n’entendront plus jamais parler d’elle.  Des années plus tard, alors qu’il entreprend l’écriture d’un livre sur son père, il se replonge dans l’histoire de « Madame Jeanne ». Il découvre qu’elle s’appelle en réalité Madame Saïmowitch, et qu’elle a continué à échanger des lettres avec ses parents après la Libération.  « J’avais la preuve que « Madame Jeanne » avait survécu. Les parents nous disaient qu’ils n’avaient jamais eu de nouvelles, sans doute pour nous protéger ».  

La famille Rémillieux, avec Joseph et Marie au centre

© Laure Crozat/ France 3

Une lettre adressée à « Madame Jeanne » chez les Remillieux.

© Laure Crozat/ France 3

C’est 70 ans de silence absolu. Dans la fratrie, tout le monde a gardé le secret au point qu’un de mes frères m’avait même dit « notre père avait dit ‘par sécurité, oubliez tout’ et bien j’ai tout oublié

Joseph Remillieux, fils du couple reconnu « Justes parmi les nations »

Le retraité mène des recherches jusqu’à contacter la petite fille de Jeanne Saimowitch, Isabelle. « Quand Joseph prend contact avec moi en 2018, je découvre ce pan de mon histoire que je ne connaissais pas. Les Remillieux étaient une famille nombreuse, qui avait peu d’argent pour manger, et qui partageaient pourtant avec ma grand-mère. Cette main tendue est quelque chose que l’on n’oublie pas » témoigne Isabelle. 

Après avoir reconstitué les pièces du puzzle, Joseph décide il y a quelques années de demander le titre de « Justes parmi les nations » à titre posthume pour ses parents. Une longue procédure avant d’enfin se voir remettre la médaille le 26 mai dernier. Isabelle Saïmowitch était présente à la cérémonie. « Si les Remillieux n’avaient pas été là, je n’aurais pas existé. Et si leur fils Joseph n’avait pas eu envie de connaître le fin mot de l’histoire, je n’en aurai jamais rien su » confie-t-elle avec émotion.

La médaille de « Justes parmi les nations » remise à titre posthume au couple Remillieux.

© Laure Crozat/ France 3

Pour Joseph, la remise de cette distinction est un « aboutissement » : « Mes parents étaient des gens très discrets, humbles. Ils ont fait quelque chose d’aussi courageux que dangereux par humanité. D’autant plus qu’à l’époque on habitait en face de la Gestapo ».

Joseph et Marie Rémillieux seront, pour la première fois, cités lors de la Journée nationale d’hommage aux Justes de France le 21 juillet prochain. Des héros de l’ombre qui auront désormais une place dans l’Histoire. 

Article écrit à partir du reportage de Sandie Goldstein et Laure Crozat



Auteur : Blandine Lavignon

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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