Mémoire, Histoire & Culture Militaire

Seconde Guerre mondiale. Le 9 mai 1940, à la veille de l’offensive allemande, les soldats français surveillent la frontière depuis la ligne Maginot

Il y a 85 ans avait lieu la bataille de France. Le 9 mai 1940, la France et ses alliés se préparent à un affrontement face à l’armée allemande. Dans le Nord, surtout à Maubeuge et Valenciennes, les soldats français organisent des patrouilles depuis la ligne Maginot.

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Depuis le 3 septembre 1939 et la déclaration de guerre du Royaume-Uni et de la France au Reich, les armées se sont observées de part et d’autre des frontières. La Pologne a été écrasée par l’Allemagne et l’URSS. Britanniques et Français sont venus aider les Norvégiens et se battent contre les troupes allemandes en Norvège, du côté de Narvik notamment. 
 L’armée française a lancé une timide offensive en Allemagne du côté de la Sarre, grignotant quelques kilomètres de Reich sans chercher à aller plus loin. Mais cette guerre est tellement étrange et calme que l’histoire se la rappellera comme de la « Drôle de Guerre ».

Pourtant, en ce début mai, les Européens pressentent que cela va changer. Des opposants au régime nazi ont laissé fuiter des informations. Les Pays-Bas sont neutres, mais depuis le 5 mai, l’armée néerlandaise est en état d’alerte. Il faut dire que Hitler a déjà attaqué, sans déclaration de guerre, le Danemark et la Norvège, deux pays neutres également.

Des soldats français dans les environs de Strasbourg en décembre 1939.

© AFP

En France, Marc Bloch est à Valenciennes. Son état-major est installé dans un lycée de jeunes filles. Historien, il a été sergent d’infanterie en 14/18. Père de 6 enfants, il reprend malgré tout l’uniforme en 39, il est capitaine. Il s’attend à partir en Belgique dès le début de l’offensive allemande, car le haut commandement français et alliés s’attend à une attaque allemande en Belgique et aux Pays-Bas.

Comme ces pays sont neutres, l’armée française ne peut y pénétrer avant le début de l’offensive du Reich. Le plan est de se précipiter, dès le début de l’attaque allemande, jusqu’à Liège en Belgique et Breda aux Pays-Bas pour constituer un long front uni avec les armées britanniques, belges et néerlandaises.

Pour cela, l’armée française a massé ses meilleures troupes, les plus modernes et mobiles, dans le Nord, surtout à Maubeuge et Valenciennes, laissant la garde du reste du territoire à des unités moins performantes et à la Ligne Maginot dans l’est.

Fortification de la ligne Maginot en Lorraine

© PHOTOPQR/LE REPUBLICAIN LORRAIN/MAXPPP

La Ligne Maginot est une ligne de fortifications qui s’étend de la Suisse à Bray-Dunes dans le Nord. Dans l’est de la France, face à l’Allemagne, les forts sont impressionnants, véritables casernes souterraines ultra-modernes, équipés d’armements puissants et de défenses anti-char.

Les allées souterraines de la ligne Maginot en Lorraine.

© PHOTOPQR/LE REPUBLICAIN LORRAIN/MAXPPP

De Sedan à Bray-Dunes, la Ligne Maginot se résume à des casemates de béton, voire à de petits bunkers pouvant tout juste servir d’abri à un canon et quelques hommes. Un bel exemple de cette ligne Maginot version « allégée » est encore visible sur les flancs du Mont Noir, le long de la frontière belge.

 

Pour avoir le temps de s’organiser face à l’attaque allemande, les alliés comptent, comme en 14/18, sur les fortifications belges, construites autour de Liège, notamment le fort d’Eben-Emael, considéré comme la plus puissante forteresse d’Europe et qui doit contenir l’armée allemande 4 ou 5 jours. Les Alliés sont sûrs de leur plan. La Ligne Maginot empêchera les Allemands d’attaquer l’est de la France, les meilleures troupes françaises et britanniques sont sur la frontière belge, prêtes à s’avancer au-devant de l’envahisseur pour le bloquer loin du territoire français.

Vestige de la forteresse d’Eben-Emael en Belgique

© Hans-Joachim rech/picture alliance/ Hans-Joachim/MaxPPP

 
Il y a un point faible dans ce dispositif, les Ardennes, mais l’État-major français est sûr qu’une armée moderne ne peut traverser rapidement ce massif forestier. Ce plan est détaillé dans le film de Frank Capra « Divide and Conquer » en 1943. Le cinéaste américain y explique les raisons de la défaite française de 1940 dans un film financé par le gouvernement des USA à des fins de propagande.

L’attaque allemande n’est pas une surprise : Karl-Heinz Frieser, historien militaire allemand, rapporte dans son analyse de la Guerre-éclair que dès le 22 mars les services secrets français notaient que des agents allemands faisaient preuve « d’un intérêt surprenant pour le massif boisé (des Ardennes)«  et qu’ils effectuaient « des reconnaissances très poussées sur les routes qui menaient de Sedan à Abbeville« .

Le 1ᵉʳ mai 1940, l’attaché militaire français à Berne en Suisse fait savoir au commandement de l’armée française que « l’armée allemande attaquera entre le 8 et 10 mai sur l’ensemble du front, y compris la ligne Maginot. Effort principal : Sedan« .  Même le Pape avait fait prévenir Paris. Le 6 mai, son substitut, le futur Pape Paul VI, fait savoir à l’ambassadeur de France à Rome que « les Allemands vont attaquer cette semaine« .

Les généraux français Gamelin et Georges n’y verront que des tentatives de diversion, d’intoxication. Eux sont convaincus que les Allemands attaqueront par le centre de la Belgique comme en 1914 et que les Ardennes ne peuvent être traversées par de grandes unités de chars. Et pourtant…

Aldof Hitler et son Etat-major

© Etrait « DIVIDE AND CONQUER »

 
Conscients que l’armée allemande ne pourra tenir bien longtemps face aux armées alliées, Hitler et son état-major ont imaginé un plan d’attaque risqué, misant sur la vitesse et le choc psychologique d’une attaque concentrée sur le point faible de l’ennemi en combinant l’aviation, les blindés et les chars. Ils savent qu’ils n’ont que quelques jours pour emporter une victoire décisive dans les Ardennes.
 
L’état-major allié s’attend à fixer l’attaque allemande en Belgique, loin des territoires du Nord de la France et des côtes anglaises, pour contraindre les Allemands à une guerre défensive d’usure comme en 14/18.

Ce 9 mai 1940, dans la soirée, comme l’écrit l’historien Philippe Masson, Hitler quitte Berlin à bord de son train spécial Amerika à destination de Hambourg. Tout laisse croire qu’il part en tournée d’inspection en Norvège où les combats font rage.

Mais peu après minuit, le train change de direction à Hanovre et part vers le sud. Il arrivera vers 5 heures du matin non loin de la frontière belge, près d’Aix-la-Chapelle. Hitler déclare à son entourage : « Messieurs, l’offensive contre les puissances occidentales vient de commencer« .  Au même moment, l’aviation allemande bombarde les aérodromes, des Pays-Bas à Clermont-Ferrand, ainsi que les carrefours et nœuds ferroviaires en Belgique, dans le nord et l’est de la France.

Messieurs, l’offensive contre les puissances occidentales vient de commencer.

Jérémy Brunet, soldat français originaire de Buysscheure, est à la frontière allemande avec son régiment de Dragons. Il fait partie d’une compagnie d’éclaireurs à cheval, armé d’un sabre et d’un fusil moderne dont il est fier, un modèle 36. Ce 9 mai, il patrouille devant la Ligne Maginot non loin des frontières allemande et luxembourgeoise. Pour lui, la « Drôle de guerre » est terminée. À partir de cette soirée du 9 mai, 3 millions d’hommes allaient s’affronter du nord des Pays-Bas aux Ardennes.

 (Article déjà publié 9 mai 2020)
► La suite de notre série demain avec la journée du 10 mai 1940.



Auteur : Yann Fossurier

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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