Mémoire, Histoire & Culture Militaire

Seconde Guerre mondiale. Le 18 mai 1940, prise du fort de La Ferté, tragique symbole

Alors que le président du Conseil Paul Reynaud rappelait Philippe Pétain à la rescousse, 107 soldats du fort de la Ferté périssaient dans une attaque allemande contre la Ligne Maginot. Dans le Nord, Dunkerque subissait son premier bombardement massif. C’était il y a tout juste 85 ans. Voici le récit de cette journée.

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Marc Bloch et l’Etat-major de l’Armée du nord fuient devant l’avancée allemande pour s’installer à Douai, dans une école aux portes de la ville. « Tout autour, les bombes pleuvaient dru sur la gare, les rues principales, les terrains d’aviation« . La situation est tellement périlleuse que Marc Bloch ne restera qu’un jour à Douai avant de tenter de trouver un lieu moins exposé aux bombardements.

Mais il n’y a pas que les bombes qui sapent le moral des officiers français. L’armée française dans le Nord est en train de se disloquer pendant qu’à Paris, un nouveau gouvernement se met en place. Paul Reynaud, le président du Conseil, veut reprendre les choses en mains. Il limoge le général en chef Maurice Gamelin et le remplace par Maxime Weygand, plus âgé mais d’un tempérament plus énergique.

De gauche à droite : le général Maxime Weygand, Paul Reynaud et Philippe Pétain en mai 1940.

© L’Illustration

C’est également le grand jour pour Philippe Pétain. Il est originaire du Pas-de-Calais, né à Cauchy-à-la-Tour, près de Bruay-La-Buissière. Jusque-là ambassadeur à Madrid, le héros de 14/18 est appelé à la rescousse. Pétain devient vice-président du Conseil. 

Il remplacera Paul Reynaud le 16 juin avant d’appeler les troupes françaises à se rendre, de signer l’armistice et de se compromettre dans la collaboration avec le Reich à la tête de l’Etat français jusqu’en juillet 1944.

Philippe Pétain en avril 1940.

© INTERNATIONAL NEWS PHOTOS (INP) / AFP

De Gaulle, lui, deviendra général, entrera au gouvernement le 6 juin, lancera son appel du 18 juin et suivra une toute autre voie…

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Reportage de Gonzague Vandamme et Fabien Garreau diffusé en juin 2010.

La prise du fort de La Ferté, tragique symbole

Le nouveau gouvernement est à peine constitué qu’il doit faire face à une nouvelle tragique en provenance du front. La Ligne Maginot est attaquée par les Allemands. C’est le fort de La Ferté à 15 kilomètres de Sedan qui est visé, un fort de taille modeste, mais le symbole est énorme.

L’invincibilité de la Ligne Maginot est en jeu. Les Allemands ont concentré 250 pièces d’artillerie à cet endroit, des milliers d’obus ont été tirés sur le fort et ses alentours, mais La Ferté résiste aux bombardements.

Alors ce 18 mai, un commando du génie allemand s’infiltre sur le blockhaus et pose une charge de 40 kilos d’explosifs sur une des tourelles en acier. L’explosion dégage une petite ouverture par laquelle les soldats allemands jettent des explosifs et des fumigènes.

Le bloc 2 de l’ouvrage de La Ferté.

© Martial BACQUET

A l’intérieur du fort, c’est le début d’une réaction en chaîne infernale. Un incendie se propage, faisant exploser les munitions, ce qui arrache les portes coupe-feu. L’équipage du fort est obligé de se réfugier dans une galerie à 35 mètres sous terre. L’incendie barre la route de la surface et l’air devient irrespirable.

La galerie où ont été retrouvés la plupart des corps de l’équipage du fort de la Ferté.

© ADRI08/WIKICOMMONS

Les ordres de l’Etat-major sont formels : interdiction de se rendre. Il faut préserver le mythe. La Ligne Maginot ne peut être prise. Alors même quand l’incendie baisse d’intensité, les hommes restent terrés dans la galerie. L’air était tellement irrespirable à cause des gaz toxiques libérés par l’incendie des munitions que les Allemands doivent attendre plusieurs jours avant de descendre dans le fort. Ils trouvent alors les corps des 107 membres de l’équipage, tous morts par asphyxie et intoxication.

Le mémorial dédié aux soldats morts au fort de Le Ferté.

© TITTORNADE/WIKICOMMONS

Le fort de La Ferté n’avait aucun intérêt stratégique à ce moment-là, comme le souligne l’historien allemand Karl-Heinz Frieser. L’équipage français a été sacrifié pour un mythe, l’invincibilité de la Ligne Maginot.

Image de propagande montrant des soldats allemands devant l’une des fortifications de la Ligne Maginot en 1940.

© Berliner Verlag/Archiv

Après avoir éprouvé autant de difficultés pour réduire un seul petit fort, les Allemands, eux, éviteront d’attaquer les points forts de la Ligne Maginot. Quelques ouvrages seront pris en juin, mais 20 sur les 22 principaux forts résisteront jusqu’à l’armistice du 22 juin.

Un drapeau nazi flottant au-dessus d’une des coupoles de la Ligne Maginot en juillet 1940.

© picture alliance / ZB

Certaines garnisons, se considérant comme invaincues, ne sortiront de la Ligne pour se rendre qu’en juillet après avoir reçu un ordre formel du gouvernement français.

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Extrait du film « Divide and Conquer » de Frank Capra, montrant des images propagande allemandes mises en scène après les combats pour expliquer comment les blockhaus étaient neutralisés.

Image de propagande montrant des soldats allemands devant le mémorial dédié à l’ancien ministre de la Guerre André Maginot à Revigny-sur-Ornain (Meuse).

© Berliner Verlag/Archiv/picture alliance / ZB/MaxPPP

Jusque-là maintenue fermée, la frontière franco-belge est ouverte. Près de 2 millions de civils belges et néerlandais partis de chez eux depuis le 12 mai attendaient ce moment. Ils se ruent en France. Malgré l’interdiction d’évacuation des villes françaises par l’armée pour éviter d’encombrer les routes et permettre la circulation des militaires, l’exode saisit la population française également.

Une famille fuyant à vélo l’avancée des troupes allemandes dans le nord de la France.

© FRANCE PRESSE VOIR / AFP

Des centaines de milliers d’habitants envahissent les routes en tous sens, se mêlant aux soldats en débandade. Les grandes villes de la région se vident de leurs habitants. Tourcoing ne compte plus que 7000 habitants mais abrite 40000 réfugiés belges.

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Extrait du film « Divide and Conquer » de Frank Capra.

Au milieu de ce chaos, les combats continuent dans le Nord. Maubeuge est prise par les Allemands mais les forts qui ceinturent la ville résistent.

C’est le cas notamment de celui de Boussois, entre Maubeuge et Jeumont.

Le fort de Boussois.

© FREDERIK GILTAY / FRANCE 3

Le fort de Boussois.

© FREDERIK GILTAY / FRANCE 3

Près de Jolimetz dans l’Avesnois, 10 chars français détruisent une vingtaine de blindés allemands, mais un seul reviendra de cet affrontement.

Des tirailleurs marocains se battent derrière les remparts du Quesnoy. Ils tiendront 3 jours avant de se rendre. Dans la soirée, c’est au tour de la forêt de Mormal de s’embraser. Les combats y feront rage 2 jours durant.

Blockhaus dans la forêt de Mormal.

© FREDERIK GILTAY / FRANCE 3

Blockhaus dans le forêt de Mormal.

© FREDERIK GILTAY / FRANCE 3

Amiens est bombardée pour la première fois à partir de 15 heures, les bombardiers visent surtout les quartiers des gares.

En fin de journée à Dunkerque, Jacques Duquesne vient de se coucher, lorsqu’il entend les sirènes. Il se précipite à la cave avec sa famille. « Cette attaque dura, paraît-il, un peu plus de 4 heures. Mais dans le doute, nous restâmes dans la cave jusqu’à l’aube. Notre quartier n’avait pas été touché. Seuls les éclats des obus de la DCA jonchaient le pavé, laissant quelques vitres brisées. Ce n’est qu’un début, elles le seront à peu près 20 fois en 4 ans ».

Ce jour-là, la Luftwaffe s’acharne sur Dunkerque, répétant ce qui s’est passé quelques jours avant à Rotterdam. A partir de 22 heures jusqu’à 3 heures, 15 vagues de bombardiers allemands lâchent plus de 3000 bombes sur le centre-ville et le port. La raffinerie est touchée, elle brûlera jusque début juin.

Les fumées noires des incendies de la raffinerie et des dépôts de carburants de Dunkerque en mai 1940.

© MEDIA DRUM WORLD/MAXPPP

Equipage d’un bombardier allemand.

© Berliner Verlag/Archiv/picture alliance / ZB/MaxPPP

Un bombardier allemand Dornier capable d’emporter une tonne de bombes.

© Berliner Verlag/Archiv/picture alliance / ZB/MaxPPP

Il n’y a pas que l’Etat-major allié qui commet des erreurs. Ce 18 mai, les Allemands semblent piétiner. Les Panzers ne foncent plus droit devant eux comme depuis le début des combats en Belgique. La veille, Hitler en personne a donné l’ordre de stopper les divisions de blindés. La folle nuit de Rommel du 16 au 17 mai du côté d’Avesnes-sur-Helpe l’a inquiété.

Il craint une contre-attaque des Alliés alors que ses forces sont étirées sur de trop grandes distances comme le raconte le chef d’Etat-major allemand Franz Halder. Celui-ci rencontre Hitler pour demander la levée de cet ordre d’arrêt : « Le Führer est d’une nervosité extrême. Il a peur de notre propre succès, voudrait ne rien risquer et ce qu’il préfèrerait, c’est nous arrêter. Le prétexte c’est qu’il se fait du souci pour le flanc gauche« .

 (Article déjà publié 18 mai 2020)
► La suite de notre série demain avec la journée du 19 mai 1940.



Auteur : Gonzague Vandamme

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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