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Seconde Guerre mondiale. Le 10 mai 1940, le piège d’Adolf Hitler se met en place, prenant les Alliés au dépourvu

Le 10 mai 1940, l’Allemagne nazie envoie ses parachutistes sur la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas. Elle lance une grande offensive, prélude de la bataille de France, et qui va mettre fin à la « drôle de guerre ». C’était il y a tout juste 85 ans. Voici le récit de cette journée.

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Dans la nuit, des avions de reconnaissance français survolent les Ardennes. Ils observent de nombreux mouvements de blindés et de véhicules ennemis, « d’interminables guirlandes de phares« . En fait, plus de 41 000 véhicules de toutes sortes se pressent vers le Luxembourg et le sud de la Belgique.

Là encore, l’état-major français veut croire à une attaque de diversion. Selon ces officiers supérieurs, la principale attaque allemande aura lieu plus au nord. À 4h30, 11 planeurs allemands déposent 80 parachutistes sur le fort belge d’Eben-Emael, la plus puissante forteresse d’Europe. Ils devaient être plus nombreux, mais des planeurs se sont perdus, d’autres ont cassé leur câble de remorquage.

Sans leur commandant qui ne se posera qu’à 7 heures à cause de problèmes mécaniques sur son avion, ces 80 parachutistes prennent l’initiative et réussissent à neutraliser en 15 minutes les principales défenses de la forteresse, coupant du monde les 1 200 soldats belges dans le fort.

Le fort d’Eben-Emael en Belgique.

© GONZAGUE VANDAMME / FRANCE 3

La surprise est totale pour les Belges. Pour ne pas donner l’alerte, Hitler lui-même avait interdit tout bombardement sur le fort avant l’attaque.

Après des mois de « Drôle de guerre », les défenseurs belges sont pris au dépourvu.

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Reportage de Florence Mabille de Poncheville et Gonzague Vandamme.

Après des mois de « Drôle de guerre », les défenseurs belges sont pris au dépourvu.

Le fort d’Eben-Emael en Belgique.

© GONZAGUE VANDAMME / FRANCE 3

Vestiges du fort d’Eben-Emael en Belgique.

© GONZAGUE VANDAMME / FRANCE 3

Vestiges du fort d’Eben-Emael en Belgique.

© GONZAGUE VANDAMME / FRANCE 3

Les renforts allemands arrivent vers 10h30 et le siège de la forteresse commence. Les Belges lancent plusieurs contre-attaques, mais après 36 heures de combats, les Allemands prennent le fort d’Eben-Emael pourtant conçu pour résister 5 jours… Première mauvaise surprise de cette guerre pour les Alliés.

Vestiges du fort d’Eben-Emael en Belgique.

© GONZAGUE VANDAMME / FRANCE 3

Le jeune Jacques Duquesne se rappelle sa mère à Dunkerque. Pour une fois, elle a laissé la radio allumée pour connaître le sort de la forteresse belge. Ce vendredi-là, sa mère était rassurée : le Fort d’Eben-Emael tenait le choc, c’est ce que disait la radio.

Pourtant, le boucher du quartier lui avait bien dit que c’était faux. Il l’avait entendu à « Radio Stuttgart », une radio de propagande nazie où un Français dénommé Fredonnet et surnommé « le traître de Stuttgart », délivrait des « vérités » allemandes.

La presse belge résumant en « une » les événements du 10 mai 1940.

© FRANCE PRESSE VOIR / AFP

La presse française relate elle aussi l’attaque allemande du 10 mai 1940.

© STAFF / AFP

D’ailleurs le soir même, Jacques Duquesne voit arriver en France les premiers réfugiés, Belges d’abord, puis le lendemain Néerlandais « d’abord en voiture, puis… juchés sur de hautes bicyclettes, entassés dans des camionnettes, poussant des charrettes, des matériels agricoles tirés par des forts chevaux aussi surchargés que des autobus« .

Grâce aux planeurs et aux parachutistes, les Allemands se battent déjà en plein centre de Rotterdam ce 10 mai. Les Néerlandais, contrairement aux Français, avaient pris au sérieux les rumeurs d’attaque allemande et avaient mis en alerte leurs troupes dès le 5 mai.

Ils luttent durement face aux premières vagues d’assaut allemandes. La confusion est totale : pour la première fois dans l’histoire militaire, des parachutistes sèment le chaos à l’arrière du front. Ça, les Néerlandais ne l’avaient pas prévu. L’armée de l’air allemande, la Luftwaffe, a mis à terre les Pays-Bas, mais elle le paya cher en perdant 183 appareils sur 450 engagés.

Les troupes néerlandaises sont totalement désorganisées par l’action des parachutistes allemands. Alors que les Néerlandais attendent les Allemands le long de la frontière, ils doivent faire face à une multitude de fronts à l’intérieur même de leur pays.

Pourtant, toutes les actions des parachutistes allemands ne sont pas décisives. Il s’agit d’une première utilisation de ces hommes et il y a des échecs, comme à l’aérodrome d’Ypenburg près de La Haye, où siège le gouvernement.

Comme le raconte l’historien Dominique Lormier, « à 7 heures, le 10 mai, 11 des 13 Junkers J52 qui amènent un bataillon allemand sont en flammes avant de se poser. L’unité est presque totalement anéantie et seule une poignée de survivants défend la piste balayée par un vif tir d’artillerie. »

Image de propagande nazie montrant des soldats néerlandais prisonniers en mai 1940.

© Berliner Verlag / Archiv/picture alliance / Berliner Verl/MaxPPP

Après une contre-attaque néerlandaise, ces parachutistes sont faits prisonniers en fin de journée. En tout, 1 600 Allemands seront faits prisonniers par les Néerlandais, 1 200 seront immédiatement évacués vers l’Angleterre, pour eux la guerre est déjà finie.

Au Luxembourg et en Belgique aussi, des commandos parachutistes sont déposés ou largués sur des carrefours stratégiques pour préparer le terrain aux divisions de Panzers. À 5 heures du matin, les principaux objectifs sont occupés, mais commence alors une longue journée pour les parachutistes, car Français et Belges réagissent comme à Hau, Foetz et Aessen où les Allemands sont battus.

J’avais 22 ans quand la guerre a été déclarée. On ne pensait pas mourir. On ne pensait pas qu’on aurait pu se faire tuer.

André Boutoille, artilleur calaisien.

À la frontière luxembourgeoise, le régiment de dragons à cheval de Jérémy Brunet, soldat originaire de Buysscheure près de Cassel (Nord), est en état d’alerte, des patrouilles sont lancées vers la frontière. « Dès le matin, ils ont envoyé à cheval une reconnaissance« , se souvient-il. « Les Allemands traversaient le Luxembourg. Arrivés à bonne distance, ils ont fait un tir de barrage avec leurs canons. Du coup, ils sont tous retournés en arrière, au galop. Un des chevaux avait un bout de viande parti de la cuisse. Un cavalier avait la poignée de son sabre qui était partie, cassée par un éclat d’obus… On a plus perdu d’hommes à cause de l’artillerie, des obus. Il y en avait qui éclataient à terre ou au-dessus de la tête et ça faisait des éclats. »  

Un peu plus à l’ouest, le Calaisien André Boutoille, lui, entre en Belgique avec son régiment d’artillerie. « J’avais 22 ans quand la guerre a été déclarée. On ne pensait pas mourir. On ne pensait pas qu’on aurait pu se faire tuer. Et on a vu les bombardements de l’aviation… Les plus grands martyrs, ça a été les jeunes classes belges, les Wallons. Les Hollandais aussi… les Allemands en ont tué des jeunes Belges ! Ils ont pris tout l’assaut en arrivant. Chez nous aussi, l’infanterie, elle a pris… ».

A l’intérieur du fort d’Eben-Emael, une plaque en hommage aux soldats belges tués.

© GONZAGUE VANDAMME / FRANCE 3

La guerre, la vraie, commence pour ces hommes. L’assaut sur le fort d’Eben-Emael, la multiplication des fronts par les parachutistes en Belgique et aux Pays-Bas donnent l’illusion que la principale attaque allemande a lieu dans ce secteur. Plus que jamais, l’état-major allié se détourne des Ardennes et se focalise sur l’envoi de troupes dans le nord de la Belgique et le sud des Pays-Bas. Ce 10 mai, le piège de Hitler se met en place.

 (Article déjà publié 10 mai 2020)
► La suite de notre série demain avec la journée du 11 mai 1940.



Auteur : Gonzague Vandamme

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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