Seconde Guerre mondiale. L’appel du 18 juin du général de Gaulle imaginé dans un village de la Somme : « c’est ici que le serment fut fait dans mon cœur »
Alors que la famille du général de Gaulle s’apprête jeudi 12 juin à remettre officiellement les feuilles manuscrites de l’appel du 18 juin 1940, cet acte marquant de l’histoire de France résonne particulièrement à Huppy, un petit village de la Somme : c’est là que celui qui n’était encore que colonel engagé dans la bataille de France en aurait eu l’idée.
C’est l’un des plus célèbres discours de l’histoire moderne de la France. Prononcé à la radio de Londres par celui qui est depuis peu le général de Gaulle, l’appel du 18 juin 1940 est considéré comme le texte fondateur de la Résistance française, dont il demeure le symbole.
Un événement majeur qui a marqué l’Histoire de France, mais aussi, celle d’un village de la Somme, Huppy. Car c’est dans cette bourgade de 800 habitants que le général de Gaulle aurait eu l’idée de faire appel aux Français pour continuer le combat contre l’Allemagne.
En mai 1940, nous ne sommes qu’au début de la Seconde Guerre mondiale et Charles de Gaulle n’est encore que colonel. À la tête de la 4e division cuirassée (4e DCr), il dirige le 17 mai une contre-attaque vers Montcornet, au nord-est de Laon dans l’Aisne. Offensive réussie pour une division blindée récemment constituée et dont les unités n’avaient encore jamais opéré ensemble.
Une dizaine de jours plus tard, la division se dirige au sud d’Abbeville dans la Somme dans le but d’attaquer la tête de pont allemande, l’objectif général étant de dégager les unités encerclées de la poche de Dunkerque.
De Gaulle et ses unités prennent alors pleinement part à la bataille d’Abbeville face aux Allemands du 27 mai au 4 juin 1940. « Il essaie de franchir la Somme avec à peu près 180/200 chars, explique David Bellamy, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Picardie Jules Verne. Il faut signaler que c’est le seul moment, dans la bataille de France, où l’armée française à enfoncer l’ennemi. Mais de Gaulle ne parvient pas à entrer dans Abbeville. Cet insuccès manifeste bien les limites de l’armée française qui n’a pas été organisée par ses chefs comme une armée prête à mener une offensive.«
C’est à cette occasion que celui qui n’est encore que le colonel de Gaulle met pour la première fois les pieds à Huppy, dans la Somme. « Il est arrivé le 28 mai 1940 et il installe son poste de commandement à l’intérieur du château de Huppy, précise Jean-Pierre Parant, président de l’association de sauvegarde du patrimoine artistique et culturel de la ville d’Huppy (ASPAC). Il y restera jusqu’au 30 mai car il a eu ordre de cesser les combats avec la 4e DCr.«
Le château de Huppy en 1975.
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© ASPACHuppy
Pendant ces trois jours dans ce petit village de la Somme, de Gaulle va comprendre que la guerre devra continuer hors des frontières de la France. Selon Jean-Pierre Parant, président de l’Association du patrimoine artistique culturel d’Huppy, c’est durant ce court répit que le militaire va avoir l’idée de l’appel du 18 juin : « Son passage à Huppy est historique, car c’est ici que lui vient de l’idée de la résistance française ».
Le spécialiste du patrimoine huppinois se base sur les Mémoires de guerre de Charles de Gaulle : « À la page 30, il dit que, « le 30 mai, la bataille est virtuellement perdue ». Or, le 30 mai, il se trouve à Huppy ». À la page 38 du volume I, on peut lire : « dans mon cantonnement de Picardie, je ne me fais pas d’illusions. Mais j’entends garder l’espérance. Si la situation ne peut être, en fin de compte, redressée dans la métropole, il faudra la rétablir ailleurs. »
À Huppy, le chef d’état-major de De Gaulle est le commandant Chomel. Son petit-fils a retrouvé les lettres qu’il écrivait alors à son épouse. Dans l’une d’elle, le militaire écrit : « qu’on se batte ici ou là, c’est aujourd’hui peu d’importance. L’essentiel, c’est qu’on se batte. » Pour Thierry Chomel, « les faits et les événements militaires, c’est une chose. Il y a ce qui sous-tend tout ça. Et ce qui sous-tend tout ça, c’est la volonté, l’affirmation d’une volonté, d’un courage. Et que l’affirmation de cette volonté, elle peut servir tous les jours, à tout le monde, en toutes circonstances.«
Ainsi, Jean-Pierre Parant est formel : « l’appel du 18 juin, s’il n’a pas été écrit à Huppy, l’idée vient d’ici ».
Le 6 juin 1940, le colonel de Gaulle est convoqué d’urgence à Paris par Paul Reynaud, président du Conseil et ministre de la Guerre, pour occuper un poste ministériel dans son gouvernement, celui de sous-secrétaire d’État à la Guerre et à la Défense nationale. Le 17 juin, il apprend avec consternation la démission de Paul Reynaud au profit du Maréchal Pétain. De Gaulle, devenu général, quitte alors la France pour Londres. La suite, nous la connaissons.
À l’occasion du rassemblement de la 4e DCr, De Gaulle reviendra à Huppy 4 ans après la victoire, en mai 1949. Il loge à nouveau dans le château de Huppy. Dans une lettre, il remercie le propriétaire, Jacques Buiret.
Courrier de remerciements du général De Gaulle à Monsieur Jacques Buiret propriétaire de château de Huppy pour la mise à disposition de sa propriété pour le premier rassemblement de la IV DCR à Huppy le 29 mai 1949.
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© ASPACHuppy
Avec Claire-Marine Sellès / FTV
Auteur : Sylvia Bouhadra
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