Poutine a poussé la Suisse à changer le cap de son industrie d’armement
Un groupe de travail sera mis en place, avec la participation des plus importants acteurs du secteur de l’armement et de la sécurité en Suisse. A gauche, le ministre de la Défense Martin Pfister.Image: Keystone, montage watson
La guerre en Ukraine a plongé l’industrie de l’armement suisse dans une crise profonde: plusieurs Etats de l’UE ne veulent plus entendre parler de produits suisses, en raison des problèmes de réexportation. Le gouvernement prend désormais des mesures.
24.06.2025, 05:3424.06.2025, 05:34
Othmar von Matt, Benjamin Rosch / ch media
La situation est grave. La guerre en Ukraine a ébranlé l’Europe, et la Suisse en ressent fortement les secousses. Les discussions autour de la livraison de chars et de munitions à d’autres pays européens ont fait perdre à l’industrie suisse de l’armement son avantage compétitif.
Plusieurs Etats membres de l’Union européenne refusent désormais d’acheter des produits d’armement suisses. Dans certains cas, les entreprises suisses ne sont même plus autorisées à soumettre des offres.

Un mécanicien entretient les chenilles d’un char Leopard 2 dans un hangar de maintenance de Ruag.Image: keystone
Un changement de cap s’impose
Vendredi, le Conseil fédéral a publié une stratégie pour redéfinir la politique suisse de l’armement. Il souhaite ainsi s’assurer que l’armée soit approvisionnée en temps voulu avec les armes, équipements et services nécessaires, et que sa capacité de défense soit renforcée.
Cette stratégie repose essentiellement sur deux piliers: d’une part, le Conseil fédéral prend des mesures pour soutenir l’industrie suisse de l’armement, notamment l’entreprise Ruag MRO. D’autre part, il intensifie la coopération internationale, notamment pour l’acquisition de nouveau matériel de guerre. Le Conseil fédéral précise dans un communiqué:
«A l’avenir, environ 60% du volume des achats de matériel militaire devraient être réalisés en Suisse»
L’industrie de l’armement doit se développer
Le ministre de la Défense, Martin Pfister, et le chef de l’armement, Urs Loher, misent sur une collaboration accrue avec les hautes écoles, les PME et les start-up suisses. Grâce à leur expertise, le Département fédéral de la défense (DDPS) veut bâtir une nouvelle industrie suisse de l’armement.
Cette nouvelle industrie se concentrera sur des domaines d’avenir où la science suisse est déjà à la pointe mondiale et qui sont cruciaux pour l’armée: drones, intelligence artificielle (IA), capteurs quantiques et satellites.
En 2024, l’office fédéral de l’armement, armasuisse, avait lancé une taskforce «drones» pour les modèles petits et moyens. Elle s’est rapidement transformée en un véritable écosystème.
Dès le départ, la taskforce a été submergée par les start-up de drones: 70 entreprises ont participé à la première réunion, dont 67 ont soumis un concept deux semaines plus tard. Cet exemple illustre l’intérêt massif de la recherche et de l’économie pour faire avancer le domaine de la sécurité depuis la guerre en Ukraine.

Le ministre de la Défense Martin Pfister et le chef de l’armement Urs Loher lors de la conférence de presse.Image: keystone
Des technologies à haut potentiel pour l’avenir
Les drones constituent le premier domaine sur lequel armasuisse acquiert de l’expérience dans le cadre de cette nouvelle industrie suisse de l’armement. L’objectif est d’éviter que des entreprises possédant un savoir-faire crucial pour la sécurité quittent le pays, comme celle qui avait développé des drones pour l’Ukraine, mais avait ensuite transféré son siège aux Etats-Unis.
L’intelligence artificielle, la détection quantique et les satellites sont d’autres champs d’innovation dans lesquels armasuisse entend s’engager. L’IA, par exemple, permettrait de commander des essaims de drones. Avec un tel système, si l’un d’entre eux venait à être mis hors service, un autre prendrait automatiquement sa place. La détection quantique pourrait, selon le DDPS, révolutionner la surveillance, permettant même de «voir au-delà des angles».
Dans le domaine spatial, le Parlement avait déjà pris une décision stratégique importante en empêchant la vente de l’entreprise Beyond Gravity. Cette dernière fournit notamment à Amazon des dispositifs de dispersion pour les 3236 satellites que le géant américain prévoit de lancer dans l’espace.
Le Conseil fédéral a décidé, hier, que Beyond Gravity passerait du Département des Finances à celui de la Défense. Il est envisageable que l’entreprise Ruag MRO, également rattachée au DDPS et détenue par l’Etat, reprenne Beyond Gravity. Ruag MRO est considérée comme le noyau du renouveau industriel de l’armement suisse.
Pour promouvoir cette nouvelle industrie, le Conseil fédéral a également décidé d’augmenter les investissements dans la recherche, le développement et l’innovation en matière de sécurité, afin d’«exploiter et développer le potentiel technologique disponible en Suisse au profit de l’armée».
Les importations de pays voisins privilégiées
Comme la Suisse ne fabrique pratiquement pas ses propres systèmes d’armement majeurs, elle reste dépendante des importations. Le Conseil fédéral souhaite dorénavant privilégier l’achat d’avions de combat, de chars et de systèmes d’artillerie auprès des pays voisins:
«A l’avenir, environ 30% des acquisitions d’armement devraient provenir des pays limitrophes et d’autres pays européens»
Cela représente un changement de cap par rapport à 2022, année où la Suisse avait investi massivement aux Etats-Unis, notamment avec l’achat de 36 F-35 et de systèmes sol-air Patriot.
Le Conseil fédéral a chargé le Département de la défense de mettre en œuvre cette stratégie d’armement en collaboration avec d’autres départements. La stratégie comprend déjà un plan d’action, et le communiqué précise que:
«A cet effet, un groupe de travail interministériel à long terme sera mis en place, avec la participation du DFAE, du DFF et du DEFR»
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Auteur : Othmar von Matt, Benjamin Rosch / ch media
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