Analyse Stratégique & Géopolitique

Pour Paris, autoriser Kiev à utiliser des missiles longue portée SCALP EG sur le sol russe reste une « option » – Zone Militaire

Pendant qu’elles continuent de grignoter du terrain sur le front du Donbass, les forces russes se préparent à lancer une contre-offensive, avec 50 000 hommes [dont 10 000 à 12 000 soldats nord-coréens], dans la région de Koursk, partiellement occupée par l’armée ukrainienne depuis le 6 août. Et, alors que l’hiver approche, elles visent les infrastructures énergétiques de l’Ukraine avec des frappes aériennes massives, comme celle du 17 novembre, effectuée avec 120 missiles et 90 drones et autres munitions téléopérées [MTO].

Cette attaque de grande ampleur a été lancée deux jours après que le chancelier allemand Olaf Scholz, a téléphoné au président russe, Vladimir Poutine, pour lui demander de mettre fin à la guerre d’agression contre l’Ukraine et de retirer ses troupes ». Et aussi pour lui dire que l’engagement de soldats nord-coréens dans le conflit marquerait une « grave escalade ». Telle aura donc été la réponse du Kremlin, alors que le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, venait de déclarer qu’il souhaitait la « fin de la guerre en 2025 », par des « moyens diplomatiques » et à la condition que son pays ne fût pas laissé seul.

L’évolution de la guerre a-t-elle eu raison des réticences du président des États-Unis, Joe Biden, à autoriser l’Ukraine à utiliser les missiles balistiques tactiques de longue portée MGM-140 ATACMS [Army TACtical Missile System] contre des cibles militaires situées en Russie ?

En effet, alors que son mandat sera terminé dans deux mois, M. Biden a levé les restrictions relatives à l’emploi des ATACMS, discrètement livrés à l’armée ukrainienne à partir d’octobre 2023. Du moins, c’est ce qu’ont affirmé des responsables de son administration lors de briefings coordonnés avec le New York Times, le Washington Post et des agences de presse. Bien que non confirmée officiellement, cette information n’a pas été démentie par la Maison Blanche.

A priori, la présence de troupes nord-coréennes aux côtés des forces russes aurait motivé la décision de M. Biden. Cependant, le feu vert donné à Kiev ne concernerait que la seule région de Koursk.

De son côté, M. Zelensky a confirmé, à demi-mot, la décision américaine. « Aujourd’hui, les médias parlent beaucoup de l’autorisation que nous avons reçue pour mener ces actions. Mais les frappes ne se font pas par des mots. De telles choses ne sont pas annoncées. Les missiles parleront d’eux-mêmes. Ils le feront certainement », a-t-il en effet déclaré, lors de son point quotidien sur la situation, le 17 novembre.

En septembre, le chef du Kremlin avait prévenu que l’autorisation donnée à l’Ukraine d’utiliser les armes à longue portée fournies par ses partenaires occidentaux pour frapper le territoire russe « ne signifierait rien de moins qu’une implication des pays de l’Otan dans la guerre ». Et d’ajouter : « Cela changerait la nature même du conflit. Cela signifierait que les pays de l’Otan sont en guerre contre la Russie ».

Mais M. Poutine était allé encore plus loin. Une « agression contre la Russie par tout État non nucléaire, mais avec la participation ou le soutien d’un État nucléaire, pourrait être considérée comme une attaque conjointe contre la Russie », avait-il dit.

Quoi qu’il en soit, après la décision américaine, il reste à voir ce que feront la France et le Royaume-Uni, qui ont livré des missiles de croisière à longue portée SCALP EG / Storm Shadow à l’Ukraine.

Si le précédent gouvernement britannique [conservateur] était enclin à autoriser les forces ukrainiennes à frapper des cibles militaires sur le territoire russe avec des Storm Shadow, son successeur, dirigé par le travailliste Keir Starmer, serait beaucoup plus réservé face à une telle perspective. Du moins l’était-il encore en août dernier… De toute façon, il aurait fallu obtenir un feu vert des États-Unis étant donné que ces missiles de croisière sont équipés de composants américains.

Quant à la France, le président Macron avait estimé, le 25 mai dernier, à Meseberg [Allemagne] qu’il fallait permettre à l’Ukraine de « neutraliser les sites militaires depuis lesquels [elle] est agressée. À l’époque, les forces ukrainiennes tentaient de repousser une offensive russe dans la région de Kharkiv.

« Si on leur dit vous n’avez pas le droit d’atteindre le point d’où sont tirés les missiles, en fait on leur dit : ‘on vous livre des armes mais vous ne pouvez pas vous défendre’. Mais on ne doit pas permettre de toucher d’autres cibles en Russie et évidemment des capacités civiles », avait par ailleurs insisté M. Macron.

Maintenant que Washington est sur cette ligne, que décidera Paris ? Interrogé sur ce sujet à son arrivée à Bruxelles pour participer à une réunion des ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’Union européenne [UE], ce 18 novembre, le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, n’a fait que rappeler les propos tenus par le locataire de l’Elysée il y a six mois.

« Vous avez entendu le président Macron à Meseberg le 25 mai, où nous avons ouvertement dit que c’était une option que nous prenions en considération, s’il fallait autoriser des frappes sur des cibles depuis lesquelles les Russes attaquent le territoire ukrainien », a répondu M. Barrot. « Donc, rien de nouveau sous le soleil », a-t-il ajouté.

Ce qu’il y a de sûr, c’est que l’Ukraine recevra prochainement un nouveau lot de missiles SCALP. « Nous allons fournir de nouveau des missiles Mistral. Et pour permettre à l’Ukraine d’effectuer des frappes derrière la ligne de front, j’ai signé ces derniers jours une nouvelle cession d’une dizaine de missiles SCALP », a en effet annoncé Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, dans un entretien donné au Journal du Dimanche, le 10 novembre.



Auteur : Laurent Lagneau

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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