En 2021, dans l’énventualité d’un conflit dans l’Indopacifique, la DARPA, c’est-à-dire l’agence du Pentagone dédiée à l’innovation, indiqua qu’elle était intéressée par la « conception d’une nouvelle classe de véhicule » pouvant s’affranchir des « principales limitations opérationnelles des plateformes de transport aérien et maritime traditionnelles » et que, par conséquent, elle sollicitait l’industrie pour mettre au point de « nouveaux hydravions » ou des « véhicules à effet de sol » [encore appelés Ekranoplan].
Pour rappel, quand un aéronef vole à très basse altitude, la pente de portance augmene légèrement, réduisant ainsi la force induite qui s’oppose au mouvement d’un corps dans l’air. Ce phénomène aérodynamique, appelé « effet de sol » permet d’économiser du carburant et/ou d’augmenter significativement la masse de l’appareil. C’est sur lui que repose le concept d’Ekranoplan, imaginé par l’ingénieur soviétique Rotislav Aleksiev durant la Guerre froide.
Un tel aéronef permet de voler en deçà d’une couverture radar [et donc évoluer dans des environnements contestés] et de se passer des navires de transport, vulnérables face aux sous-marins ennemis et aux mines navales. Le revers de la médaille est qu’il est peu maniable et qu’il ne peut être utilisé que dans les conditions météorologiques sont clémentes. D’où l’idée de la DARPA de développer un appareil combinant les caractéristiques d’un Ekranoplan à celles d’un hydravion. En 2024, dans le cadre du programme Liberty Lifter, elle confia le soin à Aurora Flight Science de mettre au point un prototype, censé voler avant la fin de l’année 2027.
Seulement, cette échéance est visiblement trop lointaine pour l’US Marine Corps [USMC]. Aussi envisage-t-il de se procurer le « Viceroy Seaglider« , un engin à effet de sol à propulsion électrique proposé par l’entreprise Regent Craft. C’est en effet ce qu’a confié Matthew Koch, un chef de projet au Marine Corps Warfighting Laboratory [MCWL], au site spécialisé The War Zone.
Selon son constructeur, le « Viceroy Seaglider » peut transporter une charge utile de 1,6 tonnes [ou douze passagers et deux membres d’équipage] et voler à la vitesse de 160 noeuds [près de 300 km/]. En fonction de sa batterie, son autonomie est comprise entre 300 et 740 km.
Selon M. Koch, un tel appareil pourrait être utilisé pour effectuer des missions reconnaissance, infiltrer/exfiltrer des commandos, ravitailler des troupes ou encore évacuer des blessés. Il permettrait de « remplacer les vols d’hélicoptères UH-1 », a-t-il dit.
Ce « Viceroy Seaglider » serait ainsi susceptible de tenir un rôle de premier plan dans le concept EBAO [Expeditonary Advanced Base Operations] de l’USMC. Ainsi, dans le cas d’une invasion de Taïwan par la Chine, celui-ci prévoit d’envoyer de petites unités lourdement armées dans des avant-postes sommaires au sud d’Okinawa, d’où elles pourraient mettre en œuvre des capacités de déni et d’interdiction d’accès avec des missiles antinavires à longue portée. Et cela suppose de pouvoir les ravitailler ou, le cas échéant, de les redéployer rapidement.
Pour le MCWL, le fait que cet appareil puisse être à double usage [civil et militaire, ndlr] est essentiel. « En tirant parti de la technologie commerciale, nous obtenons quelque chose de très abordable », a expliqué M. Koch, avant d’ajouter que cela permettait de s’épargner un long processus d’acquisition. En effet, selon Regent Craft, l’exploitation commericale du premier Viceroy est attendue en 2027.
Auteur : Laurent Lagneau
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