Oslo réclame 1,1 milliard d’euros à l’espagnol Navantia pour le naufrage de la frégate Helge Ingstad – Zone Militaire
Dans la nuit du 7 au 8 novembre 2018, après avoir pris part à l’exercice Trident Juncture organisé par l’Otan, la frégate norvégienne KNM Helge Ingstad [classe Fridtjof Nansen] entra en collision avec le pétrolier Sola TV, dans les environs du Hjeltefjord [ouest de la Norvège]. Le choc lui fut fatal puisqu’elle sombra peu après. Le bilan fit état de 8 blessés parmi ses 137 marins.
Quatre mois plus tard, cette frégate de 5 000 tonnes fut relevée par la société BOA Offshore au cours d’une opération délicate. En vain car une fois arrivée à la base navale de Haakonsvern, l’état-major norvégien estima qu’elle était en trop mauvais état pour être réparée, un budget d’environ 1,4 milliard d’euros étant nécessaire pour la remettre en service. Aussi décida-t-il de l’envoyer à la ferraille.
Les enquêtes menées pour éclaircir les circonstances de cet accident s’accordèrent pour dire que l’équipage du KNM Helge Ingstad manquait d’expérience et que sa formation était insuffisante.
Un rapport avait ainsi déterminé que la collision ne se serait pas produite si le Règlement pour prévenir les abordages en mer [COLREGS] avait été respecté. Mais seul l’officier qui était de quart au moment des faits a été reconnu coupable de négligence, ce qui lui a valu une peine de 60 jours de prison avec sursis.
Si elle pointa les « facteurs humains » pour expliquer l’accident, l’enquête préliminaire mit le constructeur du KNM Helge Ingstad, l’espagnol Navantia, sur le grill en évoquant des problèmes d’étanchéité entre les compartiments du navire
Pour rappel, les frégates de la classe Hansen sont dérivées du modèle F-100, dont cinq exemplaires sont en service au sein de la marine espagnole [classe Álvaro de Bazán].
Cependant, remis en avril 2021 par l’Autorité norvégienne d’enquête de sécurité [Statens Havarikommisjon], un second rapport exonéra Navantia, expliquant que le navire avait subi des dommages « supérieurs à ceux pour lesquels il avait été conçu ». Et d’expliquer que si les marins « avaient été mieux formés, ils auraient eu une meilleure compréhension de la façon de sauver le navire ».
En outre, le document releva également que « l’équipage a évacué la frégate sans fermer les portes, les écoutilles et autres ouvertures qui auraient maintenu la stabilité et la flottabilité » et ainsi permis d’éviter son naufrage.
Pour autant, la marine norvégienne ne fait pas la même lecture des évènements étant donné qu’elle estime que la frégate avait un vice de construction en soutenant que les lignes d’arbres du système de propulsion étaient creux, ce qui aurait permis à l’eau de s’écouler entre certains de ses compartiments étanches. Et cela alors que les F-100 espagnoles ont des arbres d’hélice pleins.
D’où la plainte que le ministère norvégien de la Défense a déposée contre Navantia, à qui il demande une indemnisation de 13,3 milliards de couronnes norvégiennes [soit 1,1 milliard d’euros].
Cité par Baird Maritime, Ole Kristian Rigland, l’avocat qui le représente dans cette affaire, insiste d’ailleurs sur cette conception des lignes d’arbres dont sont équipées les frégates de classe Fridtjof Nansen.
De son côté, Navantia fait valoir que ce problème de conception avait été identifié avant le naufrage du KNM Helge Ingstad… mais que les forces armées norvégiennes avaient quand même autorisé le navire à naviguer sans chercher à mettre en œuvre la moindre « mesure corrective ».
Selon Me Rigland, l’objectif du ministère est de trouver un accord avec Navantia dans le cadre d’une médiation. Et cela alors que, en 2022, il a notifié à l’industriel espagnole un contrat pour moderniser les quatres dernières frégates de la classe Fridtjof Nansen…
Cela étant, le ministère norvégien de la Défense est coutumier du fait puisqu’il a demandé à NHIndustries, par voie de justice, le remboursement des hélicoptères NH-90 qu’il avait retirés du service en 2022.
Auteur : Laurent Lagneau
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