« Nous sommes prêts à conclure un accord » : la Russie tente de calmer le jeu, puis lance de nouveaux drones sur l’Ukraine – L’Humanité
L’entretien a été réalisé sur une chaîne états-unienne, comme pour envoyer un message direct à Donald Trump, frustré depuis plusieurs jours par la stagnation du conflit en Ukraine. « Il parle d’un accord et nous sommes prêts à conclure un accord, a ainsi lancé, dans la soirée de jeudi 24 avril, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, à l’occasion d’un entretien accordé à la chaîne CBS. Mais certains éléments spécifiques doivent encore être peaufinés. »
Certes, le message, visant a rassuré leurs interlocuteurs de la Maison Blanche, est envoyé – « Il y a plusieurs signes qui montrent que nous allons dans la bonne direction » -, mais la position de la Russie sur le terrain reste inchangée. Tandis que Sergueï Lavrov répondait aux questions de la presse états-unienne, le Kremlin a lancé, dans la nuit du jeudi à vendredi, 103 drones d’attaque et des drones imitateurs (leurres) vers le territoire ukrainien. Kiev affirme avoir détruit près de 80 drones, alors que les oblasts de Kharkiv, de Soumy, de Tcherkassy, de Donetsk et de Dnipropetrovsk ont été touchés par des frappes.
« Les pays du G20 impliqués dans les efforts diplomatiques »
Interrogé sur la nouvelle vague de frappes sur l’Ukraine lancée dans la nuit précédant son interview – la première depuis début avril -, qui a fait au moins douze morts et des dizaines de blessés à Kiev, le chef de la diplomatie russe a rétorqué : « Nous ne visons que des objectifs militaires ou des sites civils utilisés par l’armée. » Dans la nuit du mercredi 23 au jeudi 24 avril, Kiev a de nouveau été visé par des missiles russes. Le bilan : « dix personnes tuées, 63 blessées, dont 42 hospitalisées parmi lesquelles six enfants », estiment les services de secours locaux.
« Des bâtiments résidentiels ont été endommagés : la recherche de personnes sous les décombres est en cours », ont-ils annoncé sur une boucle de la messagerie Telegram. Des incendies se sont aussi déclarés dans la capitale, dont certains ont pu être rapidement maîtrisés. Au total, la Russie a tiré 70 missiles et 145 drones dans six régions de l’Ukraine dans la nuit de mercredi à jeudi.
Alors que les négociations entre Kiev, Moscou et leurs interlocuteurs (en premier lieu les États-Unis, mais aussi la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni) patinent, la présidence ukrainienne a aussitôt accusé, sur Telegram, le président russe, Vladimir Poutine, d’avoir « uniquement le désir de tuer ».
Volodymyr Zelensky, en déplacement en Afrique du Sud au moment de l’attaque – il a, depuis, écourté son voyage pour rentrer rapidement à Kiev après sa rencontre avec le président sud-africain Cyril Ramaphosa -, a de son côté appelé à ce « que nous nous rapprochions d’une paix véritable ». Le président ukrainien en a aussi profité pour rappeler sa volonté « que les pays du G20 soient impliqués dans les efforts diplomatiques ».
La déclaration de l’ancien comédien intervient quelques heures après que son homologue états-unien, Donald Trump, s’en est pris violemment à lui, l’accusant de tenir des propos « incendiaires » sur la Crimée annexée, alors qu’un accord avec la Russie serait « très proche », selon lui. Réunis à Londres, mercredi 23 avril, des responsables ukrainiens et européens ont dû se confronter à la position de la Maison Blanche en ce qui concerne ce territoire annexé par la Russie en 2014.
Le plan de cessez-le-feu promu par l’ex-magnat de l’immobilier insiste, de fait, sur la reconnaissance de la Crimée comme un territoire d’allégeance russe par la Maison Blanche. Un bouleversement qui amènerait, « à terme, la levée des sanctions contre la Russie dans le cadre d’un futur accord », annonce le Washington Post. Selon le quotidien états-unien, Moscou pourrait alors accepter de mettre fin à sa guerre avec Kiev. Le maire de la capitale ukrainienne, Vitali Klitschko, a commencé à ouvrir la voix à un abandon temporaire de territoires : « En ce moment, on parle beaucoup d’une solution possible. L’un des scénarios est… de céder du territoire. Ce n’est pas juste. Mais pour la paix, une paix temporaire, cela peut peut-être être une solution. Temporaire », a-t-il estimé dans une interview avec la BBC, publiée le 25 avril.
« C’est notre territoire »
C’est pourquoi un refus de Kiev d’accepter les termes de la Maison Blanche et de Moscou frustrerait Donald Trump, qui estime que la position de l’Ukraine « ne fera que prolonger les tueries ». Le président des États-Unis considère la Crimée comme étant « perdue » pour l’Ukraine, comme l’a-t-il répété dans un long message publié sur son réseau Truth Social, mercredi 23 avril. « Il peut avoir la paix ou il peut se battre encore trois ans avant de perdre tout le pays », a-t-il par la suite lancé en direction de Volodymyr Zelensky. Ce dernier avait réaffirmé, mardi 22 avril, qu’« il n’y a rien à discuter, c’est notre territoire », provoquant l’ire du locataire de la Maison Blanche.
« Le président est très mécontent, a ainsi surenchéri la porte-parole de l’administration Trump, Karoline Leavitt, laissant entendre à nouveau que les États-Unis étaient de nouveau tentés d’abandonner l’Ukraine à son sort. Sa patience atteint ses limites. » Alors qu’il a prévu de se rendre en mai en Arabie saoudite, Donald Trump a jugé « possible » d’y rencontrer son homologue russe, comme il l’avait déjà évoqué en février, bien que cette perspective soit « peu probable ».
Les agissements de la Russie, qui ne cesse de bombarder le territoire ukrainien ne sont, cependant, pas non plus du goût de Donald Trump. Le président des États-Unis s’est dit « mécontent », jeudi 24 avril, et a exhorté Vladimir Poutine à cesser les opérations militaires. « Ce n’était pas nécessaire, et le moment est très mal choisi. Vladimir, ARRÊTE ! 5 000 soldats meurent chaque semaine. Faisons en sorte que l’accord de paix soit conclu ! », a lancé l’élu républicain sur Truth Social.
Plus tôt mercredi, son vice-président JD Vance avait suggéré de « geler les lignes territoriales à un niveau proche de ce qu’elles sont aujourd’hui », et de procéder à des « échanges territoriaux » entre l’Ukraine et la Russie. « Les États-Unis poursuivent leurs efforts de médiation, et nous nous (en) félicitons », s’est réjoui le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, en réaction aux attaques de la Maison Blanche à l’encontre de Volodymyr Zelensky.
Du côté des Européens, le Royaume-Uni a profité de la venue de représentants à Londres pour affirmer de nouveau qu’il appartenait « à l’Ukraine de décider de son avenir ». La présidence française a, quant à elle, annoncé que l’« intégrité territoriale » de l’Ukraine était une « exigence très forte » pour ses soutiens. Emmanuel Macron s’est quant à lui exprimé lors de sa visite à Madagascar, jeudi 24 avril : « La position de la France est constante, elle ne changera pas. Nous sommes pour la souveraineté des peuples et pour l’intégrité territoriale. »
Le président français a également souhaité que « le président Poutine arrête de mentir », quand il affirme vouloir « la paix » tout en continuant à bombarder l’Ukraine. Soit une manière de se ranger derrière Volodymyr Zelensky, qui continue de réclamer un cessez-le-feu « immédiat, complet et inconditionnel ». Le conflit entre la Russie et l’Ukraine semble donc voué à stagner, malgré l’espoir d’une pause dans les combats.
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Auteur : Tom Demars-Granja
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