Netanyahou, la diplomatie au bazooka du shérif autoproclamé du Moyen-Orient
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Le duel de Tel-Aviv avec Téhéran avait lieu par procuration, le voilà qui éclate au grand jour en un conflit brûlant. L’Etat hébreu peut-il faire tomber le régime des mollahs et avec quelles conséquences ?
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Et maintenant, « la tête de la pieuvre » iranienne. Après avoir vitrifié Gaza et tué plus de 50 000 de ses habitants pour écraser le Hamas, après avoir pulvérisé une bonne partie du Hezbollah libanais, après avoir bombardé des infrastructures militaires en Syrie, Benyamin Netanyahou continue son impitoyable croisade, sans fin ni frein, contre les ennemis d’Israël. En frappant la République islamique d’Iran, il a lancé depuis le 13 juin une nouvelle guerre qui est d’abord le prolongement des autres. Le duel de Tel-Aviv avec Téhéran avait lieu par procuration, le voilà qui éclate au grand jour – avec déjà des destructions, des morts, des blessés, y compris civils, dans chacun des deux pays. L’opération « Rising Lion » est comme l’issue fatale de décennies pendant lesquelles le régime des mollahs jurait d’éliminer « le petit Satan » hébreu tandis que Tsahal se préparait méthodiquement au combat. C’était une guerre froide que personne n’avait intérêt à réchauffer. Elle menace aujourd’hui de tout brûler.
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Le massacre commis le 7 octobre 2023 par le Hamas a, décidément, inauguré un funeste cycle de représailles. Mais il ne s’agit plus que de représailles, dans la fuite en avant belliciste de Netanyahou et de ses ministres d’extrême droite. C’est une autre histoire qu’Israël s’est mis à écrire, dans les bombes et le sang.
Longtemps, on a pu raconter sa destinée comme celle d’un petit Etat démocratique qui, globalement, vivait en situation de légitime défense. Parce qu’il s’est trouvé, dès sa création en 1948, entouré de pays qui souhaitaient l’anéantir. Parce qu’il lui a fallu, plusieurs fois, riposter dans des conflits qui menaçaient son existence. Cela ne l’autorisait nullement à coloniser des territoires palestiniens sur lesquels il n’a aucun droit, mais, face à l’hostilité de ses voisins, il semblait acquis que l’Etat hébreu avait de justes raisons, avec le soutien de la communauté internationale, de se protéger et de répliquer quand on s’en prenait à lui.
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Son agression de l’Iran confirme qu’un nouveau chapitre s’est ouvert dans cette épopée tragique. Bien sûr, personne de sensé n’ira pleurer sur le sort du très autocratique et antipathique régime de Téhéran, dont la courageuse Narges Mohammadi, lauréate iranienne du prix Nobel de la paix, disait en février dans « le Nouvel Obs » à quel point il est « fragilisé » d’un point de vue géopolitique et « largement désavoué » par un peuple qu’il ne parvient plus à « gouverner par la peur ».
Ressouder des Israéliens très divisés
Netanyahou sait l’affaiblissement, l’isolement et l’impopularité de son vieil ennemi. Il parie là-dessus, pour à la fois ressouder des Israéliens très divisés à son sujet et remettre l’Occident de son côté alors qu’il poursuit son insupportable carnage à Gaza. Mais pour quel objectif, à long terme ? Ce shérif autoproclamé du Moyen-Orient passe désormais à l’attaque, sans plus s’embarrasser d’aucune règle du droit international, avec sa force pour seule loi et cet objectif néo-impérialiste : sécuriser l’espace vital d’Israël en karchérisant ses abords.
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L’argument majeur, ici, est la menace nucléaire que ferait peser l’Iran sur Israël s’il se dotait d’une arme de destruction massive de ce type. Il y a peu de doute que le guide suprême ait ce projet en tête. Sauf qu’à ce stade, toute guerre contre lui ne peut être que préventive. Et que déclencher un conflit pour l’empêcher d’avoir lieu reste un inquiétant paradoxe. Alors que des négociations entre Iran et Etats-Unis étaient en cours, sans feu vert d’un Donald Trump manifestement dépassé, c’est choisir la diplomatie du bazooka. Cette attaque unilatérale d’un Etat souverain rappelle hélas la catastrophique guerre d’Irak lancée par les Etats-Unis en 2003. Avec, à la clé, le cauchemar que l’on sait, au Moyen-Orient et au-delà. On a longtemps vu l’Iran comme la principale force de déstabilisation de la région. Israël, qu’on le veuille ou non, joue à présent ce rôle d’agent du chaos.
« Qui serons-nous, Israéliens comme Palestiniens, quand cette guerre longue et cruelle aura pris fin ? » se demandait en mars 2024 le grand écrivain israélien David Grossman. Quinze mois plus tard, il est à craindre que cette terrible question ne prenne de nouvelles dimensions, plus angoissantes que jamais.
Auteur : Grégoire Leménager
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