MBDA dévoile la solution « One Way Effector » pour saturer les défenses aériennes ennemies – Zone Militaire
En septembre 2022, les forces russes utilisèrent pour la première fois des drones Shahed-136, de facture iranienne, contre les positions tenues par l’armée ukrainienne dans la région de Koupiansk. Depuis, l’usage de cet engin, produit en Russie sous la dénomination « Geran 2 », n’a cessé de s’intensifier, au point que, depuis le début du mois de juin, 2 800 ont été lancés en direction de l’Ukraine, selon des chiffres communiqués par Kiev.
Le Shahed/Geran est un drone de type OWA [One Way Attack, attaque à sens unique]. Produit à grande échelle et peu coûteux [entre 20 000 et 50 000 dollars l’unité], il est capable de parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour frapper un dispositif adverse dans la profondeur. Cependant, peu manœuvrable et relativement lent, il est vulnérable. D’ailleurs, entre 70 et 90 % de ces engins sont abattus par la défense aérienne ukrainienne.
En réalité, et comme l’a récemment expliqué le général Vincent Breton, le directeur du Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations [CICDE], l’efficacité des Shahed/Geran résident dans leur nombre. « Ils viennent saturer les défenses aériennes […] et ainsi faciliter la tâche aux missiles plus performants qui franchissent plus facilement les rideaux défensifs ukrainiens. Donc, le low-cost sature et le high-cost vient exploiter cette saturation », a-t-il développé.
D’où le projet « One Way Effector » que le missilier MBDA vient de dévoiler à l’occasion de la 55e édition du Salon internationale de l’aéronautique et de l’espace [SIAE], qui vient de débuter, ce 16 juin.
En 2023, MBDA avait présenté la munition téléopérée [MTO] « Mutant » [ou Akeron RCH 140], développée selon une approche « Produit Minimum Viable » avec le droniste Delair, dans le cadre du projet LARINAE, lancé par l’Agence de l’innovation de défense un an plus tôt. Puis a suivi l’Akeron RCH170, une MTO plus performante, avec une portée de 70 km et une capacité de fonctionner en essaim.
La solution One Way Effector ne repose pas seulement sur une MTO ou un OWA performante, ayant une portée d’au moins 500 km : elle vise surtout à produire de tels appareils en très grande quantité car l’objectif, avance MBDA, est de trouver un « compromis entre le besoin de masse et de performance, à moindre coût ».
« Tiré depuis le sol dans une logique de salve » et doté d’une « charge militaire suffisamment importante », One Way Effector va « exercer une pression constante sur la défense anti-aérienne de l’adversaire », explique MBDA. Et d’ajouter : « Ce nouvel effecteur oblige ainsi les défenses anti-aériennes les plus sophistiquées à se découvrir, facilitant leur repérage et leur neutralisation, conjointement avec l’utilisation d’autres systèmes de frappe longue portée ».
Dans les pages du Journal du Dimanche, Éric Béranger, le PDG de MBDA, a précisé que l’objectif est de produire au moins 1 000 unités par mois. Ce qui représente un changement d’échelle majeur quand on sait que, par exemple, 40 missiles antiaériens MISTRAL sont assemblés tous les mois. D’où la nécessité de nouer des partenariats avec « un droniste et des acteurs industriels du domaine civil, notamment du secteur de l’automobile », afin de mettre en place un « schéma de production innovant ».
« Incontestablement, l’industrie automobile maîtrise la production en grande série, ce qui n’était pas le cas traditionnellement dans le secteur missilier, du moins avant le conflit en Ukraine. Aujourd’hui, cette capacité à répondre rapidement à une demande accrue devient cruciale », a expliqué M. Béranger au JDD, après avoir précisé que l’industriel en question était un « acteur majeur » dont la « production est en France ».
Alors que le marché automobile français s’enfonce dans la crise [comme ailleurs au sein de l’Union européenne] et que la concurrence chinoise attend son heure avec ses voitures électriques, le secteur peut sans doute trouver sans salut dans la diversification de ses activités.
Le 6 juin, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a indiqué qu’un constructeur automobile français, qu’il n’a pas voulu citer, allait produire des drones en Ukraine, en association avec une PME spécialisée. Plus tard, Renault a confirmé avoir été sollicité, avant de préciser qu’il n’avait « pris aucune décision à ce stade ».
Auteur : Laurent Lagneau
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