Vie Militaire & Défense

M. Macron dit envisager une nouvelle hausse significative du budget des armées – Zone Militaire

En matière de défense, il importe d’avoir des forces armées ayant le format, les moyens et la cohérence censés leur permettre d’assurer l’ensemble des missions inscrites dans leur contrat opérationnel, défini en fonction des menaces auxquelles elles sont susceptibles de faire face. Ce qui suppose qu’elles aient les ressources financières nécessaires. Aussi, la question de savoir s’il faut porter ces dernières à 2 %, à 3 % voire à 5 % du PIB n’est pas forcément pertinente.

En effet, dépenser 5 % de sa richesse nationale pour entretenir une « armée mexicaine » en négligeant le volet capacitaire n’a guère de sens. Sauf, sans doute, s’il s’agit de bien figurer dans les classements de l’Otan. D’où la règle dite des « 3 C » pour « cash », « capacités » et « contributions ».

Avec des dépenses militaires devant être portées à 50,5 milliards d’euros [hors pensions] en 2025, l’effort de la France en matière de défense respectera l’objectif des 2 % de PIB fixé – pour le moment – par l’Otan.

Pour autant, même si la hausse de leurs crédits leur a permis d’amorcer une remontée en puissance tout en respectant un principe de cohérence, les forces françaises présentent encore des insuffisances, engendrées par des années de sous-investissement. Années au cours desquelles les chefs d’état-major successifs ont déploré un format « taillé au plus juste » alors que l’activité opérationnelle était intense.

D’ailleurs, c’est ce que le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a récemment admis en estimant qu’il manquait « des frégates de premier rang » et une trentaine d’avions de combat. Et cela alors que le contexte sécuritaire s’est considérablement dégradé. L’issue de la guerre en Ukraine, quelle qu’elle soit, n’y changera rien : la Russie continuera de présenter une menace pour les pays européens [ou, du moins, certains d’entre eux] à l’avenir.

En outre, le format de la dissuasion nucléaire pourrait être revu à la hausse puisque celui-ci, dimensionné selon le principe de « stricte suffisance », dépend de l’évolution de l’environnement international. Il reviendra à la Revue nationale stratégique actualisée de le préciser.

Devant les responsables de partis politiques réunis à l’Élysée [selon le format dit de « Saint-Denis »], le 20 février, le président Macron aurait évoqué l’idée de porter les dépenses militaires à 5 % du PIB dans le cas où les États-Unis décideraient de se désintéresser de l’Europe pour mieux se concentrer sur la région Indopacifique, comme ils en ont exprimé l’intention il y a maintenant près de quinze ans.

Le PIB, en volume, de la France étant de 2 596 milliards d’euros, un tel effort consisterait à porter le budget annuel du ministère des Armées à environ 130 milliards d’euros. Ce qui, en plus d’être inédit, pose la question de savoir comment les armées seront en mesure de dépenser une telle somme dans la mesure où les programmes d’armement ne peuvent pas aller « plus vite que la musique ». En outre, il faudrait que la Base industrielle et technologique de défense puisse suivre la cadence, de même que le recrutement.

Cela étant, plus tard, lors d’une séance de « questions / réponses » sur les réseaux sociaux, M. Macron n’a pas donné d’objectif chiffré. « Nous, Européens, devons augmenter notre effort de guerre. […] On rentre dans une nouvelle ère, mais ça fait déjà une quinzaine d’années où les États-Unis nous disent qu’on n’est plus leur priorité. Nous devons l’accepter. Nous n’avons plus les dividendes de la paix de nos aînés », a-t-il dit.

Aussi, a-t-il continué, « nous, Français, on va devoir réinvestir encore plus et on va devoir renforcer notre défense et notre sécurité. On va devoir faire des choix, nos choix budgétaires, nos priorités nationales. C’est des choix entre le court terme et l’avenir de la nation ».

En tout cas, M. Macron a dit qu’il ne savait pas si « 5 % [du PIB] était le bon chiffre pour la France ». Mais ce qui est certain, c’est qu’il « va falloir monter ». Seulement, ce ne sera pas simple, au regard du niveau de la dette publique [près de 3 400 milliards d’euros].

Cependant, l’Union européenne [UE] envisage de faire fi d’un tabou : celui de sortir les dépenses militaires du calcul du déficit public, fixé à 3 %. Une telle mesure, si elle ne changerait rien au niveau d’endettement du pays, permettrait de donner la marge de manœuvre nécessaire pour augmenter les dépenses militaires sans faire l’objet d’une procédure disciplinaire pour déficits excessifs. Une autre piste consisterait à lancer un emprunt européen, à l’image de celui de 724 milliards d’euros, mis en place par la Commission durant la pandémie de covid-19.

Enfin, le président Macron a évoqué une autre piste qui, lors des débats sur la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, avait suscité quelques doutes au sein du gouvernement [et à Bercy en particulier].

En effet, le Sénat avait voté un amendement pour instituer un « livret d’épargne souveraineté » afin de soutenir l’industrie de défense, en proie à des difficultés pour se financer auprès d’établissements financiers très à cheval sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance [EGS]. Seulement, cette disposition fut censurée par le Conseil constitutionnel, comme il a « retoqué » aussi toutes les initiatives visant à flécher une partie des encours du Livret A vers le financement de la BITD.

Quoi qu’il en soit, sur les réseaux sociaux, M. Macron a dit ne « pas exclure » l’idée de « lancer des produits d’épargne » et de « faire appel à la nation » pour « financer certains programmes » de défense.

« On rentre dans une époque où chacun d’entre nous doit se demander ce qu’il peut faire pour la nation française », et en ce sens, un tel produit d’épargne serait « une très bonne idée », a estimé le président Macron. Idée qui n’est pas nouvelle : elle avait été avancée par Vincent Hélin, président du Forum Hippocampe, dans les pages de la revue spécialisée DSI [n°92, mai 2013].



Auteur : Laurent Lagneau

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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