Forces

L’US Air Force pourrait annuler l’achat d’avions AWACS E-7A Wedgetail et commander des E-2D Hawkeye – Zone Militaire

Les avions de détection et de commandement aéroportés, comme l’E-3 « AWACS », ont-ils encore un avenir ? Grâce à leur puissant radar et à leurs capacités de transmission des données, de tels appareils sont en mesure d’établir une situation aérienne et navale sur environ un million de km² et de la partager avec d’autres unités. En outre, ils peuvent également servir de relais de communication.

Seulement, ces « AWACS » constituent aussi des « cibles de haute valeur » pour un adversaire potentiel. D’autant plus qu’ils sont vulnérables, comme en témoignent les deux A-50 « Mainstay » russes abattus par les forces ukrainiennes en 2024.

Cela étant, il est difficile de se passer des capacités offertes par de tels systèmes. Ainsi, la semaine passée, il a été avancé qu’un Saab 340 AEW&C « Erieye » aurait permis à un F-16AM ukrainien d’abattre un Su-35 Flanker russe au-dessus de l’oblast de Koursk avec un missile air-air AIM-120 AMRAAM. Toutefois, cette information n’a pas été officiellement confirmée.

Quoi qu’il en soit, l’Otan a prévu de remplacer les 14 E-3A Sentry que sa Force aéroportée de détection lointaine et de contrôle [NAEW&C] exploite depuis plus de quarante ans par six E-7A Wedgetail, dans le cadre d’un programme confié à Boeing. Et cela aux dépens de Saab, qui avait soumis la candidature de son système GlobalEye… Lequel est donné favori pour succéder aux E-3F EDCA de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE].

Outre-Manche, la Revue stratégique de défense dévoilée le 1er juin a recommandé d’acquérir davantage d’E-7A Wedgetail pour le compte de la Royal Air Force. « Un plus grand nombre d’avions d’alerte avancée et de contrôle aéroportés et de radars au sol permettrait […] de maintenir une surveillance aérienne 24 heures sur 24 à l’appui des opérations offensives et défensives du Royaume-Uni et de l’Otan », a-t-elle estimé.

Le même calcul a été fait en Suède, où le ministère de la Défense a décidé d’acquérir un Saab GlobalEye supplémentaire, portant à trois le nombre d’exemplaires commandés.

Quant à la Chine, elle est en train de renforcer et de moderniser ses capacités en matière d’alerte avancée, avec le développement du KJ-700.

Jusqu’à présent, les États-Unis envisageaient d’en faire autant, avec l’achat de vingt-six E-7A Wedgetail afin de remplacer les trente-et-un E-3B/G AWACS qui, mis en œuvre par l’US Air Force [USAF], connaissent des problèmes importants de disponibilité en raison de leur grand âge. D’ailleurs, quinze exemplaires ont d’ores et déjà été retirés du service.

Pour rappel, l’E-7A Wedgetail est notamment équipé d’un radar à antenne active multirôle [MESA Multi-role Electronically Scanned Array] d’une portée supérieure à 400 km, de contre-mesures électroniques et de différents systèmes de communication [UHF, HF, VHF, Liaison 11, Liaison 16, ICS, SATCOM, etc.].

Les appareils destinés à l’USAF devant être équipés de systèmes différents de ceux vendus au Royaume-Uni, à l’Australie, à la Turquie et à la Corée du Sud, les négociations contractuelles avec Boeing furent compliquées… Toutefois, un accord portant sur le développement de deux prototypes, pour 2,6 milliards de dollars, fut trouvé en juillet 2024.

Mais ce programme a visiblement du plomb dans l’aile, après avoir été remis en question par Pete Hegseth, le chef du Pentagone, lors d’une audition parlementaire, le 10 juin.

« Si nos systèmes et plateformes ne sont pas viables sur le champ de bataille moderne ou s’ils ne nous confèrent aucun avantage lors d’un combat futur, alors nous devons prendre des décisions difficiles dès maintenant », a dit M. Hegseth. « L’E-7 en est un exemple », a-t-il lâché.

« Nous pensons que la plupart des plateformes ISR [renseignement, surveillance, reconnaissance] seront, à l’avenir, basées dans l’espace », a poursuivi M. Hegseth. « Nous sommes prêts à continuer d’examiner des systèmes comme l’E-7 mais de notre point de vue, les investissements dans les systèmes existants qui offrent cette capacité ainsi que des investissements encore plus importants dans les systèmes ISR spatiaux, nous donneront les capacités dont nous avons besoin sur le champ de bataille », a-t-il ajouté.

Les « systèmes existants » qu’il a évoqués ne peuvent qu’être les E-3 AWACS et les avions de guet aérien embarqués E-2D Advanced Hawkeye. Moderniser les premiers ne paraît pas possible, compte tenu de leur âge et des difficultés à assurer leur entretien. Ce qui n’est pas le cas des seconds puisqu’ils ont été assez récemment mis en service au sein de l’US Navy.

La fonction AEW&C de l’US Air Force pourrait-elle donc reposer sur des E-2D Advanced Hawkeye ? Ce n’est pas incongru étant donné que c’est déjà le cas pour les forces aériennes taïwanaises et japonaises [en complément, pour ces dernières, de quatre E-767 AWACS, ndlr].

En outre, ravitaillable en vol, cet appareil serait bien adapté au concept ACE [Agile Combat Employment], qui vise à accroître la flexibilité, la résilience et la létalité des unités aériennes dans des environnements « non permissifs » afin de compliquer la prise de décision chez un adversaire potentiel. Cependant, ses performances [vitesse, plafond, autonomie] sont plus faibles qu’un E-7A.

Quant aux capteurs spatiaux évoqués par le chef du Pentagone, il s’agit du système AMTI [Air Moving Target Indicator], censé pouvoir suivre les cibles aériennes depuis l’espace. Devant être une « brique » du futur bouclier antimissile Golden Dome, cette capacité n’a pas encore été éprouvée.

« Des démonstrations sont en cours. C’est à peu près tout ce que je peux dire pour le moment », a confié le général Shawn Bratton, chargé de la stratégie, des plans, des programmes au sein de l’US Space Force, en mai dernier. Or, l’une des limites d’un tel système pourrait être son incapacité à percer la couche nuageuse…



Auteur : Laurent Lagneau

Aller à la source

Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

Cédric has 6369 posts and counting. See all posts by Cédric