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Les Russes n’arrivent plus à s’offrir des fraises à cause de la guerre

Dans les marchés de fruits et de légumes russes, la population constate une flambée des prix.Image: AFP

Fini les voyages et les fruits frais du marché: le Russe moyen a vu son niveau de vie baisser et les prix augmenter depuis l’invasion de l’Ukraine. Reportage à Moscou.

15.06.2025, 16:1815.06.2025, 16:18

team afp, Moscou

Au marché de Préobrajenski, à Moscou, fraises, cerises et autres fruits de saison font de l’œil sur les étals, sous un beau soleil estival. Mais pour Roman Paltievitch, difficile d’en acheter ici en raison de l’inflation élevée:

«Les prix sont délirants!»

Roman Paltievitc

Après plus de trois ans d’offensive russe en Ukraine, et de sanctions occidentales en représailles, la hausse des prix — stabilisée depuis plusieurs mois autour de 10% — reste un caillou dans la chaussure du Kremlin, qui n’arrive pas à la faire baisser fortement.

«Je n’achète ici ni pommes de terre ni cerises», lance Roman Paltievitch, un retraité de 84 ans. «Cette année, les prix ont fortement augmenté!» Il dit venir faire ses courses sur ce marché depuis son enfance, passée sous l’URSS, mais préfère désormais aller «dans une petite épicerie», ailleurs en ville, pour faire une grande partie de ses achats.

«C’est moins cher là-bas»

Au moment d’évoquer les causes de l’inflation, l’octogénaire pèse soigneusement ses mots pour s’éviter des ennuis avec la justice, toute critique étant sévèrement réprimée par les autorités.

Barquette de fraises à 400 roubles

C’est pourtant bien l’attaque de l’armée russe contre son voisin ukrainien en février 2022 qui a engendré l’explosion des prix alimentaires: les sanctions occidentales ont tiré les prix à la hausse, Moscou dépensant en parallèle massivement dans le complexe militaro-industriel pour soutenir l’armée, ce qui a poussé les salaires vers le haut et, en cascade, les produits du quotidien.

Unr vendeuse sur un marché de Moscou, le 10 juin 2025. (Photo par Alexander NEMENOV/AFP)

Les retraités interrogés confient qu’ils font des économies sur la nourriture. Image: AFP

A côté de Roman, sa femme, Tatiana, tient religieusement dans ses mains une petite barquette de fraises, comme un petit objet précieux de 400 roubles (4,50 euros) auquel il faut faire très attention. Au vue de leur prix devenu à leurs yeux prohibitifs, les fraises seront uniquement pour leurs petits-enfants, dit-elle.

Ailleurs dans les allées du marché de Préobrajenski, nombreux sont ceux qui évoquent les mêmes problèmes, pour remplir le panier, alors même que la Banque centrale de Russie s’est félicitée publiquement vendredi du «ralentissement» de la hausse des prix.

«Je n’achète plus rien»

«Je n’achète plus rien dans les grands supermarchés», explique Nikolaï Koutcherov, un artiste indépendant de 62 ans, venu ici se procurer du poulet pour sa petite-fille.

«Il faut oublier les voyages. Depuis trois, quatre ans, on ne pense plus qu’à remplir son frigo.»

Une vendeuse propose des cerises et des légumes sur un marché de Moscou, le 10 juin 2025. (Photo par Alexander NEMENOV/AFP)

Si les salaires ont augmenté, les prix aussi. Laissant notamment les retraités sur le carreau. Image: AFP

Comme lui, de nombreux Russes restent profondément marqués par la grave crise économique des années 1990, quand l’économie nationale, au sortir de 70 ans de communisme et de planification étatique, s’était retrouvée largement ébranlée. Une partie de la population avait même perdu ses économies.

Un quart de siècle plus tard, le choc de l’ouverture du marché à la concurrence a été remplacé par celui de l’assaut des troupes russes en Ukraine, une décision prise par le président Vladimir Poutine, qui assure pourtant que son pays est devenu «plus souverain» depuis 2022.

Pourtant, les salaires augmentent

Dans ce contexte de restructuration à marche forcée de l’économie, le maître du Kremlin vante également la hausse des salaires réels, qui a bénéficié à plusieurs centaines de milliers de Russes, principalement ceux travaillant dans l’industrie de défense. «Les salaires augmentent, donc cela revient à peu près au même», assure Konstantin Zelenkov, un ingénieur de 38 ans.

Mais tous ne partagent pas son point de vue, comme Irina Iakovleva, une ancienne comptable de 68 ans. Elle résume le sentiment général:

«Tout augmente sans cesse. Nous devons tout simplement nous restreindre»

Irina Iakovleva

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Vladimir Poutine dans tous ses états

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Vladimir Poutine dans tous ses états

Poutine en mode chasseur, 2010.

source: ap ria novosti russian governmen / dmitry astakhov

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Elle a 85 ans et fait des montagnes russes chaque semaine

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Auteur : team afp, Moscou

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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