Les revers s’accumulent pour Poutine
Les coups durs s’enchaînent pour le Kremlin, notamment à cause des dégâts infligés par les drones ukrainiens. En médaillon, une base russe dans la région d’Irkoutsk. Image: watson/imago
L’Ukraine anticipe une offensive russe simultanée sur plusieurs fronts, exerçant ainsi une forte pression sur les troupes ukrainiennes. Toutefois, le président russe, Vladimir Poutine, subit pour l’heure des revers significatifs.
19.06.2025, 05:4119.06.2025, 05:41
Patrick Diekmann / t-online
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Le processus de paix dans la guerre en Ukraine semble dans l’impasse. Après avoir initialement formulé des exigences inacceptables du point de vue de l’Ukraine, le Kremlin adresse désormais de nouvelles revendications à l’Otan et aux Etats-Unis.
Mardi dernier, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, a exigé des Etats-Unis qu’ils «éliminent les causes des contradictions fondamentales entre nous dans le domaine de la sécurité». Riabkov, en charge de l’arsenal stratégique russe, a précisé aussitôt ce qu’il entendait par là. Au premier rang figure l’élargissement de l’Otan:
«Sans résoudre ce problème fondamental et urgent à nos yeux, il est tout simplement impossible de mettre fin au conflit actuel dans l’espace euro-atlantique.»
La Russie demande donc à l’Otan de restreindre elle-même ses futures élargissements — voire de revenir sur son expansion vers l’Est. Ces exigences de la part du Kremlin ne sont pas nouvelles. Mais leur réaffirmation à ce moment précis surprend: elles traduisent un sentiment de force et de supériorité, qui ne correspond pas vraiment à la réalité militaire actuelle. Car l’armée russe et le régime de Vladimir Poutine subissent en ce moment même des revers sensibles.
La Russie profite du manque de soldats de l’Ukraine
Certes, la Russie reste à l’offensive en Ukraine et domine sur presque tous les fronts. Mais son avancée reste très lente. En 2024, l’armée russe n’a conquis que 4200 kilomètres carrés du territoire ukrainien, soit à peine 0,7% de la superficie totale du pays.

En parallèle, Poutine attaque le cœur de Kiev et déstabilise le moral des Ukrainiens. Sur cette photo, la capitale ce 17 juin.Keystone
La lenteur des avancées opérationnelles et l’ampleur limitée des gains territoriaux montrent que la supériorité de la Russie est bien moindre que ce qu’elle laisse entendre. La guerre en Ukraine est avant tout une guerre d’usure. A terme, c’est le camp qui pourra mobiliser durablement le plus de soldats, de matériel militaire et de ressources financières qui l’emportera.
Autrement dit, la conquête de territoire n’est pas la priorité absolue pour l’un ou l’autre des belligérants dans ce conflit. L’objectif principal est plutôt d’infliger durablement des pertes élevées en soldats, en matériel militaire et en capacités logistiques à l’adversaire, tout en limitant au maximum ses propres pertes.
C’est pourquoi l’armée russe attaque actuellement là où elle s’attend à rencontrer le moins de résistance. Les troupes de Poutine pourraient bientôt franchir la frontière administrative de la région de Dnipro, bien que cette oblast ukrainienne n’ait pas été officiellement annexée par la Russie. Parallèlement, le Kremlin aurait amassé environ 50 000 soldats dans le nord-est de l’Ukraine, notamment près de la ville de Kharkiv. Les experts estiment qu’il s’agit d’une tentative de détourner les troupes ukrainiennes d’autres zones du front.
Mais la stratégie globale est différente: les généraux de Poutine veulent étirer le front au maximum afin que les difficultés de personnel dans l’armée ukrainienne créent des brèches que Moscou pourra alors exploiter à son avantage.
Les services secrets ukrainiens font mouche
Mais le gouvernement ukrainien a bien identifié le danger et a pris des mesures pour y faire face. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a profité de la menace d’une offensive russe cet été pour plaider auprès de l’alliance occidentale en faveur d’un renforcement de l’aide militaire et d’un durcissement des sanctions contre la Russie.
Par ailleurs, Kiev présente l’escalade des combats comme une preuve que la Russie est responsable de l’échec des négociations de paix. Ce point est crucial concernant le président américain Donald Trump, qui a jusqu’ici souvent tenu l’Ukraine pour en partie responsable du conflit. Zelensky a réaffirmé sa position mardi dernier:
«Je suis fermement convaincu que Poutine ne veut pas mettre fin à cette guerre. Dans son esprit, une fin du conflit sans la défaite totale de l’Ukraine est impossible.»
Alors que la Russie affiche une grande confiance, la direction ukrainienne reste plutôt discrète. Pourtant, son armée a réalisé d’importants succès ces deux dernières semaines. Avec l’«opération toile d’araignée», par exemple, le Service de sécurité ukrainien (SBU) a lancé une attaque massive aux drones contre plusieurs bases aériennes en Russie. Jusqu’à 40 bombardiers stratégiques ont été mis hors d’état de voler. Un coup dur pour Poutine, qui a immédiatement menacé l’Ukraine de représailles.
Les dirigeants ukrainiens ont certes salué le succès de l’opération, notamment parce qu’elle complique considérablement la capacité de l’aviation russe à poursuivre son intense bombardement de l’Ukraine avec des missiles de croisière. Pourtant, Zelensky et de nombreux pays européens sont restés relativement mesurés, une retenue qui s’explique en grande partie par la position de Trump.
Car Trump avait déjà reproché à Zelensky, lors de sa visite à la Maison Blanche en février, de «jouer avec la Troisième Guerre mondiale». Le président américain voit d’un mauvais œil l’attaque contre les bombardiers de Poutine, qui constituent un élément clé de la dissuasion nucléaire russe. Après un appel téléphonique avec Poutine au début du mois, Trump a déclaré que cette attaque avait durement frappé la Russie et qu’il s’attendait désormais à une «réponse très dure» de Moscou.
Les attaques contre les coûteux bombardiers n’étaient que l’exemple le plus visible des opérations réussies de l’Ukraine ces derniers temps. A plusieurs reprises au cours des dernières semaines, des attaques efficaces ont visé des voies ferrées, des usines stratégiques pour la guerre, et ce week-end encore, l’Ukraine aurait apparemment détruit deux avions de combat russes sur un aérodrome. Dans un autre incident, le chasseur le plus moderne de Poutine — le Su-35 — aurait été pris dans une embuscade et abattu au-dessus de la région russe de Koursk.
En attente d’une réaction russe
Toutes ces attaques sont pour le Kremlin des coups sévères — et ils semblent actuellement ne pas s’arrêter. Grâce à ses opérations de drones, l’Ukraine parvient à infliger à son adversaire ce que l’armée russe avait déjà subi peu après le début de l’invasion totale en 2022: des dommages significatifs dans ses ressources. Pour la Russie, la guerre devient donc non seulement de plus en plus coûteuse, mais le pays va aussi rencontrer des problèmes d’approvisionnement dans certains domaines militaires.
Les experts s’accordent à dire que cela ne poussera probablement pas Poutine à se retirer à moyen terme des territoires ukrainiens occupés. Cependant, les attaques ukrainiennes affecteront la capacité offensive russe, ce qui offre aux défenseurs ukrainiens un peu plus d’oxygène sur leur propre sol. Il n’est sans doute pas un hasard que les frappes de drones ukrainiens aient eu lieu alors que l’armée russe rassemblait des troupes en vue d’une offensive. Ces derniers jours, les unités russes ont principalement attaqué dans la région de Soumy, au nord, mais ces avancées n’ont pour l’instant guère été couronnées de succès.
Les semaines à venir montreront si cette situation va perdurer ou si l’Ukraine s’est simplement accordée un sursis. Poutine ne peut en réalité pas se permettre de ne pas réagir aux attaques de drones ukrainiens. Ces frappes n’étaient pas seulement un coup dur militaire, mais aussi un coup symbolique porté à l’image russe d’invincibilité. Une riposte militaire de la part de Poutine est donc probable. Reste à savoir quand elle aura lieu et sous quelle forme.
Traduit et adapté par Noëline Flippe
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Auteur : Patrick Diekmann / t-online
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