Vie Militaire & Défense

Les 5% PIB de Trump ne sont-ils qu’une manœuvre pour justifier du retrait américain d’Europe ?

2 %, 3 %, puis 5 % du PIB ! L’objectif d’effort de défense, fixé unilatéralement par Donald Trump pour ses alliés européens, n’a cessé de croître au fil des mois, depuis l’été 2024, des meetings pour l’investiture républicaine au Bureau ovale. Pourtant, à chaque étape, les Européens se sont rapidement adaptés, pour ne pas procurer au 47ᵉ président des États-Unis une justification pour retirer la précieuse protection accordée à l’Europe par Washington depuis 1949.

Ce qui paraissait encore totalement irréaliste il y a à peine six mois — un effort de défense plancher de 5 % du PIB pour l’ensemble des membres de l’OTAN à horizon 2032 — semble aujourd’hui de plus en plus vraisemblable. Les déclarations d’intention se sont multipliées, à tel point que le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a affiché sa confiance quant à l’obtention d’un accord formel lors du sommet de La Haye, prévu du 24 au 26 juin.

Plusieurs États membres ont d’ores et déjà officialisé leur ralliement à cette trajectoire ambitieuse. La Norvège a confirmé dès avril 2025 son intention de porter son effort de défense à 5 % du PIB à horizon 2032. La Finlande, dans un communiqué relayé par le Helsinki Times, s’est engagée sur un chemin similaire, justifiant cette hausse par les tensions croissantes avec la Russie. Le Danemark a validé le principe d’une montée à 3,5 %, avec une clause de révision pouvant porter l’effort au-delà, selon les besoins opérationnels définis par l’OTAN.

La République tchèque a indiqué soutenir pleinement l’objectif des 5 %, selon les déclarations de son ministère de la Défense. Aux Pays-Bas, le gouvernement sortant s’est prononcé en faveur d’un objectif à 3,5 %, en alignement avec les préconisations du siège de l’OTAN. Même en Allemagne, le ministre Boris Pistorius a évoqué publiquement l’idée d’un « objectif évolutif vers les 5 % », dans le cadre d’un plan décennal d’investissement stratégique. La Roumanie, enfin, a présenté un budget de défense en forte hausse dès le printemps 2025, s’inscrivant dans la dynamique générale de l’Alliance.

Seuls quelques pays, à ce stade, ont exprimé leurs réserves — notamment l’Espagne, qui considère ces objectifs comme disproportionnés par rapport à ses capacités économiques. Mais l’élan collectif est désormais clairement engagé. Le sommet de La Haye ne devrait donc pas débattre de la pertinence du seuil des 5 %, mais plutôt de ses modalités concrètes : échéance, ventilation des dépenses, intégration industrielle.

Pourtant, malgré cette mobilisation remarquable, Donald Trump n’est pas satisfait. Alors que le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, multiplie les déclarations en faveur d’un retrait de la présence conventionnelle américaine en Europe, le président a indiqué que si la règle des 5 % devait s’appliquer à l’Europe sans exception, elle ne concernerait pas les États-Unis, ceux-ci ayant, selon lui, « déjà payé pour tous les autres pendant des décennies ».

L’Europe et l’OTAN, les Usual Suspects de Donald Trump depuis la campagne de 2016

La relation compliquée entre Donald Trump et ses alliés européens ne date pas de son second mandat. Dès sa campagne présidentielle de 2016, le futur 45ᵉ président des États-Unis avait multiplié les attaques à l’encontre de l’Union européenne et de l’OTAN, dans une rhétorique où ces deux piliers de l’ordre transatlantique post-guerre froide étaient régulièrement présentés comme des obstacles à la prospérité et à la puissance américaine.

Donald
Le président Donlad Trump lors de son premier mandat.

Dès le mois de mars 2016, Donald Trump déclarait dans une interview à The Washington Post que l’OTAN était « obsolète », critiquant une structure incapable, selon lui, de s’adapter aux nouvelles menaces sécuritaires, notamment le terrorisme. Il y ajoutait une critique sur les coûts supportés par les États-Unis : « Nous payons trop. Nos alliés ne paient pas leur part. »

L’Europe devient alors une cible régulière dans ses discours de campagne. À ses yeux, l’Union européenne est non seulement un concurrent commercial déloyal, mais également un passager clandestin dans le domaine militaire, abritée sous le parapluie nucléaire américain sans effort réel d’autonomie stratégique. Le déficit commercial transatlantique, notamment avec l’Allemagne, devient un cheval de bataille permanent, tout comme la dénonciation des accords de Paris sur le climat (2015) et du JCPOA sur le nucléaire iranien (2015), tous deux soutenus activement par les Européens.

Arrivé à la Maison-Blanche, Donald Trump tente de traduire ses menaces électorales en mesures concrètes. Il remet en cause le soutien automatique de l’article 5 de la charte de l’OTAN, conditionne l’assistance américaine à un « paiement équitable » de la part des alliés, et impose des droits de douane ciblés sur l’acier et l’aluminium européens. En parallèle, il retire les États-Unis de l’accord de Paris, puis du traité INF sur les missiles à portée intermédiaire, au grand dam des capitales européennes.

Face à cette pression politique, l’OTAN tente de s’adapter. Le sommet de Bruxelles de 2018 devient un moment charnière. Dans une atmosphère tendue, Trump menace à huis clos de retirer les États-Unis de l’Alliance si les Européens ne portent pas leur effort de défense à 4 % du PIB, au lieu des 2 % convenus en 2014 à Cardiff. La déclaration officielle du sommet maintient la ligne des 2 %, mais plusieurs alliés commencent à revoir leur trajectoire budgétaire, à l’image de la Pologne, de la Lituanie, ou du Royaume-Uni.

Cependant, durant ce premier mandat, les ambitions disruptives de Trump sont contenues par son entourage. Le secrétaire à la Défense James Mattis, les secrétaires d’État Rex Tillerson puis Mike Pompeo, ainsi que le conseiller à la sécurité nationale H. R. McMaster, jouent un rôle de garde-fou institutionnel. Ils rappellent l’importance du lien transatlantique et œuvrent pour minimiser l’impact des déclarations présidentielles les plus hostiles.

Mattis trump
Comme Secretaire à la Défense au debut du premier mandat de D. Trump, Jim Mattis deploya une grande énergie à la fois pour contenir les excés de son président, et pour rassurer les alliés de l’OTAN.

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Auteur : Fabrice Wolf

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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