Le ministère des Armées va subventionner cinq projets français de drone MALE pour le « bas du spectre » – Zone Militaire
Dans les années 2000, alors que les drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] Predator mis en œuvre par les forces américaines et la CIA étaient intensivement utilisés contre les groupes terroristes liés à al-Qaïda tant au Moyen-Orient qu’en Asie centrale, plusieurs pays européens prirent conscience de leur retard dans ce domaine.
Ainsi, à la demande de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de l’Espagne, EADS [devenu Airbus Defence & Space] lança le développement du drone MALE Talarion… qui n’alla pas plus loin que la planche à dessin.
Puis, dans la foulée des accords de Lancaster House, signés en novembre 2010, Français et Britanniques confièrent à BAE Systems et à Dassault Aviation le soin de mettre au point le drone MALE Telemos, avec l’objectif de disposer d’un appareil opérationnel d’ici cinq ans, pour un coût alors évalué à 500 millions d’euros. Seulement, comme le Talarion, il finit par tomber dans les oubliettes.
Puis, en 2013, Airbus, Dassault Aviation et Leonardo proposèrent de développer conjointement un drone MALE européen, appelé MALE RPAS [ou EuroDrone]. Après moult rebondissements, ce projet put enfin prendre son envol sous l’égide de l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement [OCCAr] en 2022. Et, désormais, il est question que cet appareil, particulièrement imposant avec sa masse de 11 tonnes, soit opérationnel en 2031. Une éternité, au regard du rythme des évolutions technologiques….
D’où les doutes exprimés par Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, lors de ses auditions parlementaires.
« L’Eurodrone MALE devrait avoir un an de retard. Il faudra se poser la question des pénalités. Les raisons, je ne les connais pas. L’enjeu, maintenant, c’est d’avoir une livraison dans les forces d’un drone qui soit toujours d’actualité du point de vue opérationnel. Nous devrons en parler avec les différents partenaires », avait ainsi déclaré M. Lecornu devant les sénateurs de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, en octobre.
Et d’ajouter : « Soit on décide de l’abandonner unilatéralement, et cela peut coûter aussi cher que si l’on commande vraiment l’objet. Soit on décide collectivement de faire évoluer le programme. Mais inversement, si l’on ne reçoit pas ce que l’on a commandé, c’est plutôt l’entreprise qui nous devra des pénalités ».
Or, dans le même temps, des PME françaises ont lancé le développement de drones MALE, le plus connu étant l’Aarok, de Turgis & Gaillard. Dévoilé en juin 2023, cet appareil est désormais prêt à effectuer son vol inaugural. Et cela après avoir fait l’objet d’un marché qui, notifié en décembre dernier par le ministère des Armées, vise à étudier le concept de drone « certifiable mais non certifié ».
En février, lors d’un déplacement à l’aérodrome de Blois-Le Breuil [Loir-et-Cher], où est installé Turgis & Gaillard, M. Lecornu a fait part de son intention de lancer une initiative visant à encourager les PME du secteur de l’aéronautique à développer des drones MALE en leur accordant des subventions financées par les pénalités de retard dues par les industriels qui n’ont « pas été capables délivrer ces grands programmes qui sont clés pour l’armée française ».
Selon M. Lecornu, le marché sur le concept de drone « certifiable mais non certifié » attribué à Turgis & Gaillard relève de cette logique. Il permet à la PME de « poser un premier jalon dans son programme de drone MALE », a-t-il dit.
Depuis, au moins quatre autres PME ont investi le segment des drones MALE.
Et, ce 17 juin, à l’occasion du Salon international de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, le ministère des Armées a signé une convention de subventions accordées à ces cinq industriels [en comptant Turgis & Gaillard] pour « leurs projets de développement de drones MALE bas du spectre ».
Les entreprises Daher, Fly’R, SE Aviation et Aura-AERO vont bénéficier de ce dispositif.
Pour le moment, Daher n’a pas encore communiqué sur son projet de drone MALE.
Ce qui n’est pas le cas de Fly’R, qui développe le R2-600 MALE, un appareil ayant une envergure réduite grâce à son architecture aérodynamique en aile rhomboïde. « Sa motorisation hybride lui confère une endurance accrue, optimisant ainsi l’accomplissement de sa mission principale », précise la PME, dont le directeur général n’est autre que Laurent Collet-Billon, Délégué général pour l’armement entre 2008 et 2017.
« La voilure rhomboïde, en forme de losange, sans plan vertical, grâce à son aérodynamisme particulier, autorise des plages de vitesse et une manoeuvrabilité très supérieures aux autres formes de voilure. À envergure égale, un aéronef à voilure rhomboïde peut doubler les performances en matière de vitesse, de temps de vol et de charges transportées », souligne encore Fly’R.
Au SIAE du Bourget, SE Aviation présente un appareil qui, basé sur le DRIADE [Drone de Reconnaissance et d’Intervention Autonome pour la Défense de l’Environnement], est plutôt dédié aux missions de surveillance maritime. Ses capteurs sont fournis par Diadès Marine, spécialiste des radars maritimes aéroportés.
Enfin, spécialiste de la propulsion électrique et hybride pour l’aviation, AURA-AERO développe le drone « ENBATA », avec l’appui de Thales, de Safran et d’ARÉSIA. Affichant une masse maximale de 2 tonnes et pouvant compter jusqu’à 1 tonne de charge utile, cet appareil diposera d’une endurance pouvant aller jusqu’à 55 heures. L’objectif est qu’il soit en mesure d’effectuer son premier vol d’ici fin 2026. À noter que ce projet est accompagné par le général Stéphane Mille, l’ancien chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE], ainsi que par le général Bruno Clermont.
Exclusively at the Paris Air Show, AURA AERO unveils ENBATA, its sovereign, multi-mission, controlled costs MALE drone!
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En exclusivité, au @salondubourget, AURA AERO dévoile ENBATA, son #drone MALE souverain, multi-missions et à coûts maîtrisés !@Armees_Gouv @DGA pic.twitter.com/vlxGupVLAG— Aura Aero (@aero_aura) June 17, 2025
Auteur : Laurent Lagneau
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