Vie Militaire & Défense

Le ministère des Armées songe à la navigation fluviale pour envoyer du fret militaire en Roumanie – Zone Militaire

Publié en février, un rapport de la Cour des comptes de l’Union européenne a été très sévère à l’endroit de la politique de la Commission européenne en matière de mobilité militaire. Et pour cause : l’enveloppe de 1,69 milliard d’euros qui avait été prévue par le Cadre financier pluriannuel 2021-27 pour la financer est déjà épuisée alors que les objectifs fixés n’ont pas été atteints, en partie à cause d’une gouvernance déficiente car trop « fragmentée » et « complexe ».

En outre, le rapport a également pointé le manque de cohérence dans les choix faits par les États membres, ceux-ci ayant par ailleurs focalisé leur attention sur des projets « ferroviaires et routiers », lesquels ont été financés à hauteur de 70 % par l’Union européenne [UE].

Or, d’autres modes de transport auraient pu être explorés, comme la navigation fluviale, alors que celle-ci permettrait de s’affranchir de certaines contraintes réglementaires, comme celle ayant empêché le transit par l’Allemagne de chars Leclerc devant être envoyés par l’armée de Terre en Roumanie, car leur poids par essieu dépassait la limite fixée par les règles de la circulation routière.

Au total, l’UE compte environ 38 000 km de voies navigables. Seulement, et notamment en France, on n’est plus à l’époque de « L’homme du Picardie » : le transport de fret ne représente qu’à peine un tiers du milliard d’euros de recettes perçues par la filière de la navigation fluviale, le reste provenant des activités liées au tourisme.

Quoi qu’il en soit, ce réseau fluvial européen peut être un atout… et le ministère des Armées [MINARM] envisage de l’exploiter.

En effet, le 26 mai, la Plateforme affrètement et transport [PFAT] du Service du commissariat des armées [SCA], a émis une demande d’informations pour se faire une idée précise des « capacités du marché fournisseur en matière de transport de fret sur voie fluviale en Europe au profit du MINARM ou sous couvert du MINARM ».

Et le texte de cette demande d’informations d’insister : « Les réponses seront utilisées pour alimenter les bases de données fournisseurs de la PFAT sur ce secteur. Elles auront vocation à être conservées et utilisées par la PFAT, en dehors de toute personne tiers. »

Pour le moment, sept axes principaux retiennent l’attention de la PFAT, à savoir :

– depuis le Rhin jusqu’à Stettin [Pologne] et Ostrava [République tchèque] via Rhin – Mittellandkanal – Canal Elbe Havel – Liaison Havel Oder ;

– depuis Hambourg [Allemagne] jusqu’ à Prague [République tchèque] via Elbe – Vltava ;

– depuis Strasbourg jusqu’à Constanta [Roumanie] via Rhin – Canal Main-Danube – Danube ;

– depuis Lyon jusqu’à Constanta via Saône – Canal du Rhône au Rhin – Rhin – Canal Main-Danube – Danube ;

– depuis Marseille jusqu’à Constanta via Rhône – Saône – Canal du Rhône au Rhin – Rhin – Canal Main-Danube – Danube ;

– depuis Le Havre jusqu’à Constanta via Seine – Canal Seine-Nord Europe – Escaut – Rhin – Canal Main-Danube – Danube ;

– depuis Le Havre jusqu’au Rhin puis Rhin – Stettin et Ostrava.

L’enjeu est donc de pouvoir acheminer en fret en Roumanie, où la France est la nation-cadre d’un bataillon multinational de l’Otan, dont le format sera porté au niveau brigade. Au total, 1 500 militaires français y sont déployés.

Pour le ministère des Armées, la navigation fluviale présente plusieurs intérêts sur le plan opérationnel. D’abord, elle permet de disposer de solutions supplémentaires dans les cas où les voies routière, ferroviaire et aérienne seraient saturées ou indisponibles [travaux, mouvements sociaux, sabotages, etc.].

En outre, poursuit-il, la « discrétion obtenue par le transport fluvial, moins exposé aux regards et aux arrêts fréquents », permet de « limiter le renseignement d’opportunité » tandis que la « navigation continue » est de nature à « limiter les tentatives d’atteinte volontaire au matériel transporté ». Enfin, il est « particulièrement adapté au transport d’objets volumineux ou lourds, évitant les contraintes et les risques du transport routier exceptionnel ».

Un autre avantage que le MINARM n’a pas cité est qu’il est moins coûteux de transporter du fret par voie fluviale que par la route ou le rail. En revanche, ce mode de transport présente au moins deux inconvénients : il est lent et il dépend des conditions météorologiques [inondations, par exemple].

Illustration : CiaurlecCC BY-SA 3.0



Auteur : Laurent Lagneau

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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