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Le coût d’achat des futurs chasseurs-bombardiers F-35A canadiens a bondi de 46 % entre 2022 et 2024 – Zone Militaire

En 2010, le gouvernement canadien, alors dirigé par le conservateur Stephen Harper, fit part de son intention d’acquérir soixante-cinq chasseurs-bombardiers F-35A auprès de Lockheed-Martin, sans passer par un appel d’offres. Il s’agissait alors de remplacer la flotte de CF-188 Hornet de l’Aviation royale canadienne [ARC], laquelle allait bientôt arriver au bout de son potentiel.

À l’époque, le coût d’acquisition de ces appareils était estimé à 9 milliards de dollars canadiens [CAN]. Et 16 milliards de plus étaient prévus pour assurer leur maintien en condition opérationnelle [MCO] tant qu’ils seraient en service. Au-delà des critiques engendrées par ce choix, le Vérificateur général du Canada avait remis en cause ces évaluations, en faisant valoir que ces dernières n’étaient « fondées que sur des hypothèses » n’ayant « pas fait l’objet d’une validation indépendante ». En outre, il avait aussi déploré l’absence d’appel d’offres.

Ce rapport du vérificateur général alimenta la polémique sur le choix du F-35A… Choix que Justin Trudeau, à peine nommé Premier ministre après avoir remporté les élections législatives de 2015, remit en cause avant de promettre de lancer un « appel d’offres transparent ».

Seulement, Dassault Aviation et le consortium Eurofighter ayant décidé de ne pas participer à ce processus d’achat, le choix se joua entre le F-35A et le JAS-39 Gripen E/F de Saab, le F/A-18 Super Hornet de Boeing ayant été éliminé. Et, comme on pouvait s’y attendre, le chasseur-bombardier de Lockheed-Martin fut de nouveau donné vainqueur.

L’avion que M. Trudeau vouait aux gémonies quelques années plus tôt était devenu le meilleur du monde. « Le F-35 est un avion de chasse moderne, fiable et agile utilisé par nos plus proches alliés en mission dans le monde entier. Il s’agit de l’avion de combat le plus évolué sur le marché, et c’est l’avion de choix pour le Canada », s’était félicité le ministère canadien de la Défense.

La commande de quatre-vingt-huit F-35A fut finalisée en janvier 2023, pour un montant estimé à 19 milliards de dollars canadiens.

Alors que, en mars dernier, le Premier ministre canadien, Mark Carney, demandé de « reconsidérer » l’achat du chasseur-bombardier américain à cause des tensions diplomatiques avec Washington, la « vérificatrice générale » du Canada, Karen Hogan, vient de jeter un pavé dans la mare, sous la forme d’un nouveau rapport sur les coûts d’achat du F-35A.

Ainsi, selon ses estimations, ces derniers devraient être supérieurs de 46 % par rapport à ce qui avait initialement prévu.

« Nous avons constaté que les coûts estimatifs du Projet de capacité future en matière d’avions de chasse avaient augmenté de 46 % entre 2022 et 2024, soit une augmentation de 8,7 milliards de dollars [canadiens] », a en effet écrit Mme Hogan. Et d’ajouter : « Cette nouvelle prévision n’inclut pas certains éléments nécessaires à la pleine capacité opérationnelle, tels que la mise à niveau essentielle des infrastructures et l’armement perfectionné. Ces éléments ajouteraient au moins 5,5 milliards de dollars au coût total ».

Pour expliquer cet écart, la vérificatrice générale avance que les estimations des coûts présentées au moment de la commande des F-35 reposaient « sur des données obsolètes, qui dataient de 2019 ».

Mais pas seulement car, selon le rapport, « l’inflation, les variations du cours des devises étrangères et la hausse de la demande de munitions dans le monde seraient principalement à l’origine de l’augmentation du coût d’achat des F-35 canadiens ».

Par ailleurs, la pleine capacité opérationnelle F-35A canadiens, qui devrait être prononcée d’ici 2033, risque d’être compromise pour deux raisons : la construction des infrastructures, nécessaires pour la mise en œuvre de ces futurs chasseurs-bombardiers sur les bases de Cold Lake et de Bagotville, a déjà pris trois ans de retard et l’ARC manque de pilotes.

« Pour que la flotte d’appareils CF-35A soit pleinement opérationnelle, l’Aviation royale canadienne a besoin de plus de pilotes formés. […] D’après les prévisions de la Défense nationale au moment de l’audit, le programme prévu de formation de pilotes ne permettra pas d’avoir suffisamment de pilotes d’ici 2032-2033 pour atteindre la pleine capacité opérationnelle », avance la vérificatrice générale.

Reste à voir si ce rapport aura des conséquences sur le réexamen en cours de la commande de F-35A, sachant que les seize premiers exemplaires ont d’ores et déjà été payés. « Je tiens à saluer le travail de la vérificatrice générale. Elle a formulé plusieurs recommandations importantes en vue d’améliorer les choses. Nous avons pris bonne note de ces recommandations », a commenté David McGuinty, le ministre canadien de la Défense.



Auteur : Laurent Lagneau

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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