Le 17ème GA, acteur central d’une LAD terrestre en pleine transformation
Tirant ses rôles actuels des unités en charge de l’expérimentation de certains systèmes sol-sol et sol-air (Hawk, Roland, bitube de 20 mm…) et de la sécurisation du site d’essais de missiles de la Direction Générale de l’Armement (DGA-EM) qui l’héberge à Biscarosse, le 17ème Groupe d’Artillerie (GA) est aujourd’hui le Centre d’entraînement spécialisé en Lutte anti aérienne toutes armes (LATTA), en Lutte anti-drones (LAD) et en cynotechnie de l’armée de Terre.
Cela se fait via un catalogue varié de formations, pour répondre à certains enjeux d’adaptation, de massification et de densification de certaines capacités face à l’actuel contexte opérationnel. Et qui dits notamment formations et entraînements aux tirs, dits cibles nécessaires, et cibles nécessaires en masse.
Une ingénierie de formations au profit de la LAD
Le colonel Armand Cottin, l’actuel chef de corps, s’est vu confier une mission en prenant son poste, celle de contribuer à la transformation de l’armée de Terre en développant l’entraînement à la lutte antidrones et en appuyant les corps et unités interarmées dans l’appropriation des drones. Rien d’insurmontable pour ce groupement disposant d’un terrain de jeu grand comme la moitié du camp de Canjuers et armant un outil unique au sein de l’armée de Terre : le Centre national d’évaluation et de formation pour la lutte anti-aérienne toutes armes (CNEF LATTA).
Le CNEF, ce sont quatre cellules et autant de segments de formation. La LATTA bien sûr, mais aussi la conduite en tout terrain en s’appuyant sur la forêt dunaire environnante, la maitrise d’un VAB TOP adopté en 2008 au lendemain de l’embuscade d’Uzbin en Afghanistan et, enfin, la LAD. Savoir-faire existant depuis des décennies, la LATTA consiste essentiellement à utiliser l’armement individuel et collectif en dotation pour fournir des effets dans la plus basse couche de la 3D de façon à neutraliser la menace proche sans être un spécialiste. « Cela suppose d’être extrêmement entraîné. La LATTA est un domaine très complexe au regard de la vélocité des objets actuels », explique le colonel Armand Cottin. Elle demande une réelle coordination au sein du groupe, la meilleure protection n’étant possible qu’en conjuguant les armements pour générer un effet « boule de feu ».
Enfin, la cellule LAD est également référente en matière de LAD mobile. Embryonnaire, cette capacité est incarnée par les 18 VAB ARLAD Std 2 commandés pour l’armée de Terre, à raison de six exemplaires pour le 54e RA et d’un à deux exemplaires pour les autres régiments. Fruit d’une urgence opérationnelle et de travaux d’adaptation réactive, cette modification du VAB Ultima P, menée par Arquus, intègre un lance-grenades de 40 mm et un radar 2D du groupe américain FLIR pour une détection sectorielle ou à 360° et une classification au-delà de 3,5 km. La neutralisation repose sur les grenades airburst fournies par Rheinmetall et programmées en amont du tir sur le tourelleau téléopéré Kongsberg. Cinq grenades sont tirées pour générer un rideau de fer suffisant. Une consommation contrebalancée par la capacité emport du véhicule, fixée à 10 caisses de 32 grenades. L’offre s’avère aujourd’hui suffisante pour former près d’une centaine d’utilisateurs de fusils brouilleurs, une quarantaine d’opérateurs du MILAD et une cinquantaine de servants d’ARLAD lors de stages allant de 2 jours à 3 semaines selon la complexité de l’outil. Qu’importe le système, l’instruction théorique se conclut systématiquement par une campagne de tir. Si le pas de tir de Naouas appartient à la DGA EM, le CNEF dispose de 44 créneaux de tir par an constituants autant d’écoles à feux au profit des stagiaires.
L’avènement du « Drone it yourself »
« Pour faire de la LAD ou de la LATTA, il nous faut des drones cibles en quantité. Cela impose qu’elles soient à bas coûts », constate le chef de corps du 17ème GA. Chronophage et coûteuse, l’option industrielle a été écartée au profit de l’internalisation de la production. Un choix simple et agile, dicté par l’exigence d’un approvisionnement robuste et que le groupement avait déjà privilégié pour créer le drone SQ 20. Mais ce produit de l’aéromodélisme, robuste et qualifié comme drone à voilure fixe depuis 2021, ne suffit plus pour répondre à l’explosion du besoin. Il faut désormais produire en masse, ce que le 17ème GA permet par la création d’un atelier d’impression 3D et d’assemblage de drones multirotors au sein du CNEF, « dans la droite ligne de cette ébullition permanente voulue par le CEMAT et dans laquelle les chefs de corps sont aussi acteurs de l’innovation et pousse le curseur« .
« Pour nous, les domaines LAD et drones ne sont pas dissociables ». Le 17ème GA forme donc aussi les télépilotes du SL 450 NG. L’offre est, une fois encore, originale. Quand il arrive dans les Landes, le télépilote consacre la première semaine à construire le drone avec lequel il apprendra ensuite à télépiloter. Deux semaines plus tard, il repart en unité avec un kit de formation à la lutte antidrones (KILAD), résultat d’un an de travail et financé par la STAT. Cette caisse (fournie par BRC – Baie Rack Caisson) contient deux drones en kit, une télécommande et l’environnement nécessaires pour permettre au régiment de s’entrainer en autonomie.
Le succès du SL 450 NG n’est pas sans conséquences, heureusement positives. Rapidement repéré par les échelons supérieurs, ceux-ci poussent désormais à élargir sa diffusion à certains centres d’entrainement spécialisés du COMECIA pour conférer davantage de réalisme à la préparation opérationnelle de l’armée de Terre. La bascule amène néanmoins de nouvelles questions de financement et de volume. Élargir le champ à l’ensemble de l’armée de Terre exige de revoir l’enveloppe et de réfléchir aux vecteurs contractuels. « Nous ne sommes pas une usine », rappelle un chef de corps qui, pour amorcer le passage à l’échelle, a su mobiliser la ferme d’imprimantes de la 13ème Base de soutien du Matériel (BSMAT) de Tulles, capable de produire 150 drones en quelques mois. Le 17ème GA va un cran plus loin. Avec l’appui de la STAT, il a mis sur rail l’idée d’une fabrique autonome mobile. Avec ses 10 imprimantes 3D intégrées, cette micro-usine sera dimensionnée pour sortir jusqu’à 80 drones par semaines au plus près des utilisateurs. Elle sera livrée le mois prochain sous la forme d’un démonstrateur. « Le temps d’après, après celui des RETEX, sera peut-être celui d’une nouvelle expression de besoin pour trois autres exemplaires pour parvenir à mailler le territoire national ».
Prolifération oblige, le 17ème GA s’approprie progressivement la problématique des drone FPV, ces systèmes pilotés en vue subjective souvent dotés d’une charge militaire. Un premier parcours pour débutants est en place à Naouas, un autre dédié aux pilotes confirmés est en projet. Le tout s’accompagne d’une poignée de simulateurs fournis par TRYP FPV et installés dans l’atelier drone. Aujourd’hui générique, l’environnement simulé devrait s’enrichir de la numérisation du pas de tir de Naouas, opération réalisée avec l’appui du 28e groupe géographique. Il faudra au minimum 30 h de formation pour entrer dans la boucle de l’armée de Terre. Un parcours d’entraînement doit bientôt voir le jour sur la plage du champ de tir de Naouas en s’appuyant sur des obstacles existants, comme les bunkers disseminés ici ou là, et sur de nouveaux obstacles installés.
Une participation à la densification des capacités anti-drones/anti-aérienne de l’armée de Terre appelée à fortement se poursuivre
S’inscrivant dans la feuille de route du dernier Ordre général à l’armée de Terre (2023 – 2030), le 17è GA se saisit donc à son niveau du besoin de massification des capacités émergentes ou critiques, comme la LAD et la DSA. Avec notamment les crédits de réactivité, garantissant un usage décentralisé de financements par les chefs de corps au profit de l’innovation de leurs unités, il s’agit d’accompagner « la saisie d’opportunités de l’armée de Terre pour accélérer autant que possible sur ces sujets, et cela de manière agile ». Entre nouveaux équipements arrivants à court terme, détournements de capacités existantes et plan d’équipements à plus long terme, les capacités LAD et DSA de courte portée vont grandement évoluer au sein des forces terrestres. Comme centre d’évaluation et de formation, mais aussi comme aiguillon sur ces sujets, le 17ème GA compte bien tenir tout son rôle.
Ainsi, les premières réflexions d’expression de besoins en infrastructures sont lancées sur l’accueil à Biscarosse des matériels de la génération Scorpion, notamment le blinde 4×4 Serval qui sera décliné en des versions accueillant des systèmes missiles portatifs de défense anti-aérienne à l’arrière ou en tourelle, et des versions, avec une approche distribuée, de détection de drones ou de neutralisation de drones. Des premiers exemplaires viendront renforcer et compléter dans les prochains mois le parc actuel du 17è GA composé de 2 VAB ARLAD, 8 VAB TOP et 6 VAB T20. Le Serval équipé d’un canon de 30 mm devrait être disponible à l’horizon 2027-2028, sorte de Standard 3 du VAB ARLAD. Les gabarits de tirs du champ de tir de Naouas (8 km de profondeur et 5.800 mètres de flèche), ainsi que les infrastructures (pas de tirs, hébergements, ciblerie…) permettent d’envisager la formation et l’entraînement sur un tel système.
Plus largement, les réflexions se poursuivent sur la LAD dite non spécialisée, au sein de chacune des unités de l’armée de Terre, sujet pris à bras le corps par l’Ecole d’Infanterie. D’autres interlocuteurs indiquent ainsi que sont étudiées les capacités que pourraient apporter les TOP de la gamme Hornet (T1, T2 ou T3), avec l’adjonction de moyens de détection, de tracking, de brouillage, et de neutralisation, pour qu’une capacité de riposte face à une menace drones élémentaire soit disponible au sein de chaque section déployée. Avec sa connaissance du sujet, le 17ème GA apporte son expérience et ses recommandations sur cet enjeu central de survivabilité sur le champ de bataille moderne. Des réponses techniques doivent être apportées à un horizon de 6 mois – 18 mois pour l’équipement d’un tourelleau capable de détruire un drone à 900 mètres environ. « Ce ne seront pas forcément des tourelleaux en plus, mais des options levées bien plus tôt, en plus des crédits de R&D pour parvenir à une solution quasi 100% mature rapidement », était-il indiqué lors du dernier salon Eurosatory. Comme dit alors par un autre responsable : « L’équipementier qui pourrait voir sa solution retenue est vraiment celui qui proposera une solution rapidement. Si vous avez quelque chose en stock de finalisé ou quasi finalisé, c’est le moment de proposer, et vite ».
Un acteur au cœur de la TF LAD mise en place pour encore un peu plus accélérer au niveau interarmées
Les réponses à ces menaces sont prises à bras le corps par la Task Force sur la Lutte anti-drones (TF LAD) mise en place début 2024 par l’état-major des armées (EMA), et qui vise notamment à « stresser les industriels en leur demandant ce qu’il est possible de faire très rapidement via des partenariats d’innovation » pour développer des capacités complètes (équipements, doctrine, formation, maintenance…). En plus d’être disponibles rapidement, les solutions visées doivent avoir une forte approche incrémentale (pour commencer avec certains standards, puis faire évoluer rapidement les capacités), et « une architecture ouverte zonale », c’est-à-dire sur certaines parties du système, comme ce qui est fait dans le domaine de l’automobile, pour évoluer rapidement avec les dernières innovations et s’intégrer rapidement à l’existant. Il s’agit de chercher des points de passages intermédiaires avec un certain niveau de succès, puis d’améliorer les réponses, tout en les diffusant largement au sein des forces.
Toujours avec cette culture de l’innovation permanente, d’autres sujets sont aussi regardées par le 17ème GA, comme la LAD du combattant débarqué. Il est exploré l’usage des brouilleurs portatifs, l’utilisation des fusils à pompe de calibre 12 avec des munitions adaptées dans le cadre d’une LATTA de nouvelle génération, le couplement en LATTA de l’armement individuel et des armes de bord (avec des premières séances d’entrainement à venir mixant conduite et tirs avec l’armement de bord du VBCI ou du Serval), les capteurs passifs, les moyens de défense passifs comme les filets, etc. Cela sera aussi le cas pour le renforcement des moyens LAD face aux essaims de drones et aux drones FPV, comme vu plus haut.
En somme, le travail ne manquera pas pour rester un aiguillon dans le domaine. Il s’agira alors « d’être prêt à la guerre qui vient », autant que possible, pour reprendre les termes maintes fois répétés du chef d’état-major de l’armée de Terre.
Auteur : noreply@blogger.com (F de St V)
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