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L’armée de l’Air et de l’Espace envisage de faire de l’A400M un « avion de combat lourd » – Zone Militaire

Initialement, la France s’était engagée auprès d’Airbus à acquérir cinquante avions de transport A400M « Atlas ». Seulement, promulguée en août 2023, la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 a réduit le nombre d’appareils devant être livrés à l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] à « au moins trente-cinq », à l’horizon 2035. Depuis, ce texte a été amendé, le ministère des Armées ayant indiqué, en mars dernier, que l’objectif était de disposer de trente-sept exemplaires en 2030.

Mais il n’est pas impossible que, finalement, le nombre d’A400M commandés aille au-delà des cinquante appareils prévus au lancement du programme.

En avril, le Délégué général pour l’armement [DGA], Emmanuel Chiva, a en effet estimé que la « question du remplacement des flottes de C-130 [Hercules] par des livraisons anticipées d’A400M [méritait] d’être posée ». Ce qui pourrait se traduire par la commande de dix-huit appareils supplémentaires, l’AAE disposant actuellement de quatorze C-130H et de quatre C-130J.

Cela étant, pour l’AAE, le potentiel de l’A400M est encore sous-exploité. Aussi envisage-t-elle de lui confier des missions autres que celles liées au transport tactique et au ravitaillement en vol. En clair, l’idée serait d’en faire un appareil multirôle.

C’est en effet ce qu’a expliqué le colonel Bastien Cardot, le responsable du développement capacitaire « avions de transport et hélicoptères » au sein de l’état-major de l’AAE, dans les pages du hors-série n°102 du magazine DSI.

« L’expérience acquise sur le terrain a révélé un potentiel sous-exploité de l’A400M qui pourrait en faire un précieux complément des chasseurs pour certaines missions, face à une menace de plus en plus dense et complexe. De nouvelles capacités permettraient de répondre à un enjeu de ‘masse’, facteur déterminant dans les conflits futurs », avance le colonel Cardot.

Pouvant être ravitaillé en vol, l’A400M peut assurer une « présence durable » au-dessus d’une zone donnée ou parcourir 9 000 km en douze heures de vol [sans ravitaillement] et être mis en œuvre depuis tout type de terrain avec une faible empreinte logistique. Il a également la capacité de voler en mode automatique à 500 pieds [152 mètres d’altitude], y compris dans des conditions de faible visibilité [« une première pour un avion de transport militaire », souligne Airbus].

En outre, selon le colonel Cardot, « sa puissance électrique, avec quatre moteurs TP400 de 11 000 ch chacun, permet une évolutivité grâce à sa réserve d’énergie [armes à énergie dirigée, serveurs et relais de communication en vue du futur combat cloud] ».

De telles capacités pourraient ainsi être exploitées pour, par exemple, appuyer les troupes au sol dans des environnements peu contestés, à l’image des AC-130 « Gunship » américains. L’A400M « pourrait larguer des effecteurs cinétiques tels que des missiles de courte portée ou des bombes guidées placés en soute ou sous voilure », avance le colonel Cardot. « La délivrance du feu étant l’aboutissement d’une chaîne de décisions complexes – détection, identification, classification, destruction -, le développement d’une capacité de ciblage, de surveillance et de renseignement embarquée est un prérequis essentiel. Cette évolution est en cours d’étude sur les avions français », poursuit-il.

Sur ce point, l’AAE ne part pas d’une feuille blanche : les Transall C-160 de l’escadron 3/61 Poitou étaient dotés d’une capacité dite C3ISTAR [Command, Control, Communication Intelligence, Surveillance, Target Acquisition and Reconnaissance], laquelle reposait sur boule optronique jour/nuit avec désignateur laser et console d’exploitation des images pour justement effectuer des missions de surveillance, renseignement, ciblage et reconnaissance.

Par ailleurs, la PME Turgis & Gaillard mène le projet SSA-1702 NITRATHE, lequel vise à installer une nacelle de reconnaissance, de ciblage et de transmission sous la voilure d’un A400M.

Cela étant, l’AAE envisage de confier à l’Atlas des missions allant au-delà de l’appui aux manœuvres terrestres dans les environnements permissifs.

« L’A400M peut être envisagé pour contribuer à des missions de frappe de précision dans la profondeur au cours d’opérations aériennes d’envergure, y compris à proximité d’espaces aériens non permissifs », soutient le colonel Cardot. Ainsi, l’intégration « d’effecteurs à bas coût produits en série » permettrait de produire une « masse de feu capable de saturer les systèmes de défense ennemis et d’assurer une frappe de précision à longue portée efficace ».

Dès lors, l’A400M deviendrait un « avion de combat lourd », capable de « larguer un quantité importante d’effecteurs à distance des menaces sol-air adverses [stand-off] », résume l’officier. Il pourrait contribuer à la neutralisation des systèmes de défense aérienne ennemis [SEAD] en effectuant des missions de guerre électronique offensive et/ou de saturation ou en lançant des missiles de croisière et des effecteurs connectés.

« Les gros porteurs armés seraient ainsi en mesure de délivrer des frappes de précision partout dans le monde, en masse, sous faible préavis, avec une empreinte logistique quasi nulle, en accompagnement d’un raid ou en autonomie. Ils permettraient de porter le feu par les airs de manière inattendue, en tout temps et en tout lieux », résume le colonel Lardot, pour qui, cependant, le passage d’un A400M multimissions à un A400M multirôle présentera de « nombreux défis », notamment pour la formation des équipages.

Photo : AAE / EMA



Auteur : Laurent Lagneau

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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