L’Allemagne va-t-elle livrer des missiles Taurus à l’Ukraine sans restriction d’emploi ? – Zone Militaire
En novembre, l’administration du président Biden avait autorisé l’Ukraine à utiliser le système d’artillerie M142 HIMARS [High Mobility Artillery Rocket System] pour tirer des missiles balistiques MGM-140 ATACMS [Army TACtical Missile System], d’une portée de 300 km, contre des cibles militaires situées en Russie. Jusqu’alors, l’emploi de ce type de munition était restreint aux territoires ukrainiens occupés par les forces russes.
Cela étant, cette autorisation n’aurait concerné que la seule région de Koursk, laquelle était partiellement contrôlée par l’armée ukrainienne, à l’issue d’une offensive « surprise » lancée en août 2024. Il fut avancé que la décision de l’administration américaine avait été motivée par la présence de troupes nord-coréennes aux côtés des forces russes.
« Les médias parlent beaucoup de l’autorisation que nous avons reçue pour mener ces actions. Mais les frappes ne se font pas par des mots. De telles choses ne sont pas annoncées. Les missiles parleront d’eux-mêmes. Ils le feront certainement », avait ensuite commenté Volodymyr Zelenski, le président ukrainien.
Après ce feu vert américain, la France cultiva une certaine ambiguïté au sujet de l’emploi des missiles de croisière air-sol SCALP EG fournis à la force aérienne ukrainienne. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, s’était contenté de rappeler qu’autoriser des frappes « sur des cibles depuis lesquelles les Russes attaquent le territoire ukrainien » demeurait une option.
De son côté le Royaume-Uni ne fit pas de commentaire. Cependant, le 20 novembre, les forces ukrainiennes utilisèrent une douzaine de missiles Storm Shadow [nom britannique du missile SCALP EG, ndlr] pour frapper un « important centre de commandement » russo-nord-coréen présumé.
Depuis, la question des restrictions d’emploi sur les munitions de longue portée livrées à l’Ukraine par la France, le Royaume-Uni et les États-Unis a été éclipsée par d’autres sujets, dont les négociations en vue de trouver un accord de cessez-le-feu entre Kiev et Moscou. Négociations qui, pour le moment, n’ont rien donné de probant, mis à part un échange de prisonniers entre les deux belligérants.
Or, ce 26 mai, le chancelier allemand, Friedrich Merz, a affirmé que les principaux pays partenaires de l’Ukraine, dont évidemment l’Allemagne, n’imposaient plus de restrictions sur l’emploi des armes fournies à l’armée ukrainienne.
« Il n’y a plus de limites de portée pour les armes qui ont été livrées à l’Ukraine. Ni par les Britanniques, ni par les Français, ni par nous [les Allemands, ndlr]. Ni par les Américains », a en effet déclaré M. Merz, lors d’un entretien donné à la télévision publique WDR. « Cela signifie que l’Ukraine peut désormais se défendre, par exemple en attaquant des positions militaires en Russie […] ce qu’elle ne faisait pas il y a quelque temps, à quelques exceptions près. Elle peut le faire maintenant », a-t-il ajouté.
Jusqu’à présent, l’Allemagne n’a pas livré de missiles à longue portée, comme le KEPD-350 Taurus, à l’Ukraine. Et pour cause : soucieux d’éviter une « escalade » avec la Russie, le prédécesseur de M. Merz, Olaf Scholz, s’y était constamment opposé, malgré les pressions exercées par les partis membres de la coalition qu’il dirigeait [Die Grünen et le Parti libéral démocrate, ndlr].
Avant d’être confirmé à la tête du gouvernement allemand, M. Merz s’était dit ouvert à l’idée de fournir des missiles KEPD-350 Taurus à l’Ukraine. « Cela doit se faire en coopération avec nos partenaires européens. […] Cela doit être coordonné et si c’est coordonné, alors l’Allemagne devrait y participer », avait-il expliqué, en avril dernier. Et d’ajouter : « L’armée ukrainienne doit sortir de la défensive. En cas d’attaque, elle doit par exemple pouvoir détruire la liaison terrestre entre la Russie et la Crimée ». Liaison qui ne peut qu’être le pont de Kertch.
Pour rappel, doté d’une charge Mephisto [Multi-Effect Penetrator, HIgh Sophisticated and Target Optimised] de 495 kg, le KEPD-350 Taurus peut atteindre une cible située 500 km de distance de son point de tir, à la vitesse maximale de Mach 0,95.
Quoi qu’il en soit, le Kremlin n’a pas tardé à réagir aux propos du chancelier allemand. « Si cette décision a vraiment été prise, elle va absolument à l’encontre de nos aspirations à entrer dans un règlement politique […] Et donc c’est une décision assez dangereuse », a commenté Dmitri Peskov… alors que les forces russes ont lancé plus de 900 drones contre l’Ukraine au cours de ces dernières soixante-douze heures.
Cela étant, la réaction de M. Peskov aura été plus mesurée que celle exprimée par le ministère russe des Affaires étrangères après les propos tenus par M. Merz en avril. « Une frappe avec ces missiles contre des installations russes […] sera considérée comme une participation directe de l’Allemagne aux hostilités au côté du régime de Kiev, avec toutes les conséquences que cela implique », avait-il prévenu.
Auteur : LEONARD
Aller à la source