La France s’appuie-t-elle trop sur sa dissuasion nucléaire pour assurer sa sécurité stratégique ?
Il n’y a de cela que quelques années encore, l’hypothèse qu’un pays disposant d’une dissuasion nucléaire, puisse être attaqué militairement, sur son territoire, par une autre puissance militaire qui, elle, n’en serait pas dotée, semblait tenir du fantasme, ou plutôt du cauchemar.
Depuis trois ans, maintenant, il semble que nombre de ces certitures, qui entourait le rôle et l’efficacité de la dissuasion, particulièrment en France, aient été taillés en brèche, que ce soit par le conflit en Ukraine ou ceux au Moyen-Orient et en Asie.
Dans le même temps, une nouvelle menace stratégique conventionnelle cette fois, et non nucléaire, a fait son grand retour dans les engagements militaires, sur fonds de technologies numériques, spatiales et de fabrication industrielle, permettant de produire en grande quantité, et pour un cout ne reprenant qu’une fraction de celui des missiles de croisière actuels, des capacités de frappes conventionnelles à longue portée.
Susceptibles de mettre à genoux un pays développé, en détruisant une grande partie de ses infrastructures d’intérêt stratégique en quelques jours seulement, ces moyens sont à présent accessibles à un grand nombre de nations, sans que la dissuasion nucléaire puisse y répondre, et donc l’empêcher.
La question qui se pose, alors, est de savoir si la France, qui a beaucoup misé sur cette dissuasion nucléaire, est effectivement exposée à ces nouvelles menaces ? Qu’en est-il des pays européens qui souhaitent être, eux aussi, protégés par la dissuasion française ? Enfin, quels seraient les moyens nécessaires pour y répondre et, ainsi, disposer d’une dissuasion étendue contre toutes les menaces symétriques sur le sol national ?
La dissuasion nucléaire, un outil unique et indispensable à la France et à l’Europe
Comme le montrent les discussions récentes, en Europe, au sujet de l’extension potentielle de son périmètre à d’autres pays alliés, avec le spectre d’un éventuel retrait des États-Unis de ce théâtre, la dissuasion française représente, aujourd’hui, un enjeu stratégique et central, tant pour la sécurité du pays que celle du continent.
En effet, face à la menace d’un pays disposant de près de 1600 vecteurs nucléaires, les quelque 250 à 300 têtes nucléaires tricolores, emportées par ses quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins et ses deux escadrons de frappe stratégique, représentent une capacité nécessaire, mais aussi suffisante, pour contenir la menace nucléaire de n’importe quel adversaire, y compris les plus lourdement armés dans ce domaine.
Rappelons, à ce titre, que contrairement aux rapports de forces conventionnels, qui reposent presque exclusivement sur la comparaison des moyens détenus entre les parties, pour déterminer un résultat probable, et donc, envisager leur utilisation, l’efficacité des armes nucléaires reposent, elle, sur des effets de seuils.
Ainsi, bien qu’ayant huit fois moins de têtes nucléaires actives que la Russie, la France dispose, toutefois, d’un potentiel de destruction représentant de 50 à 75% de la population et 80 à 100% des 62 grandes villes russes de plus de 300,000 habitants, sans que les systèmes antimissiles de l’adversaire soient en mesure de s’y opposer, autre que marginalement.
En d’autres termes, si la Russie peut éliminer 38 fois les 42 villes de plus de 100,000 habitants françaises, elle aura, en retour, la certitude d’y perdre ses 62 villes de plus de 300,000 habitants, et avec elles, son économie et sa structure sociale et politique. Même en étendant le périmètre de la dissuasion française à l’ensemble de l’Union européenne, soit 90 villes de 300,000 habitants ou plus, les destructions potentielles pour la Russie (ou la Chine, ou les États-Unis, peu importe l’adversaire potentiel), sont telles, qu’elles éliminent toute possibilité de victoire, pour l’assaillant.
Il s’agit, en effet, du fondement de la dissuasion française, et de son dimensionnement, qui reposent sur le principe de la stricte suffisance, c’est-à-dire atteindre le seuil au-delà duquel un adversaire n’a plus aucun intérêt à user de ses armes nucléaires contre la France ou ses alliés stratégiques, sans y perdre bien plus que soutenable.
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Auteur : Fabrice Wolf
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