Israël bombarde les abords du palais du président syrien Ahmed al-Charaa, accusé de « génocide » des Druzes
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Le Nouvel Obs avec AFP
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Le palais présidentiel syrien, à Damas, le 8 décembre 2024. HAFFAR/DEJA VU/SIPA
Israël a mis sa menace à exécution, ce vendredi 2 mai, en bombardant les abords du palais présidentiel à Damas, après que le chef de la minorité druze, protégée par le pouvoir israélien, a accusé le pouvoir du nouveau président syrien Ahmed al-Charaa de « génocide ». A l’aube ce vendredi, « des avions de combat ont frappé les environs du palais » présidentiel à Damas, a annoncé l’armée israélienne sur Telegram.
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« C’est un message clair envoyé au régime syrien. Nous ne permettrons pas que des forces [syriennes] soient dépêchées au sud de Damas ou menacent de quelque manière que ce soit la communauté druze », ont martelé dans un communiqué, publié en anglais par le journal « Times of Israel », le Premier ministre Benyamin Netanyahou et son ministre de la Défense Israël Katz.
Jeudi soir, le plus influent chef religieux druze en Syrie, cheikh Hikmat al-Hajrin, avait dénoncé une « campagne génocidaire injustifiée » visant des « civils » de sa communauté, après des affrontements confessionnels en début de semaine qui ont fait plus de 100 morts selon une ONG. Le chef religieux druze avait réclamé « une intervention immédiate de forces internationales » et Israël – voisin de la Syrie avec laquelle il est en état de guerre et qui a pris fait et cause pour les Druzes – avait aussitôt menacé de répondre « avec force » si Damas ne protégeait pas cette minorité religieuse.
« Un gouvernement ne tue pas son peuple »
Des heurts à proximité et au sud de Damas entre combattants druzes et groupes armés liés au pouvoir sunnite du président Ahmed al-Charaa illustrent l’instabilité persistante en Syrie, près de cinq mois après le renversement du dictateur Bachar al-Assad, issu de la minorité alaouite.
« Nous ne faisons plus confiance à une entité qui prétend être un gouvernement. […] Un gouvernement ne tue pas son peuple en recourant à ses propres milices extrémistes, puis, après les massacres, en prétendant que ce sont des éléments incontrôlés », avait dénoncé le cheikh druze.
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L’ONU a exhorté « toutes les parties à faire preuve d’un maximum de retenue » et la diplomatie américaine a fustigé « les dernières violences et la rhétorique incendiaire » antidruzes « répréhensibles et inacceptables ».
Des combats cette semaine à Jaramana et Sahnaya, où vivent des chrétiens et des Druzes, ainsi qu’à Soueïda, ville à majorité druze, ont réveillé le spectre des massacres qui avaient fait début mars plus de 1 700 morts, en grande majorité des membres de la minorité alaouite, dans l’ouest du pays.
Ces violences avaient été déclenchées par des attaques de militants pro-Assad contre les forces de sécurité du nouveau pouvoir. Mercredi déjà, l’armée israélienne avait frappé près de Damas, en forme « d’avertissement » contre un « groupe extrémiste qui se préparait à attaquer la population druze de la ville de Sahnaya », selon Benyamin Netanyahou.
Le pouvoir syrien assure vouloir « protéger » les Druzes
Les Druzes sont une minorité de l’islam chiite. Ses membres sont répartis entre le Liban, la Syrie et Israël. « Nous sommes une partie inaliénable de la Syrie », a souligné un porte-parole du rassemblement des autorités religieuses, chefs traditionnels et groupes armés druzes à Soueïda, ajoutant que la communauté rejetait « toute division » du pays.
Les combats en Syrie ont été déclenchés lundi soir par une attaque de groupes armés affiliés au pouvoir contre Jaramana, après la diffusion sur les réseaux sociaux d’un message audio attribué à un Druze et jugé blasphématoire à l’égard du prophète Mahomet. L’Agence France-Presse n’a pas pu vérifier l’authenticité du message. Les autorités syriennes ont accusé des éléments échappant à son contrôle d’avoir provoqué les violences.
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Selon un bilan de l’Observatoire syrien des Droits de l’Homme, ces affrontements ont fait 102 morts, dont 30 membres des forces de sécurité et combattants affiliés, 21 combattants druzes et 11 civils à Jaramana et Sahnaya. Dans la province de Soueïda, 40 combattants druzes ont péri, dont 35 dans une embuscade, d’après l’ONG.
A Jaramana, des accords entre représentants des Druzes et du pouvoir avaient permis de rétablir le calme mardi soir, de même mercredi soir à Sahnaya, à 15 kilomètres au sud-ouest de Damas, où des forces de sécurité ont été déployées. Et le pouvoir syrien avait réaffirmé son « engagement ferme à protéger toutes les composantes du peuple syrien, y compris la communauté druze ».
Dès la chute de Bachar al-Assad le 8 décembre 2024, renversé par une coalition de factions rebelles islamistes dirigée par Ahmed al-Charaa après plus de treize ans de guerre civile, Israël a multiplié les gestes d’ouverture envers les Druzes, cherchant, selon l’analyste indépendant Michael Horowitz, à se ménager des alliés dans le Sud syrien à un moment où l’avenir de ce pays reste incertain.
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