« Il y avait tous les grands résistants, et moi. » Ancienne dactylo du général de Gaulle, elle partage ses souvenirs
Entre 1947 et 1949, Jacqueline Journaud a travaillé pour le RPF, le parti fondé par le général de Gaulle, qu’elle a pu côtoyer toutes les semaines. À 97 ans, elle veut désormais partager ses souvenirs.
« J’ai connu des moments indélébiles, inoubliables. » Dans son petit appartement d’une maison de retraite rochelaise, Jacqueline Journaud conserve ses quelques reliques d’une époque vieille de près de 80 ans, la Libération et son tout premier emploi, auprès du général de Gaulle. Un portrait de l’Homme du 18 juin et son contrat de travail pour le Rassemblement du Peuple Français (RPF), avec un modique salaire de 242 francs par mois.
Pour ce chapitre de sa vie, les traces matérielles sont rares, mais dans sa mémoire toujours vive, les souvenirs se bousculent. « Un jour, on me dit ‘Mademoiselle, vous allez vous rendre au 84 rue Henri Martin, une femme va vous ouvrir, et vous la suivrez’« , se remémore-t-elle. « Je la suis, elle me met devant une machine à écrire et me dit de taper, toute la journée. » Elle raconte avoir dû partir à 19 heures, et s’engouffrer dans le métro sans se retourner. Quant à l’objet précis de cette mission, elle reste discrète : « Je n’ai jamais su ! Elle me dictait, je tapais, et on ne m’a pas donné le truc à relire. C’était le truc à l’époque, bouche cousue ! »
Le contrat de travail de Jacqueline Journaud, secrétaire au sein du RPF entre 1947 et 1949.
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© Quentin Gilles – France Télévisions
Elle apprendra le lendemain, que la femme qui lui faisait la dictée était Madame Soustelle, l’épouse de Jacques Soustelle, ministre des Colonies du gouvernement de Gaulle II, puis secrétaire général du RPF à partir de 1947.
J’ai bien démarré dans la vie avec le général de Gaulle, j’aimerais terminer de la même façon, qu’on parle de moi et du Général.
Jacqueline JournaudAncienne secrétaire du général de Gaulle
Jacqueline Journaud aura passé deux ans au service du général de Gaulle. En 1947, alors âgée de 19 ans, sa famille quitte Troyes où elle a vécu pendant la guerre, pour emménager en région parisienne. Son père, fonctionnaire de police, lui intime de trouver un travail : « Comme il était dans la mondaine (l’ancien nom de la brigade de répression du proxénétisme, NDLR.), il m’a dit ‘Je ne veux pas te voir traîner sur les trottoirs !’«
Grâce à des connaissances, elle rencontre le colonel Robert, et le convainc de l’embaucher avec un argument audacieux : « J’ai dit au colonel, ‘Vous savez, moi, à 12 ans, j’écoutais [Radio] Londres, mon père me l’interdisais mais j’écoutais !’ J’étais jeune, j’avais du culot », sourit-elle.
Je n’ai jamais su ! Elle me dictait, je tapais, et on ne m’a pas donné le truc à relire. C’était le truc à l’époque, bouche cousue !
Jacqueline JournaudAncienne secrétaire du général de Gaulle
Jusqu’en 1949, elle travaille donc comme secrétaire. Au sortir de la guerre, elle se souvient des nombreux Français qui se pressaient pour proposer des financements au jeune parti politique, et des journalistes venus de toute la France. « Alors il fallait taper des listes. »
Son travail au sein du RPF est alors ponctué des visites hebdomadaires du général de Gaulle, tous les mercredis.« Il y avait tous les grands résistants, et moi », raconte-t-elle. « Comme j’avais 19 ans, j’étais la dernière, en queue de peloton, alors on disait ‘Bonjour mon Général’, mais moi j’avais ordre de dire ‘Général’ tout court, ‘Bonjour Général’.«
« Le général, il en imposait, il était austère, il avait de l’entregent, des principes rigides, sévères, il m’impressionnait, surtout moi qui avais vécu cinq ans sous la terreur, la peur au quotidien », rapporte-t-elle.
Après avoir travaillé pour le RPF, Jacqueline Journaud est devenue mannequin pour de grands couturiers.
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© Quentin Gilles – France Télévisions
En 1949, la jeune Jacqueline prend son envol et découvre un autre monde, celui de la mode. « Toute ma vie j’ai vécu dans une cage dorée. J’ai fait mannequin, on m’a tout de suite prise. » Elle pose et défile alors pour les grands couturiers, et se hasarde même sur la scène des Folies Bergères. Vient ensuite le mariage, un premier à la frontière suisse, puis un second avec un Charentais.
Désormais au bord de l’Atlantique, alors que La Rochelle fête les 80 ans de la Libération, Jacqueline Journaud tient à partager ses souvenirs, non sans émotion : « J’ai bien démarré dans la vie avec le général de Gaulle, j’aimerais terminer de la même façon, qu’on parle de moi et du Général. »
Auteur : Morgane Jacob
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