Helsing et Saab ont testé avec succès une solution de combat aérien autonome installée à bord d’un Gripen E – Zone Militaire
Aux États-Unis, la DARPA, l’agence du Pentagone dédiée à l’innovation, et l’Air Force Laboratory Research [AFRL] mènent respectivement les projets ACE [Air Combat Evolution] et AACO [Autonomous Air Combat Operations] afin de développer des algorithmes d’intelligence artificielle [IA] pour le combat aérien.
Les essais en vol de ces deux solutions, effectués avec un X-62A VISTA [Variable In-flight Simulation Test Aircraft], c’est-à-dire un F-16 modifié, ont donné des résultats encourageants, que ce soit pour le combat aérien à portée visuelle ou au-delà la portée visuelle [BVR – Beyond Visual Range].
En Europe, et en particulier en France, de tels projets sont compliqués à mettre en œuvre, à cause notamment de la réglementation en matière de sécurité aérienne. Ce que le directeur de l’Agence ministérielle de l’intelligence artificielle de défense [AMIAD], Bertrand Rondepierre, avait déploré lors d’une audition parlementaire, en février dernier.
« Il y a des acteurs qui proposent de faire des démonstrations. J’ai voulu savoir si l’on pouvait faire voler quelque chose. Puisque ça fonctionne, allons-y, dès 2025. Là, on tombe dans le ‘oui mais c’est compliqué’ parce qu’il faut faire voler un avion et il y a des questions de sécurité », avait-il en effet expliqué. Et d’ajouter : « S’il y a deux ou trois questions qui se posent, je pense que ce n’est pas une excuse. Ce n’est pas ça qui doit nous ralentir. Mais on se heurte à des pratiques qu’on doit traiter en tant que telles ».
Quoi qu’il en soit, le groupe Helsing, qui se rêve en « MBDA » de l’IA de défense, vient de frapper un grand coup en testant avec succès sa solution de combat aérien autonome « Centaur », installée à bord d’un avion JAS-39 Gripen E, dans le cadre d’une coopération nouée avec le constructeur suédois Saab.
Ainsi, via un communiqué publié ce 11 juin, les deux groupes ont annoncé « le succès de l’intégration et de l’essai en vol de Centaur, l’IA d’Helsing pour le combat aérien autonome », à l’issue d’essais réalisés le 28 mai et le 3 juin, au-dessus de la mer Baltique.
Au cours de ces derniers, Centaur a pris le contrôle d’un avion de série Gripen E pour « exécuter des scénarios complets » de combat aérien au-delà de la portée visuelle. Un pilote était à bord pour reprendre les commandes . Un second Gripen, piloté, a tenu le rôle de plastron.
Plus précisément, après avoir été activé par le pilote, l’algorithme Centaur a pris le contrôle total du système d’arme du Gripen E pour « conduire des manœuvres de combat complexes ».
Ce logiciel d’IA « assimile la situation tactique fournie par les capteurs du Gripen, planifie, manœuvre, engage l’adversaire et esquive les menaces. Le pilote, en position de superviseur, peut reprendre le contrôle de l’avion à tout moment » explique Helsing.
Moins de six mois se sont écoulés entre la conception et ces premiers vols. Et cela grâce à « l’architecture moderne du Gripen E, qui permet l’intégration rapide d’algorithmes avancés, y compris d’intelligence artificielle, sans remettre en cause la navigabilité de l’aéronef », font valoir Helsing et Saab.
Selon Antoine Bordes, responsable de l’IA chez Helsing, Centaur met « l’apprentissage par renforcement [RL] au service du combat aérien, offrant des performances inédites et ouvrant une nouvelle ère pour la collaboration homme-machine ».
En effet, a-t-il poursuivi, « entraîné massivement au sein de la RL factory d’Helsing, Centaur engrange des décennies d’expérience virtuelle dans le combat aérien en quelques heures, créant ainsi des systèmes d’IA opérationnels et évolutifs ». Ce qui fait cet algorithme « offre des capacités cognitives dignes de celles de pilotes aguerris pour opérer des avions d’armes durant des missions complexes ».
Ayant récemment obtenu le statut de « société européenne », Helsing va pouvoir accélérer le développement de ses solutions dédiées aux opérations aériennes après la reprise du constructeur aéronautique allemand Grob, avec lequel une coopération avait déjà été engagée pour la mise au point de CIRA, un algorithme d’IA permettant d’évaluer en temps réel les menaces liées à la guerre électronique à bord des avions de combat.
Auteur : Laurent Lagneau
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