Guerre en Ukraine : qui est Vladimir Medinski, chef de la délégation russe à Istanbul ?
Le fidèle de Poutine, ex-ministre de la Culture et idéologue du Kremlin, Vladimir Medinski, devant la cathédrale orthodoxe russe de la Sainte-Trinité, à Paris, le 15 septembre 2017. JOEL SAGET / AFP
Ancien ministre de la Culture russe et historien partisan de la glorification militaire, Vladimir Medinski est l’un des principaux idéologues de Vladimir Poutine.
Vladimir Poutine ne se rendra pas à Istanbul pour discuter avec les Ukrainiens. A la place, il a envoyé quatre émissaires, une délégation de « pure façade », selon son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky. Dans le détail, l’équipe de négociation russe est composée d’un vice-ministre des Affaires étrangères, d’un vice-ministre de la Défense et du chef du service de renseignement militaire russe. Pour diriger ces envoyés, c’est Vladimir Medinski qui a été choisi. Un fidèle de Poutine, ancien ministre de la Culture et historien aux vues nationalistes, qui s’était déjà illustré dès le début du conflit en Ukraine en 2022.
Monsieur Propagande de Poutine
A 54 ans, Vladimir Medinski n’est pas un spécialiste de la politique étrangère. Mais il est l’un des principaux idéologues – il est d’ailleurs surnommé « Propagandon » par l’opposition russe – et homme de confiance de Vladimir Poutine, au pouvoir depuis vingt-cinq ans.
Depuis le début de l’offensive russe lancée contre l’Ukraine le 24 février 2022, Vladimir Medinski a joué un rôle clé dans la propagande russe, en promouvant la rhétorique du Kremlin, notamment par le biais de manuels d’histoire diffusés dans les écoles et qu’il a cosignés.
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Vladimir Medinski est connu pour ses positions ultrapatriotiques sur l’histoire russe, sur laquelle il a écrit de nombreux ouvrages, remis en cause par de nombreux historiens pour leur révisionnisme. Ses écrits nient l’existence de l’Ukraine en tant que nation et avancent des revendications radicales sur son territoire. L’Ukraine fait « partie de la terre russe », affirmait-il ainsi dans une interview en 2023.
Glorification de l’Histoire russe
Né à l’époque de l’URSS à Smila, une petite ville dans la région ukrainienne de Tcherkassy, fils d’un militaire soviétique et d’une institutrice, Vladimir Medinski a fait ses études à la prestigieuse université des relations internationales MGIMO à Moscou où il s’est pris de passion pour l’histoire militaire russe. Il ouvre en 1992 son agence de publicité, puis poursuit sa carrière dans les services fiscaux, avant d’être élu en 2003 député du parti pro-Kremlin Russie unie à la Douma (Chambre basse du Parlement russe).
Il occupe ensuite de 2012 à 2020 le poste de ministre de la Culture. Vladimir Medinski est alors critiqué pour ses positions très conservatrices et son idée que les milieux culturels doivent être au service du patriotisme. Il souligne que la Russie doit « protéger » sa culture des errements supposés de la culture contemporaine européenne.
Sous son mandat, des bustes du dictateur soviétique Staline sont érigés dans plusieurs villes de Russie, y compris à Moscou en 2017, à l’initiative de la Société russe d’Histoire militaire, une organisation que Medinski dirige. La même année, des historiens portent plainte contre lui, exigeant que son diplôme d’histoire, obtenu en 2011, lui soit retiré. Sa thèse portant sur la Russie médiévale fourmille, selon eux, d’erreurs et d’inexactitudes.
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Vladimir Medinski a fait de la glorification de l’Histoire russe son cheval de bataille, multipliant les financements publics de projets allant dans ce sens. Promu depuis 2020 au poste de conseiller du président russe, il apparaît rarement dans les médias. Fin janvier, il avait présenté un nouveau manuel scolaire consacré à « l’histoire militaire de la Russie » destiné à apprendre aux adolescents que l’offensive en Ukraine a été lancée pour « défendre la population du Donbass », région russophone de l’est de l’Ukraine.
Un choix cohérent avec les volontés russes
En 2022, l’ex-ministre avait déjà pris part aux premières négociations infructueuses entre Russes et Ukrainiens, organisées en Biélorussie et en Turquie. Les négociations avaient échoué et le conflit a fait depuis des dizaines de milliers de morts civils et militaires des deux côtés.
Sa présence trois ans plus tard en Turquie conforte une position peu engagée vers la paix de la Russie. « En nommant le même chef de délégation, Poutine rappelle solennellement que le point de départ de la négociation pour les Russes, c’est l’accord de 2022 qui devait être conclu par un sommet Poutine-Zelensky », explique Jean de Gliniasty, ex-ambassadeur de France en Russie dans les colonnes du « Parisien ». L’expert assure que les conditions de la Russie n’ont pas changé : l’annexion des territoires occupés, l’assurance que l’Ukraine n’entrera pas dans l’Otan et ne développera pas son armée.
Finalement, Vladimir Medinski « incarne l’agenda que les Russes vont tenter d’imposer dans ces négociations », détaille le directeur-adjoint de l’Observatoire franco-russe Igor Delanoë à nos confrères du « Figaro ». Avant de préciser : « Les Ukrainiens veulent se mettre d’accord sur un cessez-le-feu avant toute négociation sur le fond, tandis que les Russes veulent discuter d’une résolution, tout en continuant le combat. »
Auteur : M. B.
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