Effort de défense : la France se désolidarise du reste de l’Europe à horizon 2030
La fin de semaine dernière s’annonçait prometteuse en matière d’annonces liées à l’effort de défense en Europe. En effet, à l’issue de la réunion des ministres de la Défense de l’OTAN, le 5 juin à Bruxelles, le secrétaire général de l’Alliance, Mark Rutte, a confirmé son ambition d’obtenir, lors du sommet de La Haye du 24 au 26 juin, un accord portant le seuil minimal d’investissement des pays membres de 2 % à 3,5 % du PIB à l’horizon 2030-2032, assorti de 1,5 % supplémentaires pour les infrastructures, l’industrie et les missions liées à la défense.
Et de fait, les annonces n’ont pas tardé. À travers toute l’Europe, chefs de gouvernement et ministres concernés se sont empressés de présenter leurs engagements : l’Allemagne promet 60 000 militaires supplémentaires, l’Italie envisage un porte-avions à propulsion nucléaire, et la Grande-Bretagne s’engage sur une trajectoire audacieuse de masse par la technologie, potentiellement décisive.
On pouvait donc espérer que l’interview accordée par le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, le 6 juin en Normandie aux chaînes du groupe TF1, viendrait enfin éclairer la position française. Malheureusement, comme depuis maintenant plus de trois mois, aucun élément concret n’a été annoncé. Rien, sinon une impression de plus en plus nette : la France semble bel et bien vouloir se tenir à l’écart des ambitions européennes…
Pour le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, la puissance militaire ne s’exprime pas en points de PIB
Interrogé sur LCI lors des commémorations du 6 juin, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, est revenu sur les déclarations faites par le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, à l’issue de la réunion des ministres de la Défense de l’Alliance, le 5 juin à Bruxelles.
Pour le secrétaire général de l’Alliance, l’accord capacitaire signé ce jour-là par l’ensemble des ministres constitue une étape essentielle. Mais selon lui, cet accord n’aura de réelle portée qu’à condition d’être complété, lors du sommet de La Haye prévu du 24 au 26 juin, par un second engagement, budgétaire cette fois, afin de porter l’effort de défense minimal à 3,5 % du PIB d’ici 2030 ou 2035, et même à 5 % si l’on inclut les 1,5 % d’investissements supplémentaires dédiés aux infrastructures, à l’industrie de défense et aux missions spécifiques.
C’est justement cette distinction que la France semble aujourd’hui vouloir tracer très nettement. Sur l’accord capacitaire, aucun problème — Paris y souscrit pleinement. Mais dès lors qu’il s’agit de transposer cet engagement capacitaire en trajectoire budgétaire contraignante, la position change du tout au tout. L’interprétation française devient alors limpide : l’OTAN ne dicte pas le budget de la France.
Interrogé à ce sujet, Sébastien Lecornu n’a donné aucun chiffre précis sur l’évolution de l’effort de défense national, ni sur sa potentielle adaptation aux ambitions annoncées par l’OTAN. Bien au contraire, dans un exercice de contorsion sémantique de plus en plus fréquent, il a reconnu que la France devra, probablement, dépenser davantage pour ses armées à l’avenir… tout en réintégrant immédiatement cette hausse dans la continuité de l’effort engagé depuis 2018, à travers la loi de programmation militaire 2019-2025, puis la LPM actuelle, couvrant la période 2024-2030.
Autrement dit, et entre les lignes, on comprend que la France n’a pas l’intention, en l’état actuel des choses, de sortir de la trajectoire budgétaire établie par la LPM 2024-2030, laquelle prévoit un budget de 67 milliards d’euros en 2030. Ce qui représente un effort de défense équivalent à environ 2,2 à 2,3 % du PIB — bien en-deçà du seuil de 3,5 % proposé par l’OTAN, et encore plus éloigné des 5 % si l’on tient compte des investissements annexes.
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Auteur : Fabrice Wolf
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