Mémoire, Histoire & Culture Militaire

Des hommes « cassés, barbus, qui effraient », oubliés de l’Histoire : 16 000 prisonniers de guerre reprennent vie à l’écrit

Dans une série de cinq ouvrages, l’historien et essayiste Jean-Jacques Gillot rend hommage aux « Oubliés de l’Histoire », plus de 16 000 prisonniers de guerre périgordins. Des vécus douloureux longtemps tus, et passés sous silence par l’histoire.

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Mai 1940. Louis Chamoulaud est capturé par l’armée allemande à Berck (Pas-de-Calais). Enfermé, il est fait prisonnier d’un stalag, un camp, au bord de la mer Baltique. « Il était forgeron maréchal-ferrant« , se rappelle sa fille Mireille Chamoulaud.

L’histoire de Louis, et celle de 16 000 autres prisonniers de guerre périgourdins est désormais répertoriée dans l’un des cinq ouvrages de recensement emmenés par l’historien Jean-Jacques Gillot. Il publie « Les Oubliés de l’histoire« , pour que ces hommes ne le soient plus.

Libéré en juillet 1945 par les Américains, Louis Chamoulaud est de retour en Dordogne et découvre sa fille, âgée cinq ans, la sœur de Mireille : « c’est encore très douloureux. Ma soeur a toujours le souvenir de son retour. Un homme barbu, qui l’effraie. » Le malheur de ces prisonniers de guerre.

Le père de Mireille, Louis Chamoulaud, a été enfermé pendant cinq ans dans un camp de travail, au service de l’armée allemande.

© Archives

Bernard Vauriac, lui, naît quelques années après que son père, André, est revenu des camps. On lui décrivait une figure auparavant énergique, secrétaire impliqué au syndicat des agriculteurs. Mais Bernard se rappelle avant tout découvrir un « homme cassé, effacé« . Un profil qui rappelle celui du père de Mireille.

Je l’ai toujours connu affaibli, malade, et psychologiquement marqué. Il est revenu anorexique, avec des problèmes cardiaques.

Mireille Chamoulaud

Fille de prisonnier de guerre

Il décède quelques temps après son retour, à 64 ans. « Il fait partie de ceux qui vont mourir des suites des infections pulmonaires et autres blessures qu’ils ont contractées pendant les travaux auxquels ils étaient employés« , insiste Jean-Jacques Gillot. Depuis 2012, l’essayiste s’emploie à retracer leurs parcours, leurs histoires, au contact de leurs familles.

André Vauriac tenait un journal de bord pendant son enfermement. Il a été retrouvé par son fils à son décès.

© Archives

Bernard Vauriac et Mireille Chamoulaud ont pourtant mis du temps à prendre connaissance du vécu de leurs pères dans les camps. Car ces hommes ont rarement raconté. C’est seulement au détour d’un travail scolaire sur Anne Franck à l’école, que Mireille pose ses premières questions dans le cercle familial.
Quant à Bernard Vauriac, son père a emporté ses secrets, laissant derrière lui quelques feuillets et ce journal de bord trouvé à son décès. Il y évoque son long périple et ces détails : « Arrivons le 1er novembre […]. La ration est encore maigre de nouveau. »

J’aurais aimé trouver ça avant.

Bernard Vauriac

Fils de prisonnier de guerre

Son père, Louis Vauriac, n’était loquace qu’avec ses compagnons prisonniers de guerre : « Ils se retrouvaient tous les ans chez l’un où chez l’autre, pour banqueter.« 

Un entre-soi soudé, qui trouve son explication dans l’Histoire, selon Jean-Jacques Gillot : « Ils avaient souffert et ils ont été oubliés, explique-t-il. Le phénomène a été largement minoré, y compris par les historiens, parce qu’ils étaient les représentants de la France qui avait perdu. »

16 000 d’entre eux sont désormais valorisés dans son ouvrage, aux éditions Les livres de l’ilôt.



Auteur : Justine Roy

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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