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Des bombardiers américains B-2 Spirit ont frappé le site nucléaire iranien de Fordo lors d’un raid de longue durée – Zone Militaire

Dans les pages du journal Le Parisien, ce 22 juin, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a affirmé que les services de renseignement français avaient « certifié » que l’Iran disposait « bien des différentes pièces » nécessaires pour assembler une bombe nucléaire, à commencer un « stock d’uranium enrichi à 60 % » qui n’a aucune application civile. « Mais ce stock, une fois réenrichi à 90 % […] permettrait de fabriquer près de dix bombes nucléaires », a-t-il dit.

D’où l’opération militaire « préemptive » [*] Rising Lion, lancée par Israël contre les programmes nucléaire et balistique iranien, dans la nuit du 12 au 13 juin. Soit quelques heures après le vote, par l’Agence internationale de l’énergie atomique [AIEA], d’une résolution déclarant que l’Iran ne respectait pas ses obligations en matière de non-prolifération nucléaire.

Aux États-Unis, le président Trump a semblé vouloir donner une chance à une issue diplomatique, tout en exigeant que l’Iran renonce à ses ambitions nucléaires. Mais, dans le même temps, les forces américaines ont progressivement renforcé leur posture au Moyen-Orient, région placée sous la responsabilité de l’US CENTCOM.

Ainsi, le 16 juin, trente-deux avions ravitailleurs [KC-16A Pegasus et KC-135 Stratotanker] et de transport [C-17] ont rejoint l’Europe, notamment l’Espagne [Morón et Rota], le Royaume-Uni, l’Italie [Aviano] et l’Allemagne [Ramstein]. Certains d’entre eux ont poursuivi leur vol jusqu’au Moyen-Orient.

Le lendemain, des F-35A et des F-16 ont respectivement décollé des bases de Lakenheath [Royaume-Uni] et d’Aviano pour se mettre à la disposition de l’US CENTCOM. Puis, le 20 juin huit F-22A Raptor [sur douze arrivés précédemment à Lakenheath] se sont posés à Mullowaq Salti, en Jordanie.

Dans le même temps, l’US Navy a annoncé qu’elle renforcerait sa présence au Moyen-Orient, deux groupes aéronavals, formés autour des porte-avions USS Nimitz et USS Gerald Ford, devant rejoindre celui de l’USS Carl Vinson.

Le 21 juin, alors que le président Trump venait d’affirmer qu’il se donnait quinze jours pour décider d’une éventuelle frappe contre le programme nucléaire iranien, plusieurs bombardiers stratégiques B-2 « Spirit » ont décollé de la base aérienne de Whitman [Missouri] et mis le cap vers l’île de Guam. À ce moment-là, leur destination finale restait incertaine dans la mesure où ils étaient plutôt attendus à la base Diego Garcia, dans l’océan Indien, afin de renforcer le dispositif militaire américain au Moyen-Orient.

Était-ce une feinte ? Toujours est-il que, comme cela s’est déjà produit par le passé, comme en Afghanistan et en Libye, avec des missions ayant duré entre trente et quarante heures, six B-2 Spirit, emportant chacun deux bombes GBU-57A/B MOP [Massive Ordnance Penetrator], ont frappé le site nucléaire souterrain de Fordo, dont l’existence avait été révélée en 2009, dans la nuit du 21 au 22 juin.

Étant l’un des éléments essentiels du programme nucléaire iranien, avec celui de Natanz, le site de Fordo abrite des centrifugeuses permettant d’enrichir l’uranium [En janvier 2023, l’AIEA y avait découvert des particules d’uranium enrichies à près de 84 %, ndlr]. Profondément enfouies, ses installations sont inaccessibles à la force aérienne israélienne, celle-ci ne disposant pas de munitions comme la GBU-57A/B MOP.

Aussi, l’opération Rising Lion ayant atteint ses limites, Israël ne pouvant compter que sur intervention militaire américaine pour détruire le site de Fordo. Ce qui vient donc d’être fait.

Mise en service en 2011, la MOP est une bombe de 13,6 tonnes censée pouvoir percer jusqu’à 60 mètres de roche ou de béton avant d’exploser dès qu’elle détecte une cavité. Au total, les B-2 ont donc largué 180 tonnes de bombes sur Fordo, ce qui, a priori, serait suffisant pour causer des destructions irrémédiables.

Par ailleurs, outre l’action des B-2 à Fordo, un sous-marin nucléaire lance-missiles de classe Ohio, probablement l’USS Georgia, a tiré trente missile de croisière Tomahawk contre deux autres sites du programme nucléaire iranien, à savoir ceux de Natanz et d’Ispahan.

Les forces américaines ont « mené des frappes massives et précises contre les trois principales installations nucléaires du régime iranien : Fordo, Natanz et Ispahan. Ces noms étaient connus de tous depuis des années, alors qu’ils construisaient cette entreprise terriblement destructrice. Notre objectif était de détruire les capacités d’enrichissement nucléaire de l’Iran et de mettre un terme à la menace nucléaire posée par le principal Etat soutenant le terrorisme au monde », a ensuite déclaré le président Trump.

« Ce soir, je peux annoncer au monde que ces frappes ont été un succès militaire spectaculaire. Les installations d’enrichissement nucléaire de l’Iran ont été complètement et totalement détruites. L’Iran, le tyran du Moyen-Orient, doit maintenant faire la paix. S’il ne le fait pas, les futures attaques seront bien plus graves et bien plus faciles à mener », a-t-il poursuivi.

Et d’ajouter : « La situation ne peut plus durer. Soit la paix règne, soit la tragédie pour l’Iran sera bien plus grave que celle que nous avons connue ces huit derniers jours. N’oubliez pas qu’il reste de nombreuses cibles. Celle de ce soir était de loin la plus difficile […]. Mais si la paix n’est pas rapidement atteinte, nous nous attaquerons à ces autres cibles avec précision, rapidité et habileté. La plupart peuvent être détruites en quelques minutes ».

Reste à voir les conséquences de ces frappes américaines. Cette semaine, le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a prévenu qu’une intervention de Washington entraînerait des « dommages irréparables » tandis que le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Esmail Baghaei a affirmé qu’elle « ouvrirait la voie à une guerre ouverte dans la région ».

Outre la riposte iranienne contre Israël [trente missiles ont été tirés vers l’État hébreu après les frappes américaines], deux points particuliers seront à surveiller dans les prochaines heures : le détroit d’Ormuz, que l’Iran pourrait être tenté de bloquer, et la situation en mer Rouge, où les rebelles houthis, qui lui sont inféodés, ont menacé de reprendre leurs attaques contre les navires américains.

Selon M. Lecornu, l’Iran disposerait encore d’environ 2 000 missiles. « On constate que les frappes sont moins nombreuses chaque jour. Donc, on sent une stratégie iranienne qui s’installe pour durer », a-t-il confié au Parisien.

[*] Selon le droit international, une guerre « préemptive » est lancée pour neutraliser une menace « immédiate et imminente » tandis qu’une guerre « préventive » vise à prévenir une menace qui ne s’est pas encore concrétisée.

Photo : US Air Force



Auteur : Laurent Lagneau

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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