En mars, le ministre portugais de la Défense, Nuno Melo, a remis en cause le projet de la Força Aérea Portuguesa [FAP] d’acquérir des chasseurs-bombardiers F-35A auprès de Lockheed Martin pour remplacer ses F-16 AM/BM, qui arriveront au bout de leur potentiel d’ici peu.
Évoquant le contexte géopolitique et les incertitudes sur les intentions des États-Unis à l’égard de l’Otan, M. Melo avait expliqué que la « prévisibilité » des alliés était un « atout majeur à prendre en compte » et que, partant, « plusieurs options », notamment « européennes », devaient considérées, tout en tenant compte « du retour que celles-ci pourraient avoir pour l’économie portugaise ».
Quelques jours plus tard, le PDG du groupe suédois, Saab, Micael Johansson, fit savoir que des discussions étaient « en cours » avec Lisbonne pour la vente éventuelle d’avions de combat JAS-39 Gripen E/F.
« Nous sommes en discussion avec le Portugal et présentons ce que Saab peut offrir. Nous verrons ensuite s’ils considèrent le Gripen comme une alternative viable », avait en effet confié M. Johannsson au quotidien économique Dagens Industri.
De son côté, quasiment au même moment, le PDG de Dassault Aviation, Éric Trappier, fit savoir qu’il avait « effectivement envie » de proposer le Rafale au Portugal. « C’est un pays de l’Union européenne et de l’Otan. Il disposerait des mêmes capacités d’interopérabilité que nous dans le cadre de l’Alliance, donc cela semble logique », avait-il développé dans les pages du Journal du Dimanche, tout en disant « prudent ».
Finalement, M. Trappier a décidé de livrer bataille. C’est en effet ce qu’il a déclaré lors d’une audition au Sénat, le 25 juin. « On travaille beaucoup avec le Portugal pour essayer » de le convaincre de choisir le Rafale. Et cela « parce qu’il n’a pas encore signé [de commande] de F-35 même s’il était sur le point de le faire », a-t-il dit.
Pour autant, le PDG de Dassault Aviation ne s’est pas départi de sa prudence. D’ailleurs, la déclaration publiée à l’issue du dernier sommet de l’Otan montre que la route vers une « autonomie stratégique » est encore longue… Et ce ne sont pas les instruments SAFE et EDIP, proposés par la Commission européenne, qui permettront, a priori, d’inverser la tendance suivie par la plupart des vingt-sept membres de l’Union européenne [UE].
« On essaie de toquer à la porte des Européens, dont on nous dit qu’ils se sont réveillés, avec les fameux ‘wake-up call’. Et on s’entend souvent dire – quand je dis souvent, c’est presque exclusivement – que « l’on vient d’acheter des F-35, que l’on est très fan d’acheter européen mais vous reviendrez quand le F-35 sera à bout de course, c’est-à-dire dans quarante ans », s’est agacé M. Trappier.
« Donc, on voit bien qu’entre les mots et les actes, il y a toujours une certaine différence. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas cette prise de conscience. Mais il faut vraiment qu’elle soit suivie d’effet », a fait valoir le PDG de Dassault Aviation.
Dans le cas du Portugal, et malgré les mots de M. Melo, le F-35A reste favori. D’une part parce que l’état-major de la Força Aérea Portuguesa n’entend pas y renoncer et d’autre part parce que Lockheed Martin ne ménage pas ses efforts pour avoir le dernier mot. Ainsi, début juin, le groupe américain a signé un protocole d’accord avec les représentants de l’industrie aéronautique portugaise afin de faire profiter cette dernière des retombées économiques qu’une éventuelle commande de son chasseur-bombardier par Lisbonne est susceptible d’engendrer.
Auteur : Laurent Lagneau
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