Mémoire, Histoire & Culture Militaire

« C’est la revanche de la vie sur la barbarie » : cet adolescent veut réhabiliter la mémoire de son arrière-grand-mère, juive polonaise

Si les souvenirs de la déportation sont parfois encore tabous, le voile se lève petit à petit. Le devoir de mémoire se transmet de génération en génération. Pour ne pas oublier, un adolescent et son grand-père espèrent inscrire le nom de leur aïeule sur le Mémorial gardois de la déportation.

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Depuis 1954, ce mémorial situé à Nîmes entretient le souvenir des 1065 déportés gardois de la Seconde Guerre mondiale. 70 ans après, Nathan Kaufmann, un adolescent, a décidé de marcher sur les traces de cette histoire : « Je pense que c’est important de garder en mémoire tous ces noms et la liste je ne pense pas qu’elle soit exhaustive.« 

Une liste que Nathan voudrait compléter. Car le jeune homme a mené des recherches de son côté, sur son arrière-grand-mère, juive polonaise. « J’ai retrouvé la fiche d’internement au camp d’Aix-les-Milles dans le sud de la France, je l’ai retrouvée en faisant des recherches au mémorial de la Shoah« , poursuit-il. 

Nathan Kaufmann, lycéen, veut retracer l’histoire de la déportation de son arrire-grand-mère

© FTV

Dans la famille maternelle, la déportation de l’arrière-grand-mère pendant la guerre au camp d’Aix-les-Milles, dans les Bouches-du-Rhône, était connue. Mais c’était aussi un sujet tabou.

« Je pense qu’il est important, au vu de l’histoire actuelle, au vu de l’histoire même de la Shoah, de la Seconde Guerre mondiale, de garder en mémoire ce qu’il s’est passé. Que je puisse raconter, si j’ai des enfants, ou même des petits-enfants, que ma famille du côté de ma mère était juive. Et qu’il est important de garder en mémoire, ce qu’il s’est passé, qu’il y a eu des internements, que mon grand-père a été déporté dans des stalags », conclut l’adolescent.

        

Pour l’aider dans ses recherches, Nathan peut s’appuyer sur son grand-père, Henri. « On va travailler si je comprends bien ? Bah oui.. Dans la joie ou dans la douleur ? Dans les deux, dans la mémoire », lance celui-ci. À 80 ans passés, se replonger dans cette histoire familiale chargée est toujours douloureux pour Henri.

Niché, la mère d’Henri, et Salomon, son père, ont d’abord fui les pogroms des années 30 en Pologne, pour trouver refuge à Alès, dans le Gard. Salomon a ensuite été prisonnier de guerre pendant que Niché était déportée à Aix-les-Milles. Une histoire simplement évoquée, jamais racontée.  

« Moi j’ai eu des bribes de cette histoire. Qu’est-ce qui m’a été transmis ? Je crois que mes parents voulaient tourner la page. Et que ce silence… Alors, Je crois que ce qu’ils avaient vécu était tellement horrible qu’ils n’avaient pas envie d’en reparler », confie Henri.

Aujourd’hui, Henri est très fier des démarches entreprises par son petit-fils, pour reconstituer l’histoire familiale. « Je ne pensais pas que qu’un jour cette histoire reprendrait place. Une place aussi importante, puisqu’il s’est attaché à faire des recherches auxquelles moi-même j’avais renoncé ou que j’avais négligées« , regrette le grand-père. 

Une des rares photos de l’arrière-grand-mère de Nathan

© FTV

À terme Henri et Nathan souhaitent faire inscrire le nom de Niché Kaufmann, leur mère et arrière-grand-mère, sur le monument gardois de la déportation.

Jean-Paul Borée dirige l’association qui supervise l’inscription des noms sur le mémorial. Il apporte aide et conseil, heureux de voir ce flambeau se transmettre. « Sur ce mémorial où sont inscrits 1065 noms, alors que les nazis avaient prévu de les faire disparaître dans les cendres, le fait même de les avoir inscrits-là, c’est leur revanche, c’est la revanche de la vie sur la barbarie », analyse Jean-Paul Bolé, membre de l’Association des amis de la fondation pour la mémoire de la déportation.

« Aujourd’hui, compte tenu de ce qui se passe dans le monde, ce n’est plus une option. C’est un devoir pour la jeunesse de s’engager, parce que les générations d’après, comme nous, arrivons à l’automne. Nous sommes déjà à l’automne de notre vie », reprend-il.

Au-delà du devoir de mémoire, Nathan souhaite continuer ses recherches. Pour entretenir le souvenir de ses arrière-grands-parents. « C’est ça qui est beau, finalement, c’est que même les morts créent du lien. Cela m’a permis de me rapprocher de mon grand-père et  même de ma mère », conclut-il.

Pour honorer le passé familial. Mais aussi parce que cette histoire, l’aide à se construire.

Écrit avec Alexandre Grellier.



Auteur : Armelle Goyon

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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