Canberra devrait négocier l’achat de bombardiers B-2 avec Washington, selon un groupe de réflexion australien – Zone Militaire
Composée du navire de ravitaillement « Weishanhu », de la frégate de type 054A « Hengyang » et du croiseur de type 055 « Zunyi » avec ses 112 tubes de lancement vertical et ses puissants capteurs, la flottille chinoise 107 ne s’est pas seulement contentée d’effectuer des exercices de tirs réels en mer de Tasman : elle a fait le tour de l’Australie. D’où « l’impérieuse nécessité », pour certains analystes, de doter les forces armées australiennes de capacités « efficaces » pour défendre les approches maritimes et aériennes de l’île-continent et renforcer leur potentiel de dissuasion.
Cela étant, cette question n’est pas nouvelle : elle a même justifié la décision de l’Australie de se procurer huit sous-marins nucléaires d’attaque [SNA] dans le cadre du pacte AUKUS, conclu en septembre 2021 avec les États-Unis et le Royaume-Uni.
Seulement, ce projet est soumis à plusieurs impondérables, à commencer par la capacité de l’industrie navale américaine à livrer les trois SNA de type Virginia promis à la Royal Australian Navy [RAN]. Mais même s’il se concrétise, les premiers sous-marins attendus par l’Australie ne seront pas pleinement opérationnels avant la prochaine décennie.
Aussi, l’idée d’un « plan B » a été avancée par l’Institute for Public Affairs [IPA], un centre de recherche australien à but non lucratif, en août dernier. Dans un rapport intitulé « La sécurité nationale et la défense du Nord de l’Australie », il a recommandé l’achat de bombardiers stratégiques américains B-21 Raider et l’accueil d’un escadron de l’US Air Force doté de cet appareil afin de « renforcer la dissuasion dans les années 2020 et de gérer le risque de retards dans le programme AUKUS de sous-marins ».
« L’achat du B-21 Raider permettrait à l’Australie de disposer d’une force de dissuasion non nucléaire et une capacité de frappe à longue portée significative plus rapidement qu’avec les SNA AUKUS », avait fait valoir l’IPA.
À noter que ce n’était pas la première fois que l’achat éventuel de B-21 Raider par l’Australie était évoqué : en 2022, le chef d’état-major de la Royal Australian Air Force [RAAF], l’Air Marshal Robert Chipman, n’avait pas exclu une telle piste.
Quoi qu’il en soit, via une tribune publiée par Breaking Defense, Euan Graham et Linus Cohen, chercheurs à l’Australian Strategic Policy Institute [ASPI], ont estimé que l’achat de B-21 Raider n’était pas forcément une bonne idée… tout en soutenant la nécessité pour l’Australie de se doter de bombardiers stratégiques américains.
D’abord, selon eux, il est illusoire pour la RAAF de vouloir se doter de B-21 Raider pour au moins deux raisons : l’US Air Force sera toujours prioritaire pour en obtenir et leur coût est hors de portée étant donné qu’il faudrait débourser jusqu’à 18 milliards de dollars pour aligner un escadron de seulement douze appareils.
Une autre solution passerait par le rachat de B-1 Lancer d’occasion, au moment où ce type de bombardier s’apprête à tirer sa révérence au sein de l’US Air Force. Mais là encore, ce serait oublier que ces avions arrivent au bout de leur potentiel [quand ils ne l’ont pas dépassé] après des années d’utilisation intensive en Irak et en Afghanistan.
Aussi, il ne reste plus que le B-2 Spirit, qui doit être remplacé par le B-21 Raider. D’où l’idée d’en acquérir huit exemplaires pour les besoins de la RAAF.
« Le Spirit est déjà en sursis. […] Bien qu’une date précise soit difficile à déterminer, l’US Air Force pourrait commencer à retirer ses B-2A du service dès la fin de la décennie sans réduire sa flotte de bombardiers. Avec le retrait simultané des B-1B et des B-2A [le vénérable B-52 étant maintenu en service], elle aura à gérer un programme d’élimination coûteux et fastidieux », relèvent MM. Graham et Cohen.
Et d’ajouter : « Dans ce contexte, une proposition australienne pour l’achat de huit B-2A ou plus pourrait être bien accueillie par l’USAF et l’administration Trump, qui a souligné la nécessité d’un partage accru des charges avec les alliés ».
Évidemment, quelques obstacles seraient à surmonter. Déjà, il n’est pas certain que les États-Unis veuillent exporter une technologie aussi sensible que celle du B-2 Spirit.
En outre, une telle solution serait coûteuse. Elle « devrait s’inscrire dans le cadre d’une augmentation significative des dépenses militaires, à environ 3 % du PIB, contre environ 2 % aujourd’hui », notent les deux chercheurs. Mais le jeu en vaudrait la chandelle d’autant plus, rappellent-ils, que plusieurs bases aériennes australiennes ont la capacité d’accueillir des B-2 Spirit.
« À mesure que l’USAF se tourne vers le B-21, l’Australie pourrait progressivement prendre en charge une plus grande partie du financement de la maintenance des B-2, allégeant ainsi le coût pour les contribuables américains », font encore valoir les deux chercheurs.
Enfin, estiment-ils, cette solution aurait aussi l’avantage d’offrir « à la RAAF une voie de transition vers le B-21, s’il devient finalement disponible en nombre suffisant pour que les États-Unis envisagent de l’exporter » vers l’Australie.
« Tout cela nécessiterait un effort diplomatique majeur de la part de l’Australie pour convaincre les États-Unis qu’ils peuvent lui faire confiance pour protéger leurs technologies furtives […] si prisées par le biais d’une vente militaire à l’étranger », concluent-ils.
Auteur : Laurent Lagneau
Aller à la source