Mémoire, Histoire & Culture Militaire

« Ça s’est fait dans la plus grande discrétion » : il y a 80 ans, Pétain était arrêté à la frontière franco-suisse

Le 26 avril 1945, Philippe Pétain est arrêté à Jougne (Doubs) à la frontière franco-suisse après son transfert en Allemagne à la fin de la guerre. Un événement peu connu de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale que met en lumière une exposition organisée à l’occasion des 80 ans de cet événement à Jougne.

L’essentiel du jour : notre sélection exclusive

Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l’info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.

France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter « L’essentiel du jour : notre sélection exclusive ». Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Pétain s’est rendu de lui-même aux autorités françaises. « Ça s’est fait dans la plus grande discrétion et la plus grande confidentialité », confie Philippe Pichot, créateur de l’exposition avec l’association Culture et Loisirs de Jougne, au sujet de l’arrestation de Philippe Pétain à la frontière franco-suisse à Jougne dans le Doubs par le général Koenig. Pourquoi cette reddition ? Le maréchal souhaite rentrer à Paris pour assister à son procès qui se déroule du 23 juillet au 15 août 1945.

« Des discussions confidentielles entre de Gaulle et les autorités Suisses s’ouvrent alors », raconte Philippe Pichot. « De Gaulle aurait préféré que Pétain termine sa vie en exil en Suisse, qu’il y ait un procès par contumace et qu’on tourne la page rapidement ». Cela aurait facilité la reconstruction et la réconciliation nationale. La présence de Pétain à son procès a fait en sorte que son procès ne soit pas seulement un acte judiciaire, mais aussi un événement politique et médiatique. 

Voir Pétain revenir, c’était rouvrir les débats sur la collaboration, sur les coupables. De Gaulle voulait en finir depuis les ordonnances d’août 1944 où il est écrit que Vichy est nulle et non avenue.

Philippe Pichot, créateur de l’exposition

L’opération s’est aussi déroulée dans la plus grande discrétion pour la sécurité du maréchal. « Ça s’est joué en 48h. Les Suisses, voyant que Pétain voulait absolument revenir, ont demandé à de Gaulle ce qu’il comptait faire. De Gaulle a été mis devant le fait accompli », souligne le passionné d’histoire. « Quand on envoie Koenig récupérer Pétain le lendemain, on met en place toutes les mesures de sécurité entre Pontarlier et la frontière, avec plusieurs barrages filtrants pour empêcher les résistants, les communistes et tous ceux qui avaient retourné leur veste de venir régler son compte à Pétain ».

Après son arrestation, Pétain et son épouse sont emmenés en voiture jusqu’à la gare des Hôpitaux-Neufs-Jougne, distante de quelques kilomètres.

© Guillaume Soudat-France Télévisions

Ces mesures n’empêcheront pas des militants communistes, ayant eu vent de l’affaire, de lancer des cailloux sur le wagon transportant Pétain au moment où il arrive à Pontarlier (Doubs). « Tout en lançant les cailloux, ils criaient « A mort Pétain ! », « Pétain au poteau » », précise Philippe Pichot. Le maréchal Pétain a ensuite été transporté à la prison de Fresnes dans le Val-de-Marne, « prison de haute sécurité ».

À LIRE AUSSI : « Il n’en parlait jamais » : intimes, refoulées, secrètes…quelles sont ces histoires reliant de Gaulle à la Suisse ?

Pour rappel, lors de son procès, Pétain a défendu son action en invoquant la situation désastreuse de la France pendant la guerre, la défaite de 1940, et en affirmant qu’il avait agi pour sauver la nation. Il a tenté de se positionner comme un homme d’État pragmatique, ce qui a suscité une certaine clémence de la part de certains observateurs. Toutefois, cette défense n’a pas suffi à modifier la perception générale de ses actes de collaboration avec l’Allemagne nazie. Pétain a été reconnu coupable de trahison, et bien que des circonstances atténuantes aient été prises en compte, il a été condamné à la peine de mort. Cette peine a été commuée en emprisonnement à vie par le général de Gaulle. 

Petite anecdote aussi en lien avec la Suisse : lors de son procès Pétain a été défendu par un brillant avocat d’origine suisse : Jacques Isorni qui a aussi défendu le collaborateur Robert Brasillach. « Cet avocat sera la plus grande figure de l’anti-gaullisme des années 60 », note le créateur de l’exposition.  Pour Philippe Pichot, si Pétain était resté en Suisse : « (il) aurait fini sa vie en exil, l’histoire serait passée vite sur le personnage ». Pendant des décennies, les présidents successifs, dont Jacques Chirac, ont décoré la tombe du maréchal Pétain. 

Avec Gabin Cransac et Guillaume Soudat.



Auteur : Elisabeth Khanchali

Aller à la source

Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

Cédric has 6485 posts and counting. See all posts by Cédric