Vie Militaire & Défense

Aide humanitaire: le démantèlement de l’USAID pourrait profiter à la Chine

Photo by Luis TATO / AFP

Et si la disparition de l’agence de développement américaine USAID servait avant tout les intérêts chinois?

On se souviendra que la nouvelle administration américaine a lancé une réorganisation impliquant le transfert de certaines fonctions de son agence de développement, l’USAID, au département d’Etat (le DoS) d’ici au 1er juillet 2025. Elle a aussi annoncé la suppression des autres fonctions de l’USAID (comme l’assistance aux médias indépendants) qui ne correspondent plus aux priorités de l’Etat fédéral. A cette réorganisation s’ajoute un décret présidentiel du 20 janvier ordonnant un gel de l’aide étrangère américaine pour 90 jours. S’en sont suivies de nombreuses coupes dans divers programmes de l’USAID, malgré quelques exemptions pour l’aide humanitaire vitale (c’est le cas de la Somalie, la Syrie, du Liban, de la Jordanie, de l’Irak et de l’Equateur qui vont encore bénéficier d’une assistance via le Programme alimentaire mondial de l’ONU).

Malgré ce transfert au DoS et en dépit de ces exemptions, l’administration Trump a supprimé 83% des programmes de l’USAID. Cette agence gérait à elle seule jusqu’à présent un budget annuel de 42,8 milliards de dollars, soit 42% de l’aide humanitaire déboursée mondialement.

L’impact humanitaire du démantèlement de l’USAID est lourd. Il va provoquer une recrudescence des décès liés à la malnutrition et au manque de traitements médicaux; il va aussi intensifier les risques sanitaires mondiaux.

La réduction drastique des programmes d’aide humanitaire de l’USAID menace également les intérêts américains en matière de sécurité nationale. La dissolution de l’USAID crée en effet un vide en matière de soft power non seulement en Afrique mais aussi en Asie de l’Est et dans la région indo-pacifique. Un vide que la Chine a la tentation et l’ambition de combler. Le gouvernement chinois utilise depuis longtemps l’aide et les investissements étrangers via l’initiative des « nouvelles routes de la Soie » (Belt and Road Initiative ou BRI) pour asseoir son influence stratégique en Afrique, en Amérique du Sud et surtout en Asie. Dans ces zones, Pékin devait traditionnellement compter avec les aides et partenariats américains existants, la part américaine annuelle étant six fois supérieure à celle de la Chine (42 milliards contre 7 en moyenne).

Photo by Myo Kyaw Soe / XINHUA / Xinhua via AFP

Aujourd’hui, avec la disparition des aides américaines, la Chine a l’opportunité de renforcer ses intérêts géostratégiques et de supplanter les États-Unis à peu de frais même s’il lui faudra consentir à pousser vers le haut ses engagements financiers. Selon le Lowy Institute, « la baisse de l’aide américaine propulsera la Chine comme le plus grand partenaire de développement bilatéral au monde, les États-Unis cédant à la Chine le statut de partenaire le plus important dans plus de 40 pays ».

Déjà Pékin a pris des mesures pour financer des programmes d’alphabétisation des enfants, de nutrition et de déminage au Cambodge; d’autres programmes d’aide médicale ont été intensifiés au Népal, en Birmanie, en Mongolie…

Mais comme le notait Charles Kenny, du Center for Global Development, « dans les cas du Cambodge et des Centres for Disease Control (CDC) d’Afrique, où la Chine est déjà intervenue, elle l’a fait avec une fraction des ressources fournies par les États-Unis. Cela témoigne des limites des capacités de financement de la Chine dans les secteurs dont les États-Unis se désengagent ». Mais le chercheur de prévenir: « Jusqu’à présent, ces efforts ont été essentiellement superficiels, mais cela ne devrait pas rassurer quiconque s’inquiète de la position internationale des États-Unis. »

 

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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