Accord avec les Kurdes, commission d’enquête sur les violences… Le point sur la situation en Syrie
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R. S. (avec AFP)
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Mazloum Abdi, commandant en chef des Forces démocratiques syriennes, et Ahmed Al-Charaa, président syrien de transition, à Damas le 10 mars 2025, après la signature d’un accord pour intégrer les institutions de l’administration kurdes au sein du gouvernement national. SYRIAN ARAB NEWS AGENCY/UPI/NEWSCOM/SIPA
Le gouvernement syrien a annoncé lundi 10 mars être parvenu à la signature d’un accord avec les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes, qui contrôlent le nord-est du pays. Un accord qui intervient alors que les derniers bilans des massacres commis contre des civils alaouites dans l’ouest du pays font état d’un millier de morts, selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH). Il s’agit des pires violences depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition menée par des islamistes radicaux qui a renversé le dictateur Bachar al-Assad le 8 décembre 2024.
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La commission d’enquête mandatée par la présidence syrienne pour enquêter sur ces tueries est « déterminée » à garantir la justice et à « empêcher les représailles » extrajudiciaires, a indiqué ce mardi 11 mars son porte-parole. « Le Nouvel Obs » fait le point sur les dernières évolutions dans le pays.
• Où en sont les violences ?
Le gouvernement a annoncé lundi 10 mars la fin de l’opération militaire dans l’ouest du pays. Une commission d’enquête a été mandatée par le président Ahmed Al-Charaa afin de poursuivre les responsables de ces massacres. « La nouvelle Syrie est déterminée à garantir la justice, à faire prévaloir l’Etat de droit, à protéger les droits et libertés de ses citoyens, empêcher toutes représailles extrajudiciaires et à garantir l’absence d’impunité », a affirmé ce mardi 11 mars Yasser Al-Farhane, porte-parole de la commission.
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Les violences ont été déclenchées jeudi 6 mars. A la suite d’une série d’embuscades contre des forces de sécurité par des fidèles de l’ancien régime, le gouvernement a mené des opérations militaires dans l’ouest du pays, où se concentre la communauté alaouite, minorité qui représente 10 % de la population syrienne et dont est issu le clan Al-Assad. Ces opérations ont dégénéré en représailles. Depuis jeudi, l’OSDH, ONG basée au Royaume-Uni disposant d’un large réseau de sources en Syrie, a recensé au moins 1 093 civils tués, en grande majorité des Alaouites, aux mains des « forces de sécurité et de groupes affiliés » dans les provinces de Lattaquié et de Tartous.
Ces massacres ont été vivement condamnés par la communauté internationale, notamment la France, la Chine, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. L’ONU, par la voix du porte-parole du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme, a appelé à faire cesser « les souffrances » des populations dans l’ouest de la Syrie : « Les habitants des zones côtières de la Syrie continuent de souffrir et cela doit cesser. »
• Qui sont les Forces démocratiques syriennes avec qui Damas vient de signer un accord ?
La présidence syrienne, qui cherche à unifier un pays divisé par treize années de guerre civile, a annoncé lundi 10 mars un accord pour « intégrer » au sein de l’Etat toutes les institutions civiles et militaires relevant de l’administration autonome kurde du nord et de l’est de la Syrie. Accueilli dans plusieurs villes syriennes par des manifestations de joie selon les médias d’Etat, l’accord a été signé par le président par intérim, Ahmed Al-Charaa, et le chef des Forces démocratiques syriennes, Mazloum Abdi, pour une application prévue d’ici à la fin de l’année.
Les FDS constituent une coalition de différents groupes armés présents dans le nord-est de la Syrie. Si les FDS comptent dans leurs rangs des combattants arabes, les Unités de Protection du Peuple (YPG), une milice kurde, en sont la principale composante.
Fondées en 2015 dans le cadre de la guerre civile syrienne, les FDS, soutenues dans leur effort par la coalition internationale, ont notamment contribué au renversement de l’organisation Etat islamique, dont le dernier bastion est tombé en 2019. Aujourd’hui, les FDS contrôlent une large zone allant de l’Euphrate jusqu’à la frontière irakienne, un territoire autonome que les Kurdes nomment le « Rojava ».
• Que contient cet accord entre les FDS et le gouvernement ?
Dans un communiqué, Damas précise que l’accord prévoit « l’intégration de toutes les institutions civiles et militaires du nord-est de la Syrie au sein de l’administration de l’Etat syrien, y compris les postes-frontières, l’aéroport ainsi que les champs pétroliers et gaziers. »
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Il reconnaît également les Kurdes comme « une composante essentielle de l’Etat syrien » et garantit leurs « droits à la citoyenneté et l’ensemble de leurs droits constitutionnels ». Une reconnaissance bienvenue pour ce peuple longtemps marginalisé sous le régime des Al-Assad (privation de la nationalité pour un grand nombre d’entre eux, interdiction d’utiliser leur langue ou célébrer leurs fêtes).
• Quel est l’enjeu pour le gouvernement provisoire ?
Cet accord doit ouvrir la voie à une réunification de la Syrie. En effet, depuis la guerre civile qui a éclaté en 2011, le pays était morcelé en une multitude de territoires, chacun contrôlés par des factions armées différentes.
En intégrant la zone des FDS, le gouvernement provisoire assoit ainsi son contrôle sur une large portion du territoire syrien qui comprend des villes importantes comme Rakka ou Hassaké. La région est également riche en ressources énergétiques (gaz et pétrole) et en blé.
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L’accord qui prévoit l’intégration des institutions militaires kurdes pourrait aussi permettre à Damas de disposer d’un soutien armé dans la région. Une politique qui a déjà été mise en place pour les milices druzes, comme l’explique Thomas Pierret, chercheur au CNRS et spécialiste de la Syrie : « Dans la région de Soueïda (sud-ouest), il semblerait que le nouveau pouvoir ait accepté de donner des responsabilités sécuritaires à certains groupes armés druzes. Comme les factions druzes sont assez divisées, le gouvernement joue sur les rivalités entre factions, en soutenant celles qui lui sont favorables. »
Les forces du FDS pourraient ainsi être employées pour mater les insurrections pro-Al-Assad, comme le prévoit le traité signé lundi qui exige « le soutien à l’Etat syrien dans sa lutte contre les résidus du régime Al-Assad et toutes les menaces pesant sur sa sécurité et son unité ».
Sur le plan international, il doit enfin démontrer la capacité du gouvernement à intégrer les minorités dans la future reconstruction de la Syrie, après les massacres commis contre les Alaouites la semaine dernière.
Auteur : R. S.
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